Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 janvier 2019 et le 25 juillet 2019, la SARL Rapid'Pose, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 4 décembre 2018 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son activité entre dans le champ du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l'article 279-0 bis du code général des impôts dès lors qu'il s'agit d'une activité de fabrication et de pose de matériaux s'intégrant dans un immeuble bâti de plus de deux ans et que les factures délivrées à ses clients sont appuyées des attestations exigées ;
- la documentation administrative référencée au BOI-TVA-LIQ-30-20-90-20-20140929 indique, dans son paragraphe 350 D, que pour les systèmes d'ouverture et de fermeture des logements, seuls sont exclus du bénéfice du taux réduit les éléments non incorporables au bâti qui ne sont pas destinés à demeurer de façon durable au lieu de leur emplacement initial et conservent dans leur ensemble, leur nature de biens meubles ;
- le bénéfice du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée n'est pas subordonné au respect de l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts ou de l'article 290 quinquies du même code, les mentions portées sur la facture tenant d'ailleurs lieu de note ;
- les erreurs constatées par le vérificateur dans les mentions portées sur les factures auraient dû conduire non à la remise en cause du bénéfice du taux réduit, mais au prononcé d'une sanction sur le fondement de l'article 1737 du code général des impôts ;
- le paragraphe 110 de la documentation administrative référencée au BOI-CF-INF-10-40-40 20120912 prévoit que les inexactitudes relatives à la dénomination précise, au prix unitaire hors taxe et au taux de taxe sur la valeur ajoutée légalement applicable pour chacun des biens livrés ou des services rendus figurant sur les factures sont sanctionnées par l'amende prévue au II de l'article 1737 du code général des impôts.
Par un mémoire, enregistré le 15 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les moyens soulevés par la SARL Rapid'Pose ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F..., première conseillère,
- et les conclusions de Mme E..., rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Rapid'Pose, qui exerce une activité de fabrication, pose et vente de fermetures en bâtiment de tous genres, stores, volets roulants et accessoires, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er octobre 2009 au 31 décembre 2012. A l'issue de cette vérification, l'administration fiscale a remis en cause l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l'article 279-0 bis du code général des impôts à 979 des 1 136 factures contrôlées et a réclamé à la SARL Rapid'Pose les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants sur l'ensemble de la période vérifiée. La SARL Rapid'Pose relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande de décharge de ces compléments de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard correspondants.
Sur les conclusions à fin de décharge :
2. Aux termes de l'article 278 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 19,60 % ". Aux termes de l'article 279-0 bis de ce code : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans, à l'exception de la part correspondant à la fourniture d'équipements ménagers ou mobiliers ou à l'acquisition de gros équipements fournis dans le cadre de travaux d'installation ou de remplacement du système de chauffage, des ascenseurs, de l'installation sanitaire ou de système de climatisation dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé du budget (...). 3. Le taux réduit prévu au 1 est applicable aux travaux facturés au propriétaire ou, le cas échéant, au syndicat de copropriétaires, au locataire, à l'occupant des locaux ou à leur représentant à condition que le preneur atteste que ces travaux se rapportent à des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans. Le prestataire est tenu de conserver cette attestation à l'appui de sa comptabilité. ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'application du taux réduit aux travaux qu'elles mentionnent est soumise à la double condition que le preneur établisse, à la date du fait générateur de la taxe ou au plus tard à celle de la facturation, une attestation selon laquelle les travaux effectués remplissent les conditions posées par cet article et que la personne qui réalise ces travaux, et qui établit la facturation, conserve cette attestation à l'appui de sa comptabilité.
4. Aux termes du 1 du I de l'article 289 du code général des impôts : " Tout assujetti est tenu de s'assurer qu'une facture est émise, par lui-même, ou en son nom et pour son compte, par son client ou par un tiers : / a. Pour les livraisons de biens ou les prestations de services qu'il effectue pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, et qui ne sont pas exonérées en application des articles 261 à 261 E ; (...) / II. Un décret en Conseil d'Etat fixe les mentions obligatoires qui doivent figurer sur la facture. Ce décret détermine notamment les éléments d'identification des parties, les données concernant les biens livrés ou les services rendus et celles relatives à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée (...) ". Aux termes de l'article 242 nonies A de l'annexe II à ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : / 1° Le nom complet et l'adresse de l'assujetti et de son client ; (...) / 8° Pour chacun des biens livrés ou des services rendus, la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors taxes et le taux de taxe sur la valeur ajoutée légalement applicable ou, le cas échéant, le bénéfice d'une exonération ; / 9° Tous rabais, remises, ristournes ou escomptes acquis et chiffrables lors de l'opération et directement liés à cette opération (...) ". Aux termes de l'article 290 quinquies de ce code relatif aux obligations des redevables en matière de travaux immobiliers : " Toute prestation de services comprenant l'exécution de travaux immobiliers, assortie ou non de vente, fournie à des particuliers par un redevable de la taxe sur la valeur ajoutée, doit faire l'objet d'une note mentionnant le nom et l'adresse des parties, la nature et la date de l'opération effectuée, le montant de son prix et le montant de la taxe sur la valeur ajoutée. L'original de la note est remis au client au plus tard lors du paiement du solde du prix ; le double est conservé par le prestataire dans la limite du droit de reprise de l'administration ".
5. Aux termes enfin de l'article 256 du code : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / II. 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire. / (...) / IV. 1° Les opérations autres que celles qui sont définies au II, notamment (...) les travaux immobiliers (...) sont considérés comme des prestations de services ". Doivent être regardés comme des travaux immobiliers toutes les opérations qui concourent directement à l'édification d'un bâtiment. Ces opérations peuvent notamment consister à intégrer dans la construction d'un bâtiment des matériaux, des éléments ou équipements préalablement fabriqués. En pareil cas, le prix facturé par l'entreprise chargée des travaux immobiliers comprend nécessairement celui de la fourniture des matériaux, éléments ou équipements, que ceux-ci aient été achetés par l'entreprise à des tiers producteurs ou négociants ou qu'ils aient été fabriqués par l'entreprise elle-même.
6. En dehors des cas visés par l'article 279-0 bis où la fourniture d'équipements mobiliers est exclue du bénéfice du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée et où il convient, dès lors, de faire apparaître distinctement le prix de la fourniture et le prix de la pose de l'équipement, lorsqu'un assujetti réalise des travaux immobiliers qui relèvent du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, la fourniture et la pose de ces biens meubles s'analysent comme une unique opération au regard de la taxe sur la valeur ajoutée et l'administration ne peut, en se fondant sur les dispositions du 8° de l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts applicables aux prestations de services effectuées pour un autre assujetti ou une personne morale non assujettie ou sur celles de l'article 290 quinquies du même code applicable aux prestations de service comprenant l'exécution de travaux immobiliers fournie à des particuliers, refuser l'application du taux réduit à ces opérations au seul motif que les factures afférentes à de tels travaux ne font pas apparaître distinctement le prix de la fourniture du produit et le prix de sa pose.
7. Il résulte de l'instruction que les factures en cause, dont quelques-unes ont été produites et dont il n'est pas contesté qu'elles se présentent comme les autres factures remises en cause, comportent une première ligne intitulée " fourniture et pose " valorisée à un montant nul, une deuxième ligne décrivant les principales caractéristiques génériques des biens fournis valorisés à un montant nul, puis des lignes se rapportant à chaque produit comportant l'indication d'un prix HT et d'un prix TTC au taux réduit.
8. Pour justifier la remise en cause du taux réduit de taxe appliqué par la SARL Rapid'Pose, le vérificateur a relevé qu'elle avait " fourni et facturé des matériaux éligibles au taux réduit " mais avec " un montant de pose égal à zéro ", que ce montant nul apparaissait dans 979 des 1136 factures contrôlées, qu'il ne s'agissait donc pas d'une opération promotionnelle et qu'en conséquence le taux réduit ne pouvait s'appliquer à ces factures. En première instance, l'administration a précisé que, s'il n'était pas contesté que les travaux réalisés par la société sont bien éligibles au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, le bénéfice du taux réduit était subordonné à ce que, dans la facturation, les deux prestations soient clairement distinguées et que la société n'avait pas produit la note prévue à l'article 290 quinquies du code général des impôts.
9. Toutefois, il ressort des mentions portées sur les factures litigieuses qu'elles ne peuvent s'analyser comme faisant apparaître un prix de pose nul pour les biens fournis, mais seulement comme faisant apparaître, produit par produit, un prix global pour une prestation de pose et de fourniture. Ainsi qu'il a été dit au point 6, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose, pour la réalisation de telles prestations, de distinguer dans la facture adressée à une personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée ou à une personne morale non assujettie ou dans la note adressée à un particulier, la fourniture et la pose du bien meuble. Par ailleurs, l'administration ne saurait faire grief à la société de ne pas avoir conservé les notes prévues à l'article 290 quinquies du code général des impôts alors qu'elle a communiqué au vérificateur, au cours du contrôle, les factures et notes qu'elle a adressées à ses différents clients. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que la société, dont il a été admis qu'elle disposait des moyens matériels et humains pour le faire, n'aurait pas procédé, ainsi que le mentionnent les factures, à la fourniture et à la pose des biens en cause. Il n'est pas contesté enfin que la société a conservé, pour les factures et notes en litige, les attestations des preneurs selon lesquelles les travaux effectués remplissaient les conditions posées par l'article 279-0 bis du code général des impôts. Dans ces conditions, l'administration n'était pas fondée à remettre en cause le bénéfice du taux réduit aux opérations litigieuses au double motif que les factures ne faisaient pas apparaître distinctement le coût de la fourniture et le coût de la pose des biens meubles et que la société n'avait pas conservé les notes prévues à l'article 290 quinquies du code général des impôts.
10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que la SARL Rapid Pose est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande de décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée réclamés et des intérêts de retard correspondants.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL Rapid Pose et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La SARL Rapid'Pose est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2009 au 31 décembre 2012 et des intérêts de retard appliqués à ces droits.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 4 décembre 2018 est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à la SARL Rapid'Pose une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Rapid'Pose et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme B..., présidente-assesseure,
Mme F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.
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N° 19LY00376
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