M. et Mme D... ont alors demandé au tribunal administratif de Grenoble d'assurer l'exécution de ce jugement.
Par un jugement n° 1506852 du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistré le 18 août 2016, M. et Mme D..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 juin 2016 ;
2°) d'assurer l'exécution du jugement du 6 mai 2010, notamment en condamnant l'administration à leur rembourser un trop perçu de 7 128,86 euros et en lui enjoignant de procéder au versement des intérêts moratoires issus de la décision qui leur a alloué une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en ordonnant la mainlevée de la garantie d'hypothèque légale inscrite à hauteur de 68 776 euros sur la SCI Saint Pierre, en ordonnant la mainlevée de la saisie arrêt sur salaires pratiquée auprès de l'employeur de Mme D... le 25 février 2014, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision n'a pas été mise à exécution dans des délais raisonnables ;
- le déficit foncier n'a pas été correctement imputé sur les revenus fonciers des années 2000, 2011, 2002, 2003 et 2004 ;
- l'administration a mis en place des procédures de recouvrement forcé sans avoir tenu compte de la modification des bases imposables qui aurait dû être appliquée sur la base de ses propres constatations issues de son courrier du 31 mai 2011 ;
- les intérêts de retard afférents à la somme mise à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, dus à compter du prononcé du jugement, et au taux majoré en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, n'ont jamais été versés ;
- l'administration n'a pas tiré les conséquences des nouvelles bases d'imposition s'agissant des années 2003 et 2004 ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les dégrèvements résultant de l'exécution du jugement ont été prononcés le 6 juin 2011 ;
- l'ordre de dépense correspondant au paiement de la somme mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative a été établi le 24 mai 2011 ;
- le calcul des impositions dues après contrôle et jugement doit prendre en compte l'ensemble des rehaussements ;
- si les avis à tiers détenteurs comportent un montant correspondant à la somme des frais et des montants initiaux mis en recouvrement majorés, le montant des dégrèvements prononcés y apparaît sous la rubrique " acomptes versés " ;
- le comptable a donné mainlevée, le 18 février 2016, de l'avis à tiers détenteur notifié à, l'employeur de Mme D... et de l'hypothèque légale inscrite sur le bien appartenant à la SCI Le Saint Pierre.
Par un mémoire enregistré le 13 janvier 2017, le ministre de l'économie et des finances, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les intérêts moratoires ont été payés le 14 décembre 2016 et que les autres moyens des appelants ne sont pas fondés.
Par lettre du 7 mars 2018 les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en s'abstenant de constater un non-lieu partiel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 2010-127 du 10 février 2010 ;
- le décret n° 2011-137 du 1er février 2011 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure ;
- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par jugement n° 0604436 rendu le 6 mai 2010, le tribunal administratif de Grenoble a rétabli le déficit foncier déclaré au titre de l'année 1995 par M. et Mme D..., dans la limite de la somme de 327 032,61 francs, réduit les bases de l'impôt sur le revenu des intéressés pour les années 2000, 2001, 2002, 2003 et 2004 à concurrence de ce rétablissement, et déchargé les intéressés des droits et intérêts de retard correspondant à ces réductions de base d'imposition. Il a également mis la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. et Mme D..., estimant que ce jugement n'avait pas été correctement exécuté, ont saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à son exécution. Ils relèvent appel du jugement du 23 juin 2016 par lequel ce tribunal, statuant sur cette demande d'exécution après l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, l'a rejetée.
2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. (...) la juridiction saisie (...) peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte (...) ".
Sur l'étendue du litige :
3. Il résulte de l'instruction que la somme de 1 000 euros mise à la charge de l'Etat par le jugement du 6 mai 2010, liquidée le 24 mai 2011, a été versée à M. et Mme D... le 7 juillet 2011. La somme allouée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens est productive d'intérêts dans les conditions définies à l'article 1153-1 du code civil, alors en vigueur. En application de ces dispositions, les intérêts étaient dus au taux légal, soit 0,65 % en 2010 puis 0,38 % en 2011, depuis le jour du prononcé de la décision allouant cette somme, le 6 mai 2010. Ces intérêts étaient dus, en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, au taux majoré à compter de l'expiration d'un délai de deux mois suivant la notification de cette décision qui a eu lieu le 25 mai 2010, et jusqu'à sa liquidation, le 24 mai 2011. Il résulte de l'instruction que l'Etat a liquidé, le 30 novembre 2016, et payé le 14 décembre suivant une somme de 103,84 euros correspondant aux intérêts sur la somme de 1 000 euros due au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, pour une période qui excède, d'ailleurs, celle qui est définie ci-dessus et pour un taux excédant manifestement les taux légaux et majorés applicables. Dès lors, les conclusions de M. et Mme D... tendant à ce que la cour assure l'exécution du jugement du 6 mai 2010 en tant qu'elle implique le paiement de ces intérêts sont devenues sans objet.
Sur le surplus :
En ce qui concerne les mesures prises par le comptable public :
4. Il résulte de l'instruction que le comptable public chargé du recouvrement des créances mises à la charge de M. et Mme D... a engagé des poursuites à leur encontre, par voie d'avis à tiers détenteur en février 2014. Il résulte également de l'instruction que le même comptable a, le 18 février 2016, postérieurement à l'introduction de la requête de première instance, donné mainlevée de l'avis à tiers détenteur notifié à l'employeur de Mme D... et de l'hypothèque légale sur le bien appartenant à la SCI le Saint Pierre à hauteur de la somme de 68 776 euros. Il en résulte que les conclusions présentées par M. et Mme D... devant le tribunal et tendant aux mêmes fins étaient devenues sans objet et les moyens dirigés contre ces actes de poursuite inopérants. C'est donc à tort que le tribunal s'est abstenu de constater un non-lieu sur ce point. Il y a lieu pour la cour d'annuler sur ce point le jugement attaqué, d'évoquer les conclusions de la demande devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de décider qu'il n'y a plus lieu d'y statuer.
En ce qui concerne le montant des dégrèvements prononcés :
5. Le déficit foncier constaté en 1995 tel qu'il résulte du jugement du 6 mai 2010 a été imputé par l'administration, en exécution du jugement, sur les bénéfices fonciers des années suivantes. Après imputation des déficits et bénéfices déclarés au titre de chacune des années 1996 à 2001, le déficit foncier constaté en 1995 tel qu'il résultait du jugement du 6 mai 2010 a ainsi été ramené à 23 691 euros, ainsi que cela résulte du tableau intitulé " conséquences financières du contrôle après jugement " annexé au courrier adressé par l'administration à M. et Mme D... le 31 mai 2011. En 2002, l'imputation d'un déficit de 23 691 euros sur le bénéfice foncier déclaré de 29 417 euros a généré un revenu foncier imposable de 5 726 euros, de sorte que le déficit foncier constaté en 1995 a épuisé ses effets en 2002 et n'était plus susceptible d'entraîner aucun dégrèvement au titre des années 2003 et 2004. Si M. et Mme D... considèrent qu'en 2004, leur revenu foncier imposable devrait s'élever à 43 221 euros alors que l'administration a retenu une somme de 51 556 euros, l'administration démontre, en se référant aux propositions de rectification du 6 septembre 2005 et du 23 septembre 2005, versées aux débats, que les éléments retenus par les appelants ne prennent pas en compte les redressements qui ont été maintenus et qui ne sauraient donner lieu à aucun dégrèvement, même après le jugement du 6 mai 2010. Il en résulte que les intéressés ne sont pas fondés à soutenir que l'exécution de ce jugement aurait été incorrecte ou incomplète et que l'ensemble de leurs conclusions tendant à ce que la cour prononce diverses injonctions à l'encontre de l'administration à raison de cette exécution prétendument imparfaite ne peuvent qu'être rejetées.
6. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à se plaindre du rejet du surplus de leur demande par le tribunal administratif de Grenoble.
Sur les frais liés au litige :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. et Mme D... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme D... tendant au versement des intérêts moratoires dus sur la somme allouée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens mise à la charge de l'Etat par le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 juin 2016.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 juin 2016 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. et Mme D... dirigées contre les mesures prises par le comptable public.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme D... dirigées contre les mesures prises par le comptable public.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. et Mme D... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et à Mme E... D..., et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 mai 2018.
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N° 16LY02920
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