Par une requête, enregistrée le 6 avril 2018, M. C..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 janvier 2018 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe contestés et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C... soutient que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, faute d'expliciter les motifs pour lesquels l'administration a retenu la qualification d'activité professionnelle occulte ;
- la procédure d'imposition est irrégulière en méconnaissance des droits de la défense et des stipulations des paragraphes 1 et 3 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la procédure d'imposition a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales faute pour l'administration de l'avoir informé sur l'origine et la teneur des renseignements obtenus de tiers ;
- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve de sa situation de taxation d'office ;
- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est excessivement sommaire et radicalement viciée ; les rappels de taxe ne sont pas fondés dans leur montant ;
- la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge doit être appliquée sur les ventes de véhicules n'ayant pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée lors de leur acquisition ;
- les pénalités appliquées sont uniquement motivées sur la foi de déclarations obtenues sans l'assistance d'un avocat en méconnaissance des droits de la défense et des stipulations des paragraphes 1 et 3 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les pénalités ne sont pas établies, l'administration fiscale n'ayant pas apporté la preuve qui lui incombe de l'exercice occulte à titre professionnel d'une activité commerciale taxable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Par ordonnance du 31 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 18 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bourrachot, président,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C... relève appel du jugement du 31 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2011 assortis de la majoration pour exercice occulte d'une activité commerciale taxable.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ; (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que, conformément à l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, le ministère de la justice a spontanément informé l'administration fiscale de l'instance pénale diligentée à l'encontre de M. C.... L'administration fiscale a engagé un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. C... et a constaté en examinant ses relevés bancaires, que M. C... exerçait à titre occulte une activité commerciale d'achat revente de véhicules d'occasion qu'il avait omis de déclarer auprès d'un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Au cours des opérations de contrôle, l'administration fiscale lui a remis en mains propres le 13 septembre 2012 des mises en demeure de déposer les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée qu'il était tenu de souscrire. La consultation des pièces de procédure pénale auprès de l'autorité judiciaire, le 19 septembre 2012, a confirmé l'exercice occulte d'une activité commerciale, cependant que, en dépit de la notification des mises en demeure, M. C... s'est abstenu de déposer dans les délais légaux les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée relatives à la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2011. L'administration fiscale a donc appliqué la procédure de taxation d'office à la taxe sur la valeur ajoutée prévue par les dispositions précitées du 3. de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. M. C... n'est, par suite pas fondé à soutenir que l'administration fiscale n'a pas apporté la preuve de sa situation de taxation d'office à la taxe sur la valeur ajoutée au motif qu'elle n'aurait pas démontré l'exercice occulte d'une activité commerciale taxable par l'intéressé, assujetti-revendeur.
4. Aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination. (...) ".
5. Compte tenu de la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification au sens de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales est inopérant. La proposition de rectification qui a été adressée à M. C... comportait les bases et les modalités de détermination des impositions rehaussées auxquelles elle entendait l'assujettir. Ainsi, elle satisfait aux exigences de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales.
6. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". L'obligation ainsi faite à l'administration fiscale de tenir à la disposition du contribuable qui le demande, avant la mise en recouvrement d'impositions établies au terme d'une procédure de rectification contradictoire ou par voie d'imposition d'office, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements correspondants, sauf dans le cas où ces renseignements sont librement accessibles au public, permet au contribuable de vérifier l'authenticité de ces documents et d'en discuter la teneur ou la portée et constitue ainsi une garantie pour l'intéressé. Cette obligation ne peut toutefois porter que sur les documents originaux ou les copies de ces documents effectivement détenus par les services fiscaux. Par suite, au cas notamment où les documents dont le contribuable sollicite la communication sont détenus non par l'administration fiscale, qui en a seulement pris connaissance dans l'exercice de son droit de communication, mais par l'autorité judiciaire, il appartient à l'administration fiscale de renvoyer l'intéressé vers cette autorité.
7. La proposition de rectification du 30 janvier 2013 adressée à M. C... indique qu'en application des dispositions des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a exercé son droit de communication auprès du tribunal de grande instance de Vienne le 19 septembre 2012 afin de prendre connaissance des documents relatifs à la procédure judiciaire ouverte à son encontre. Elle indique également que l'administration fiscale a, par ailleurs, en application des articles L. 81 à L. 85 du livre des procédures fiscales, exercé son droit de communication auprès, d'une part, des établissements bancaires détenteurs des comptes bancaires ouverts à son nom afin d'obtenir les relevés bancaires non communiqués par le contribuable et des copies de chèques, et d'autre part auprès de son fournisseur de véhicules d'occasion, Me A..., opérateur de ventes publiques, le 28 septembre 2012, afin d'obtenir une copie des bordereaux acheteur établis à son nom. Le contribuable a donc été informé de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus de tiers et a été mis à même de réclamer la communication des documents avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses, lorsque l'administration fiscale en détient des copies. Il résulte de l'instruction que M. C... n'a pas réclamé la communication des renseignements et documents obtenus de tiers, y compris les procès-verbaux d'audition devant le juge pénal. Par suite, l'administration fiscale n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
8. Un moyen inopérant est un moyen qui, même s'il était fondé, serait sans influence possible sur la solution du litige dans lequel il a été soulevé.
9. Les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne visent que les procès portant sur des droits ou obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale. Le moyen tiré de leur méconnaissance est inopérant dans un litige relatif à l'assiette de rappels de taxe sur la valeur ajoutée.
10. Il résulte de l'instruction que les impositions litigieuses résultent de l'évaluation des recettes tirées, sur la période vérifiée, de l'exercice occulte et à titre habituel de l'activité d'achat-revente de véhicules d'occasion, révélée avant même l'examen des procès-verbaux d'audition établis par les autorités judiciaires, par l'examen des débits et crédits portés sur les comptes bancaires de M. C..., les copies des bordereaux d'adjudication établis à son nom ou pour son compte, communiqués par Me A... opérateur de ventes publiques. Il ne résulte pas de l'instruction que ces procès-verbaux auraient été ultérieurement annulés pour irrégularité. Par suite, les moyens tirés de ce qu'en fondant les impositions litigieuses sur les déclarations consignées dans le procès-verbal d'audition établi lors de sa garde à vue, alors qu'il n'était pas assisté d'un avocat, l'administration fiscale aurait méconnu le principe de loyauté et le principe des droits de la défense doivent être écartés.
11. M. C... n'est pas fondé à invoquer la doctrine référencée BOI-CF-PGR-30-10 n°200, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80A du livre des procédures fiscales, pour soutenir que l'administration aurait omis de lui communiquer, avant la mise en recouvrement des impositions, les documents qu'elle a utilisés pour fonder les rectifications, dès lors que cette doctrine ne comporte aucune interprétation d'un texte fiscal fondant les impositions.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
12. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. ".
13. M. C... n'ayant pas déposé ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée sur toute la période vérifiée, malgré la mise en demeure, l'administration fiscale a taxé d'office la taxe sur la valeur ajoutée nette due en application des dispositions précitées du 3 de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. Par suite, il supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés.
14. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de service effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. Les assujettis-revendeurs sont les assujettis qui, dans le cadre de leur activité économique, acquièrent ou affectent aux stocks de leur entreprise ou importent en vue de leur revente des biens. Les opérations portant sur des véhicules d'occasion sont en principe soumises au régime général des objets d'occasion. En vertu de l'article 297 A du même code, les livraisons de biens d'occasion effectués par les assujettis-revendeurs sont soumises de plein droit au régime particulier de la marge bénéficiaire lorsque les biens en question leur ont été livrés par un non-redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison. Ne peuvent être soumises au régime de la marge les reventes de biens qui ont été acquis auprès d'un assujetti qui a facturé de la taxe sur la valeur ajoutée sur sa livraison. Pour les autres opérations que celles qui relèvent de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, l'assujetti-revendeur demeure soumis aux règles de droit commun, c'est-à-dire la taxation sur le prix de vente total en application des dispositions de l'article 266-1 du code général des impôts. Corrélativement, l'assujetti-revendeur soumis au régime général de la taxation sur le prix de vente total peut déduire la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a supportée lors de l'achat dans les conditions de droit commun, dès lors que cette taxe a été régulièrement facturée. L'existence du droit à déduction est subordonnée à la détention de factures et de toutes pièces justificatives.
15. M. C... exerçant une activité de vente de véhicule d'occasion présente à ce titre la qualité d'assujetti redevable de la taxe sur la valeur ajoutée
16. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a reconstitué à partir des encaissements bancaires figurant sur les relevés obtenus dans l'exercice de son droit de communication auprès des établissements bancaires teneurs des comptes de M. C..., le montant de taxe sur la valeur ajoutée collectée sur le chiffre d'affaires hors taxe réalisé. Les véhicules d'occasion ayant été acquis par M. C... auprès d'un assujetti redevable de la taxe, Me A..., soumis au régime général de la taxation sur le prix total du bien, les conditions de l'article 297 A du code général des impôts n'étaient pas remplies, les achats ayant été facturés taxe sur la valeur ajoutée incluse par le commissaire priseur. M. C... ne pouvait donc bénéficier du régime de la marge sur les livraisons de véhicules revendus, le chiffre d'affaires étant taxable sur le prix total de vente des véhicules. L'administration fiscale a pu, à bon droit, taxer les opérations de vente sur le prix total des biens revendus.
17. Corrélativement, la taxe sur la valeur ajoutée facturée par les fournisseurs de véhicules est déductible, dans la mesure où les dépenses supportées pour l'acquisition des véhicules par l'assujetti sont exposées pour les besoins d'opérations ouvrant droit à déduction, et si la taxe pouvait légalement figurer sur la facture d'achat. La taxe sur la valeur ajoutée grevant l'achat des véhicules d'occasion n'a été admise en déduction que pour les véhicules facturés au nom de M. C... conformément aux dispositions de l'article 289 du code général des impôts. Si l'intéressé soutient que seuls cinq des véhicules acquis auprès de Me A... lui ont ouvert un droit à déduction de la taxe acquittée lors de l'achat, il résulte de l'instruction que certaines des factures concernant des véhicules ultérieurement revendus par M. C... avaient été établies au nom de membres de sa famille ou de tiers, et ce, comme l'intéressé l'a indiqué lors de son audition en garde à vue, afin d'être plus discret sur son activité. M. C...ne produisant aucune facture à son nom comportant la mention d'une taxe grevant l'achat des véhicules, ni aucun autre élément de preuve démontrant que les conditions de fond de l'exercice du droit à déduction étaient remplies, c'est à bon droit que l'administration a écarté la déduction de la taxe figurant sur des factures d'achat libellées au nom de tiers, réputée acquittée par ce tiers. Par suite, M. C... n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge.
Sur les pénalités :
18. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte.(...). ".
19. L'administration pouvait, sans méconnaitre les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précité, se fonder sur les pièces et déclarations recueillies au cours de la procédure pénale dont a fait l'objet M.C..., dès lors que cette procédure n'a pas été déclarée irrégulière par le juge pénal.
20. Pour justifier l'application de la pénalité de 80 % prévue par le c de l'article 1728 du code général des impôts, l'administration fiscale s'est fondée sur le caractère occulte de l'activité d'achat-revente de véhicules d'occasion exercée par M. C... sur la période vérifiée, l'administration fiscale s'est fondée sur les renseignements obtenus de tiers dans l'exercice de son droit de communication et les documents consultés auprès de l'autorité judiciaire, qui démontrent que M. C... a procédé de manière régulière, sur une période de quatre années consécutives, à l'achat et à la revente de véhicules d'occasion, dans un but lucratif et spéculatif, auprès d'une variété de clients, cette activité revêtant ainsi un caractère professionnel et occulte, faute pour l'intéressé de l'avoir fait connaître à un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce et d'avoir déposé ses déclarations dans le délai légal. Par suite, l'administration apporte la preuve qui lui incombe du caractère occulte de l'activité commerciale exercée justifiant l'application de la pénalité de 80 % prévue par les dispositions précitées.
21. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. C... une quelconque somme au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C...et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal de Rhône-Alpes-Bourgogne.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 7 mai 2019.
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N° 18LY01266
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