Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2018, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 décembre 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du 9 novembre 2017 pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de l'autoriser à déposer une demande d'asile en France et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à Me D..., son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- n'ayant pas été personnellement convoquée à l'audience qui s'est tenue le 6 décembre 2017 devant le tribunal administratif de Grenoble, le jugement est entaché d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 742-4, I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et doit, pour ce motif, être annulé ;
- seul son conseil a été informé de la date d'audience ;
- l'arrêté de remise aux autorités italiennes est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été précédé de la lecture à haute voie dans une langue qu'elle comprend des documents d'information prévus par l'article 4 du règlement n° 604/2013 alors qu'elle ne sait ni lire, ni écrire ;
- compte tenu des défaillances systémiques dans la prise en charge des demandeurs d'asile par les autorités italiennes et de son état de grande vulnérabilité, enceinte et illettrée, en ordonnant son retour dans ce pays le préfet l'exposait à des risques de traitements inhumains et dégradants et de violation de ses droits en tant que demandeur d'asile ;
- dans ce contexte les dispositions de l'article 3§2 du règlement de Dublin prévoit que " l'Etat procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable ", de sorte que la France doit être responsable de sa demande d'asile ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation pour ne pas avoir fait application de l'article 17 du règlement n° 604/2013.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations.
Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 mars 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., première conseillère,
- et les observations de Mme B... présente à l'audience en présence de MmeE... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante guinéenne, a déposé une demande d'asile en France. Par arrêté du 9 novembre 2017, le préfet de la Haute-Savoie a ordonné son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement du 12 décembre 2017, dont Mme B... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
2. Aux termes de l'article R. 777-3 du code de justice administrative : " Sont présentés, instruits et jugés selon les dispositions des articles L. 742-4 à L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les recours en annulation formés contre les décisions de transfert mentionnées à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, le cas échéant, contre les décisions d'assignation à résidence prises en application de l'article L. 561-2 de ce code au titre de ces décisions de transfert. ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à la procédure contentieuse applicable aux décisions de transfert mentionnées à l'article L. 742-3 du même code : " I. - L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine.(...) L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. ". Il en résulte que, par dérogation à l'article R. 431-1 du code de justice administrative, les dispositions spéciales du I de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile imposent, lorsqu'elles trouvent à s'appliquer, une convocation personnelle à l'audience de la requérante, même assistée d'un avocat, dans les litiges relatifs aux arrêtés de transfert portés devant les tribunaux administratifs. Dès lors, l'intéressée doit, même si elle est assistée d'un avocat, être personnellement convoquée à l'audience devant le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne.
3. En l'espèce, le jugement attaqué mentionne que les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience du 6 décembre 2017, au cours de laquelle le magistrat désigné a présenté son rapport en l'absence des parties. Si cette mention fait foi jusqu'à preuve du contraire, elle est toutefois contredite par les pièces du dossier de première instance, qui ne comportent pas copie de la convocation de Mme B... à cette audience, malgré la demande adressée à cet effet au greffe de la juridiction. Le dossier de première instance ne comporte aucune pièce établissant l'existence d'une convocation écrite ou orale de l'intéressée à l'audience. Ainsi, Mme B... doit être regardée comme n'ayant pas été personnellement convoquée à l'audience devant le tribunal administratif, en méconnaissance des dispositions du I de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle est, dès lors, fondée à soutenir que le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, l'annulation.
4. Dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu, de renvoyer Mme B... devant le tribunal administratif de Grenoble pour qu'il soit statué sur sa demande.
5. La présente décision n'impliquant pas la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour à l'intéressée, ses conclusions tendant à ce qu'une telle injonction soit prononcée doivent être rejetées.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me D..., conseil de Mme B..., au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble du 12 décembre 2017 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Grenoble.
Article 3 : L'Etat versera à Me D..., conseil de Mme B..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me D.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique le 2 octobre 2018.
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N° 18LY00315
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