Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2020, la SARL OC Distrib'auto, représentée par la SCP BTSG, agissant en qualité de liquidateur, elle-même représentée par Me Wolf, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions, des pénalités correspondantes et des amendes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement au visa de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ;
- l'absence de mention exacte de la nature des amendes l'a privée de la garantie d'une information cohérente, utile et transparente satisfaisant aux prescriptions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ; cette irrégularité est de nature à entraîner la décharge totale des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée et des amendes auxquels elle a été assujettie ; l'avis vise expressément une réponse aux observations du contribuable du 28 octobre 2015 alors qu'elle n'en a pas été destinataire ;
- si l'administration estime que les factures présentées sont dépourvues d'authenticité, il lui revenait de mettre en œuvre la procédure d'inscription de faux pour les écarter de la procédure ;
- pour exclure le régime de taxation sur la marge, le service s'est borné à expliquer que des personnes physiques auraient été frauduleusement interposées dans le but de dissimuler l'identité du dernier titulaire ; les éléments sur lesquels se fonde l'administration sont insuffisants pour démontrer que ces opérations avaient ouvert droit à déduction en amont et qu'elles ne pouvaient être soumises au régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.
Par un mémoire, enregistré le 1er juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une lettre du 4 février 2022, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce l'irrecevabilité des conclusions de la requête à fin de décharge des amendes et des intérêts de retard dans la mesure où l'administration a prononcé, antérieurement à l'introduction de l'instance devant le tribunal administratif de Grenoble, la remise de ces intérêts de retard et amendes en application de l'article 1756-1 du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL OC DISTRIB'AUTO, qui a exercé une activité de négociant en véhicules neufs et d'occasion jusqu'à sa mise en liquidation judiciaire prononcée par un jugement du tribunal de commerce de Mâcon du 14 avril 2017, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er avril 2014 au 31 décembre 2014, à l'issue de laquelle elle a été assujettie, suivant la procédure contradictoire, à des compléments de taxe sur la valeur ajoutée résultant, d'une part, de rappels de taxe collectée omise dans ses déclarations et, d'autre part, de la remise en cause du régime de taxation sur la marge appliqué à certaines opérations de revente de véhicules neufs et d'occasion acquis auprès notamment d'un fournisseur allemand. Les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés ont été assortis des intérêts de retard et, suivant le cas, des majorations aux taux de 40 % et 80 % prévues au a) et au c) de l'article 1729 du code général des impôts. La SARL Distrib'auto s'est vu également infliger des amendes sur le fondement des articles 1788 A-4 et 1788 1 du code général des impôts en l'absence d'auto-liquidation et de dépôt des déclarations d'échanges de biens. Par un jugement du 8 octobre 2020, dont la SARL OC Distrib'auto, représentée par son liquidateur, la SCP BTSG, relève appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande de décharge de ces impositions, des pénalités correspondantes et des amendes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si la SARL OC Distrib'auto fait valoir que le tribunal administratif de Dijon a omis de statuer sur un moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement, en tant qu'il se réfère à une réponse aux observations du contribuable du 28 octobre 2015 dont elle n'a pas été destinataire, en méconnaissance de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, il ressort du dossier de première instance que la société a invoqué devant le tribunal administratif, d'une part, un moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales fondé sur l'absence d'indication de la nature de l'amende et, d'autre part, un moyen tiré de ce que les pièces de procédure auxquels se réfère l'avis de mise en recouvrement ne lui ont pas été notifiées. Il ressort des motifs du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu aux moyens de procédure en les écartant. Par suite, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune omission à statuer.
Sur la recevabilité des conclusions relatives aux amendes et aux intérêts de retard :
3. Il résulte des explications fournies par le ministre en réponse à la lettre informant les parties que la cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public et des pièces jointes à son mémoire qu'à la suite du jugement plaçant la SARL OC Distrib'auto en liquidation judiciaire, l'administration a procédé, en application du I de l'article 1756 du code général des impôts, à la remise des intérêts de retard appliqués aux droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société et des amendes infligées sur le fondement des articles 1788 A-4 et 1788 A 1 a) du code général des impôts. Par suite, les conclusions de la SARL OC Distrib'auto sont, dans cette mesure, sans objet et donc irrecevables.
Sur les conclusions relatives à la taxe sur la valeur ajoutée :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. /L'avis de mise en recouvrement mentionne également que d'autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. (...) ".
5. La SARL OC Distrib'auto soutient que l'absence de mention exacte de la nature des amendes qui lui ont été infligées l'a privée de la garantie d'une information cohérente, utile et transparente satisfaisant aux prescriptions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales.
6. Les irrégularités qui, selon la société requérante, affecteraient l'avis de mise en recouvrement s'agissant des amendes sur lesquelles il porte ne sont de nature, eu égard au caractère divisible d'un tel acte, qu'à entrainer la décharge de ces seules amendes à l'exclusion des droits en principal. Compte tenu de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus, le moyen invoqué est inopérant à l'encontre des droits de taxe sur la valeur ajoutée en litige.
7. Si la SARL OC Distrib'auto entend soutenir en appel que l'avis de mise en recouvrement l'a induite en erreur en se référant, à tort, à une réponse aux observations du contribuable relative à la taxe sur la valeur ajoutée rappelée au titre de la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2014, il ressort de l'instruction que cet avis de mise en recouvrement vise bien une réponse aux observations du contribuable du 28 octobre 2015 notifiée à la société dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire de ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée de la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2014 et que, dans cette réponse, l'administration s'est bornée à constater que la société n'avait pas contesté les rectifications notifiées en dépit du délai supplémentaire qui lui avait été accordé pour produire ses observations. Par suite, cet avis de mise en recouvrement n'a pu induire en erreur la SARL OC Distrib'auto.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
8. Aux termes du 2° bis du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion d'œuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en œuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ". Aux termes du 1° du I de l'article 297 A du même code : " La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'œuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) ". Aux termes de l'article 297 E de ce code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ".
9. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée à la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de la taxation sur la marge prévue par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E de ce code, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. Il en est de même lorsque le bien est acquis auprès d'un fournisseur situé en France et dont le fournisseur est situé quant à lui dans un autre Etat-membre. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française connaissait ou ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, et sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs.
10. Il résulte de l'instruction que la SARL OC Distrib'auto a, sur la période du 1er avril au 31 décembre 2014, revendu selon le régime de la taxation sur la marge, prévu par l'article 297 A du code général des impôts quatre-vingt-quatorze véhicules acquis auprès d'une fournisseur allemand, Breisach Car GmbH. L'administration a remis en cause l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge au motif que, d'une part, pour cinquante-cinq véhicules, la société était en possession de factures mentionnant le régime des livraisons intracommunautaires et que, d'autre part, pour les trente-neuf autres, les factures établies par la société Breisach Car GmbH avaient été modifiées au niveau de la mention afférente au régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable. Il suit de là que la société ne pouvant se prévaloir de factures conformes aux dispositions de l'article 297 E du code général des impôts, l'administration ne supportait pas la charge de la preuve d'établir le caractère erroné de l'application du régime de taxation sur la marge, ni, a fortiori, le caractère intentionnel d'une application erronée de ce régime de taxation.
11. Concernant plus particulièrement les factures présentées comme dépourvues d'authenticité, si la SARL OC Distrib'auto fait valoir qu'il appartenait à l'administration de " mettre en œuvre une procédure d'inscription de faux " pour les écarter, ce moyen ne peut qu'être écarté comme n'étant pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier la portée.
12. La SARL OC Distrib'auto reprend en appel le moyen invoqué en première instance tiré de ce que, pour exclure le régime de taxation sur la marge, le service s'est borné à expliquer que des personnes physiques auraient été frauduleusement interposées dans le but de dissimuler l'identité du dernier titulaire et que ces éléments sur lesquels se fonde l'administration sont insuffisants pour démontrer que ces opérations ne pouvaient être soumises au régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Dijon.
13. Il résulte de ce qui précède que la SARL OC Distrib'auto n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL OC Distrib'auto est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP BTSG, liquidateur de la SARL OC Distrib'auto, et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Evrard, présidente assesseure,
Mme Caraës, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2022.
La rapporteure,
R. Caraës
Le président,
D. PruvostLa greffière,
M.-A.... Pillet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 20LY03687