Procédure devant la cour
       Par une requête enregistrée le 15 novembre 2019, M. et Mme B..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
       1°) d'annuler ce jugement ;
       2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Rhône ;
       3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, en cas d'annulation du refus de séjour, de leur délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, en cas d'annulation des refus de séjour pour un motif d'illégalité externe ou des obligations de quitter le territoire français, de réexaminer leurs situations dans un délai de deux mois, en les munissant dans un délai de huit jours d'autorisations provisoires de séjour les autorisant à travailler sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou enfin, en cas d'annulation de la décision fixant le pays de destination, de les assigner à résidence ;
       4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
       M. et Mme B... soutiennent que :
       - les refus de titre de séjour ne sont pas suffisamment motivés ;
       - le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de leurs situations personnelles ;
       - les refus de titre de séjour méconnaissent le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
       - ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur leurs situations personnelles ;
       - le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de leur délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
       - le préfet a commis une erreur de droit en opposant le fait qu'ils ne disposaient pas d'un visa de long séjour pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
       - les obligations de quitter le territoire sont illégales du fait de l'illégalité des refus de titre de séjour ;
       - elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
       - elle sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
       - les décisions refusant d'accorder un délai de départ supérieur à trente jours sont illégales du fait de l'illégalité des refus de titre de séjour ;
       - elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
       - elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
       - les décisions fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité des refus de titre de séjour et des décisions faisant obligation de quitter le territoire ;
       - elles méconnaissent les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
       Le préfet du Rhône, auquel la requête a été régulièrement communiquée, n'a produit aucune observation.
       Vu les autres pièces du dossier ;
       Vu :
       - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
       - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
       - le code des relations entre l'administration et le public ;
       - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
       - le code de justice administrative ;
       Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
       Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
       Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme L..., première conseillère ;
       Considérant ce qui suit :
       1. M. B..., ressortissant kosovar né en 1964, déclare être entré irrégulièrement en France le 19 décembre 2011, accompagné d'un de ses fils F.... Son épouse, Mme G... épouse B..., ressortissante de même nationalité, née en 1967, les a rejoints en juillet 2012, accompagnée de leur autre fils H.... Leurs demandes d'asile ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, toutes deux confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 6 mars 2014. Par des arrêtés du 28 mai 2015, les requérants ont fait l'objet de décisions portant refus de séjour assortis de mesures d'éloignement dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 22 février 2018. Le 10 janvier 2018, les requérants ont présenté de nouvelles demandes de titre de séjour. Par arrêtés du 7 décembre 2018, le préfet du Rhône a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 15 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon, après les avoir jointes, a rejeté leurs demandes d'annulation de ces arrêtés.
       Sur les refus de séjour :
       2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
       3. Si M. et Mme B... résidaient en France depuis six ans à la date des arrêtés litigieux, ils ont fait l'objet en mai 2015 de mesures d'éloignement qu'ils n'ont pas exécutées. S'il est constant que le préfet a décidé de régulariser les situations de leurs fils qui font leurs études, l'un à Caen et l'autre dans la région lyonnaise, en leur délivrant des titres de séjour en qualité d'étudiants, leurs fils sont majeurs et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en raison de leur état de santé ou de toute autre circonstance ils nécessiteraient la présence de leurs parents à leurs côtés. Enfin, M. et Mme B... ne sont pas dépourvus d'attaches familiales au Kosovo, pays qu'ils ont quitté alors qu'ils étaient respectivement âgés de quarante-trois et de quarante-sept ans et où réside leur fille. Dans ces conditions, malgré les efforts d'intégration des requérants et leur apprentissage de la langue française, les décisions contestées n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises. Le préfet du Rhône n'a, ainsi, en refusant de leur délivrer des titres de séjour, méconnu ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation.
       4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
       5. Eu égard à ce qui a été dit sur la situation personnelle de chacun des requérants, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant leur admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au titre de la vie privée et familiale. S'agissant de l'admission exceptionnelle au séjour de M. B... en qualité de salarié, la promesse d'embauche produite par le requérant, portant sur un contrat à durée déterminée et un emploi peu spécifique pour lequel il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... disposerait d'une expérience particulière, le préfet du Rhône n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre au séjour sur ce fondement au titre du travail.
       6. En troisième lieu, M. et Mme B... reprennent en appel les moyens qu'ils ont présentés devant le tribunal tirés de ce que les refus de titre de séjour ne sont pas suffisamment motivés, que le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de leurs situations personnelles avant de prendre à leur encontre ces décisions et que le préfet a commis une erreur de droit en opposant à M. B... le fait qu'il ne disposait pas d'un visa de long séjour pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal, d'écarter ces moyens.
       Sur les obligations de quitter le territoire français :
       7. Compte tenu de ce qui vient d'être indiqué sur la légalité des refus de titre de séjour qui leur ont été opposés, M. et Mme B... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français.
       8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, ces décisions n'ont pas été prises en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants.
       Sur les refus de leur accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours :
       9. En premier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être indiqué sur la légalité des refus de titre de séjour qui leur ont été opposés, M. et Mme B... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions refusant de leur accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.
       10. En deuxième lieu, en vertu du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai de trente jours et les dispositions de cet article prévoient que l'autorité administrative " peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas ".
       11. Si M. et Mme B... invoquent, pour justifier que le préfet leur accorde un délai de départ supérieur à trente jours, la scolarisation de leurs enfants majeurs et la maladie de leur fils aîné, il ne ressort pas des pièces du dossier que leurs enfants, qui sont majeurs et qui ne sont pas tenus de les suivre au Kosovo, nécessiteraient leur présence à leurs côtés. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne leur accordant pas à titre exceptionnel un délai de départ supérieur à trente jours. Pour les mêmes motifs, ces décisions ne méconnaissent pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
       Sur les décisions fixant le pays de destination :
       12. En premier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être indiqué sur la légalité des refus de titre de séjour qui leur ont été opposés et des obligations de quitter le territoire français, M. et Mme B... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions fixant le pays de destination.
       13. En deuxième lieu, M. et Mme B... reprennent en appel les moyens qu'ils ont présentés devant le tribunal, tirés de ce que les décisions fixant le pays de destination méconnaissent les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal, d'écarter ces moyens.
       14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et Mme I... G... épouse B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme D..., présidente-assesseure,
Mme L..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.
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N° 19LY04158
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