Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 23 novembre 2017, M. B... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 octobre 2017 en tant qu'il a partiellement rejeté sa demande ;
2°) d'annuler cet arrêté du 17 août 2017 en tant qu'il a prononcé une obligation de quitter le territoire français sans délai et fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention "vie privée et familiale" dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quarante-huit heures, sous la même astreinte, ou à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai de trente jours, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- cette obligation méconnaît le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet de l'Ain qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., de nationalité ivoirienne, né en 1990, est entré en France le 20 février 2017 muni d'un passeport revêtu d'un visa touristique, en compagnie de son épouse, de nationalité française, avec laquelle il s'était marié le 18 novembre 2016. Un enfant est né de leur union le 8 juin 2017. Par arrêté du 17 août 2017 le préfet de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an. Par jugement du 19 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé l'interdiction de retour et a rejeté le surplus de la demande de M. A.... Ce dernier relève appel de ce jugement en tant qu'il a partiellement rejeté sa demande.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de l'Ain du 17 août 2017 :
2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des attestations établies par la structure hébergeant M. A... et son épouse depuis la naissance de leur enfant, que la communauté de vie entre ces derniers n'avait pas cessé à la date de l'arrêté en litige, même si, comme l'a relevé dans sa décision le préfet de l'Ain, qui n'a toutefois produit aucun élément à l'appui de ses allégations, M. A... a pu momentanément quitter le foyer suite à des disputes conjugales. Dans ces conditions, le requérant doit être regardé comme ayant contribué effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant, âgé de deux mois à la date de l'arrêté en litige, depuis sa naissance. Par suite, l'arrêté obligeant M. A... à quitter le territoire français a été pris en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 août 2017 du préfet de l'Ain, en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Si le présent arrêt, qui annule la décision prescrivant l'éloignement de M. A..., n'implique pas nécessairement que le préfet de l'Ain délivre un titre de séjour à l'intéressé, il implique qu'il réexamine sa situation après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour. Il y a lieu d'impartir au préfet de l'Ain un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt pour procéder à ce réexamen après avoir délivré à M. A... une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A....
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du 17 août 2017 du préfet de l'Ain est annulé en tant qu'il a prononcé une obligation de quitter le territoire français sans délai à l'encontre de M. A... et fixé le pays de renvoi.
Article 2 : L'article 3 du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 19 octobre 2017 est annulé.
Article 3 : Il est fait injonction au préfet de l'Ain de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 octobre 2018.
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N° 17LY03997
dm