Par une requête, enregistrée le 10 août 2017, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 mai 2017 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) d'annuler l'arrêté litigieux du 15 décembre 2016 du préfet de l'Allier ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Allier de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sauf à faire application des dispositions combinées des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et d'ordonner le versement de cette même somme à Me A... son conseil, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé au sens des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision de refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont entachées d'un vice substantiel de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa situation justifiait de plein droit la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont entachés d'erreur de droit, dès lors que le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence au regard de sa situation humanitaire qui justifiait une admission au séjour à titre exceptionnel sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une erreur de droit faute d'avoir pris en compte le caractère suivi et sérieux de sa formation et ont méconnu les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il n'a plus de lien, ni de contact avec sa famille ;
- la décision de refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ont été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2017, le préfet de l'Allier conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. D... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juillet 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B..., ressortissant malien né le 20 juillet 1998 à Bamako, entré irrégulièrement sur le territoire français en mars 2015, a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance de l'Allier le 22 mai 2015 du fait de sa minorité. Il a présenté une demande tendant à l'obtention d'un titre de séjour le 30 mai 2016 afin de conclure un contrat d'apprentissage qu'il a effectué auprès de l'entreprise Fernandes pour préparer un CAP de plâtrier-peintre. Par arrêté du 15 décembre 2016, le préfet de l'Allier a rejeté cette demande qu'il a assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement à l'expiration de ce délai. Par un jugement du 30 mai 2017, dont il relève appel par la présente requête, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ". Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France à l'âge de seize ans et demi, et a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Allier le 22 mai 2015. Il a fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative de l'UTAS Ouest Allier à compter du 22 mai 2016, et a signé un contrat d'accueil provisoire pour jeune majeur, le 20 juillet 2016, jour de sa majorité, afin notamment de suivre un apprentissage en plâtrerie-peinture. M. B...soutient ne plus avoir de contact avec les membres de sa famille vivant au Mali. En défense, le préfet de l'Allier soutient que l'intéressé conserve des liens avec sa famille restée dans son pays d'origine, qu'il est venu en France dans le but de travailler afin d'aider celle-ci financièrement et qu'à la date de la décision attaquée, il n'a pas apporté la preuve qu'il suivait une formation professionnelle depuis moins de six mois de manière sérieuse et réelle. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'intéressé a suivi plusieurs stage en entreprise lors desquels il a fait preuve de motivation et d'une intégration suffisante pour que l'une d'elle lui propose de signer un contrat d'apprentissage qui justifiait sa demande d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de sa majorité. Il ressort des pièces du dossier ainsi que le préfet de l'Allier lui-même le relève en défense que la structure d'accueil a " établi un bon rapport concernant son insertion professionnelle ". La circonstance qu'il n'aurait pas rompu tout lien avec sa famille ne suffit pas à justifier le refus attaqué, eu égard à l'avis favorable de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française, et au caractère non sérieusement contesté du suivi réel et sérieux d'une formation par l'intéressé. Par suite, en refusant de lui délivrer, à titre exceptionnel, un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de compléter sa formation, le préfet de l'Allier a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision du 15 décembre 2015 par laquelle le préfet de l'Allier a refusé de l'admettre au séjour à titre exceptionnel et par voie de conséquence, l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Eu égard au motif qui fonde l'annulation par le présent arrêt de la décision de refus d'admission au séjour opposée à M. B... par le préfet de l'Allier, et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un autre motif ou une autre circonstance de fait s'opposerait à la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé qui démontre le suivi de sa formation et son assiduité lors de son apprentissage, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Allier de lui délivrer un titre de séjour en qualité de " salarié " dans un délai de deux mois, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais lié à l'instance :
6. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions combinées des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens, à verser au conseil de M. D... B..., Me A..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1700261 du 30 mai 2017 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 15 décembre 2016 par lequel le préfet de l'Allier a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B... et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Allier de délivrer à M. B... un titre de séjour en qualité de " salarié " dans un délai de deux mois.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Me A..., conseil de M. B... en application des dispositions combinées des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., au ministre de l'intérieur, au préfet de l'Allier et au Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique le 2 octobre 2018.
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N° 17LY03115