Par un jugement nos 1701859 - 1701860 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de la SARL Le Sauvage Sataple et, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur une partie des conclusions de la demande de M. E..., a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 décembre 2018 et le 2 août 2019, la SARL Le Sauvage Sataple, d'une part, et M. et Mme E..., d'autre part, représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 16 octobre 2018 en tant qu'il a rejeté la demande de la SARL Le Sauvage Sataple et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. E... ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros à verser à la SARL Le Sauvage Sataple et la somme de 1 000 euros à verser à M. et Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
En ce qui concerne la SARL Le Sauvage Sataple :
- en méconnaissance de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, la vérification de comptabilité a duré plus de trois mois sans qu'elle soit informée, conformément au paragraphe n° 5 de l'instruction administrative 13 L 10-08 du 18 décembre 2008 et au paragraphe n° 140 du BOI-CF-PGR-20-30, de cette prorogation ;
- l'administration ne justifie pas qu'elle l'a informée, conformément au II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, sur les traitements informatiques qu'elle souhaitait engager ;
- il n'est pas établi que, conformément à l'article 18, II de la loi 2007-1824 du 25 décembre 2007 et au paragraphe n° 23 de l'instruction administrative 13 L-2 08 du 6 mars 2008, la SARL a formalisé son choix par écrit dans le cadre de la mise en oeuvre de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;
- en l'absence de production par l'administration fiscale du procès-verbal correspondant, la restitution des copies de fichiers n'est pas établie ;
- les sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé de M. E... sont justifiées et ne constituent pas pour elle un passif injustifié ;
- l'administration n'a pas suffisamment motivé l'application de la majoration pour manquement délibéré ;
- elle ne justifie pas de l'existence d'un tel manquement ;
En ce qui concerne M. et Mme E... :
- les sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé de M. E... ne constituent pas des revenus distribués sur le fondement du a de l'article 111 du code général des impôts.
Par des mémoires, enregistrés le 15 juillet 2019 et le 21 août 2020, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :
- le tribunal, qui n'a pas eu connaissance des dégrèvements partiels intervenus en cours d'instance le 20 septembre 2018 au profit de M. et Mme E..., a rejeté purement et simplement les demandes ;
- les sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé de M. E... sont imposables à l'impôt sur le revenu sur le fondement de l'article 109-1 2° du code général des impôts, base légale qu'il convient de substituer à celle de l'article 111 a) du code ;
- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H..., première conseillère,
- et les conclusions de Mme G..., rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Le Sauvage Sataple, qui exploite un fonds de commerce d'hôtellerie restauration à Tournus (71700) et dont M. E... est gérant et associé, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos les 31 décembre 2012, 2013 et 2014. A l'issue de ce contrôle, l'administration a notamment réintégré dans les résultats de la société des sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé de M. E... au motif qu'elles constituaient un passif injustifié. En conséquence de ces rectifications effectuées selon la procédure contradictoire, la SARL Le Sauvage Sataple a été assujettie à des compléments d'impôt sur les sociétés au titre de ces trois exercices, assortis de pénalités. L'administration ayant considéré que les sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé de M. E... constituaient des revenus distribués imposables entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du a) de l'article 111 du code général des impôts, a assujetti M. et Mme E... à des compléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2012, 2013 et 2014 notifiés selon la procédure contradictoire. Ces rappels d'impôt sur le revenu de même que les rappels de contributions sociales assignés à M. et Mme E... ont été assortis de pénalités. Par un jugement du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Dijon, après les avoir jointes, a rejeté la demande de la SARL Le Sauvage Sataple tendant à la décharge des impositions et pénalités dont elle a été l'objet, constaté que les conclusions de M. E... tendant à la décharge des impositions et des pénalités dont il a été l'objet étaient, dans la mesure du dégrèvement prononcé en cours d'instance, devenues sans objet et rejeté le surplus de sa demande. La SARL Le Sauvage Sataple et M. et Mme E... relèvent appel de ce jugement. Les requérants doivent, s'agissant des conclusions relatives aux impositions et pénalités assignées à M. et Mme E..., être regardés comme relevant appel du jugement attaqué en tant que, par son article 3, il a rejeté le surplus des conclusions de la demande dont il était saisi.
Sur les impositions et majorations mises à la charge de la SARL Le Sauvage Sataple :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'impositions :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " I.- Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : /1° Les entreprises industrielles et commerciales (...) dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; (...) // III.(...) / - En cas de mise en oeuvre du II de l'article L. 47 A, la limitation à trois mois de la durée de la vérification sur place est prorogée de la durée comprise entre la date du choix du contribuable pour l'une des options prévues à cet article pour la réalisation du traitement et, respectivement selon l'option choisie, (...) soit celle de la remise des copies de fichiers nécessaires à la réalisation des traitements par l'administration. Cette dernière date fait l'objet d'une consignation par écrit. ". La date à laquelle la vérification sur place des livres et documents mentionnée par ces dispositions doit être regardée comme ayant débuté est celle à laquelle le vérificateur commence à contrôler sur place la sincérité des déclarations fiscales. La date à laquelle elle s'achève correspond en principe à la dernière intervention sur place du vérificateur.
3. Les requérants reprennent en appel le moyen qu'ils avaient soulevé en première instance tiré de ce que la vérification de comptabilité, qui a duré plus de trois mois, a excédé la durée légale.
4. Il résulte des termes de la proposition de rectification que la vérification de comptabilité a débuté le 9 octobre 2015. Il résulte de l'attestation que M. E... a complétée et signée le 5 novembre 2015 et qui a été produite par l'administration en première instance, dans le cadre de la mise en oeuvre du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, que la SARL Le Sauvage Sataple a opté, le 5 novembre 2015, pour la remise au service vérificateur des copies des fichiers nécessaires à la réalisation des traitements demandés. Elle a, ainsi qu'il ressort du courrier du 20 novembre 2015 produit en première instance, dont la seconde page a été cosignée par la vérificatrice et par M. E..., procédé à la remise d'une clé USB contenant ces copies de fichiers à la vérificatrice le 20 novembre 2015. La réunion de synthèse, correspondant à la dernière intervention sur place de la vérificatrice, a eu lieu le 15 janvier 2016. Par suite, la durée de la vérification de comptabilité, qui a été prorogée d'une durée de quinze jours en application des dispositions du III de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, n'a pas excédé le délai de trois mois fixé à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales.
5. En deuxième lieu, à supposer que les requérants entendent critiquer la régularité de la procédure d'imposition au regard des règles relatives au contrôle des comptabilités informatisées, il résulte de l'instruction, et en particulier des pièces produites en première instance, que l'administration a, conformément au II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, par un courrier du 5 novembre 2015 suffisamment précis, informé la société de son souhait de réaliser des traitements informatiques sur ses systèmes informatisés, que la société a formalisé le même jour, sur ce document, son choix entre les différentes options possibles et que l'administration a restitué la copie des fichiers qui lui avait été remise le 15 janvier 2016. Par ailleurs, aucune disposition légale ne fixe un délai de mise en oeuvre des traitements informatiques prévus à l'article L. 47 A II du livre des procédures fiscales.
6. En troisième lieu, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe n° 5 de l'instruction administrative 13 L 10-08 du 18 décembre 2008, du paragraphe n° 140 du BOI-CF-PGR-20-30 et du paragraphe n° 23 de l'instruction administrative 13 L-2 08 du 6 mars 2008, qui sont relatifs à la procédure d'imposition.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions en litige :
7. Les requérants reprennent en appel les moyens que la société avait invoqués en première instance et tirés de ce que la SARL Le Sauvage Sataple justifie, par des éléments suffisamment précis, de l'inscription de six écritures au crédit du compte courant d'associé de M. E... et que ces sommes ne constituent pas pour elle un passif injustifié, moyens auxquels le tribunal a exactement répondu dans les points 4 à 10 du jugement. Il y a lieu, par adoption des motifs du tribunal, d'écarter ces moyens.
En ce qui concerne les pénalités :
8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable (...) ".
9. L'administration a assorti les compléments d'impôt sur les sociétés résultant de la comptabilisation au passif du bilan de la SARL Le Sauvage Sataple de sommes non justifiées au profit de son gérant et de la déduction des charges non exposées dans l'intérêt de la société de la majoration de 40 % pour manquement délibéré. Elle a également assorti les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée de cette majoration. En relevant, dans les propositions de rectification du 21 décembre 2015 et du 2 février 2016, que la SARL Le Sauvage Sataple avait, d'une part, de façon répétée au cours des trois exercices vérifiés et pour des montants importants, comptabilisé au passif de son bilan des sommes non justifiées au profit de son gérant et déduit des charges non exposées dans l'intérêt de la société et, d'autre part, procédé chaque année à une écriture de régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée collectée qui aurait dû être versée au Trésor au cours de l'exercice précédent, ce qui établissait que la SARL avait conformément au a. de l'article 1729 du code général des impôts cherché volontairement à éluder l'impôt, l'administration a suffisamment motivé sa décision d'appliquer aux rehaussements ainsi visés la majoration pour manquement délibéré.
10. En se fondant sur ces éléments, que la SARL Le Sauvage Sataple n'a pas contestés s'agissant des charges non exposées dans l'intérêt de la société et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée, l'administration justifie, comme elle en a la charge en vertu de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, le bien-fondé de la majoration pour manquement délibéré infligée à la société, sans que cette dernière puisse utilement faire valoir que le gérant de la SARL n'a finalement pas été soumis à de telles pénalités au titre de son imposition personnelle à la suite de remises accordées en première instance.
Sur les impositions restant à la charge de M. et Mme E... :
11. Le ministre de l'action et des comptes publics demande que les sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé de M. E..., imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, initialement sur le fondement de l'article 111 a du code général des impôts, le soient sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code.
12. L'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier l'imposition en substituant une base légale à une autre, sous réserve que le contribuable ne soit pas privé des garanties de procédure qui lui sont données par la loi compte tenu de la base légale substituée.
13. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". En vertu de ces dispositions, les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus distribués, imposables, par suite, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année de leur inscription.
14. Les requérants se réfèrent, pour contester les impositions qui leur ont été assignées, aux arguments présentés par la société pour contester le caractère injustifié du passif constitué par les sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé de M. E.... Pour les mêmes motifs que ceux concernant la société, tels qu'ils ont été adoptés au point 7 du présent arrêt, M. et Mme E... n'apportent pas la preuve que les sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé de M. E... ne présentaient pas le caractère de revenus. Ainsi, et dans la mesure où cela ne prive les contribuables d'aucune garantie procédurale, les impositions litigieuses doivent être maintenues sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 précité du code général des impôts.
15. Il résulte de tout ce qui précède, et alors que contrairement à ce que relève le ministre le tribunal a prononcé, dans les motifs et le dispositif de son jugement, un non-lieu à statuer partiel à hauteur des dégrèvements prononcés en faveur de M. et Mme E... en cours d'instance, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté, respectivement, la demande de la SARL Le Sauvage Sataple et le surplus des conclusions de la demande de M. et Mme E....
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL Le Sauvage Sataple et à M. et Mme E... la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Le Sauvage Sataple et de M. et Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Sauvage Sataple, à M. et Mme A... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme C..., présidente-assesseure,
Mme H..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.
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N° 18LY04586
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