Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 22 avril 2014, le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 décembre 2013 ;
2°) de remettre à la charge de la SAS ND Logistics la cotisation de taxe professionnelle de 251 946 euros à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008 pour l'établissement sis au 91, rue de Brisson 38290 Satolas-et-Bonce.
Le ministre des finances et des comptes publics soutient que :
- la société ND Logistics a poursuivi, dans la même commune de Satolas-et-Bonce, dans un bâtiment où elle réalisait déjà des prestations logistiques, la même activité d'entreposage et de stockage ;
- une entreprise qui, après fermeture de son établissement secondaire, a reclassé les salariés de cet établissement dans son établissement principal doit être regardée comme ayant procédé à un simple transfert d'activité d'un lieu à un autre et ne peut pas, par suite, bénéficier du dégrèvement de la taxe professionnelle prorata temporis pour cessation d'activité prévu à l'article 1478 I du code général des impôts ;
- le fait que la société ait perdu un client ne peut s'analyser comme la fermeture d'un établissement dans le cadre d'une cessation d'activité de la société ;
- aucune modification substantielle dans l'organisation et les moyens d'exploitation de la société n'est intervenue suite au transfert de l'activité dans le bâtiment G, les bâtiments C et G étant tous deux des entrepôts de stockage de marchandises situés dans la même rue ; la clientèle ne peut être considérée comme nouvelle, la société Décathlon étant cliente depuis 2004 de la société ND Logistics ;
- le déplacement de 32 % de la main d'oeuvre du bâtiment C au bâtiment G s'est traduit par un transfert d'activité sur ce dernier ;
- la SAS ND Logistics a procédé sur la commune de Satolas-et-Bonce en 2008 à la fermeture de son établissement secondaire (bâtiment 3C) tout en poursuivant et développant la même activité d'offre de prestations logistiques dans l'établissement pilote préexistant (bâtiment G) sans qu'aucun changement substantiel n'affecte l'organisation et les conditions d'exploitation, alors que pour cet établissement le client Décathlon est préexistant ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2014, la SAS ND Logistics conclut au rejet de la requête et demande :
1°) la confirmation du jugement du 12 décembre 2013 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) la réduction prorata temporis de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008 dans les rôles de la commune de Satolas-et-Bonce ;
3°) la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS ND Logistics soutient que :
- pour admettre la recevabilité du recours, il appartient au ministre d'établir que l'administration fiscale a respecté les délais impartis par la production d'un avis de réception émanant et daté des services de la poste et justifiant d'une présentation de la notification en date du 23 décembre 2013 ; à défaut le recours est tardif ;
- la fermeture de l'établissement s'est traduite par une disparition pure et simple de la clientèle, qui marque la cessation de l'activité, et non par un transfert de clientèle ; la clientèle des bâtiments 3C et 3G est contractuelle et exclusivement attachée à chaque site ; la cessation du contrat de clientèle équivaut à une cessation pure et simple de l'activité ;
- le jugement déféré est conforme à la jurisprudence du Conseil d'Etat ; il n'y a pas eu de modification substantielle de l'activité dès lors qu'il n'y a pas eu transfert de clientèle mais disparition de clientèle ; la clientèle Carrefour Hyparlo exploitée dans le bâtiment 3 C est distincte du client Décathlon exploité dans le bâtiment 3 G ; les services rendus sont distincts ainsi que les produits et les volumes confiés, les éléments et les moyens d'exploitation permettant la production du service au client ; en outre l'exploitation du client Décathlon préexistait sur le site 3 G avant la cessation d'activité sur le bâtiment 3 C ;
- il n'y a pas eu modification substantielle de l'activité dès lors qu'il n'y a pas eu transfert de clientèle, le client Hyparlo ayant disparu ; la fermeture de l'établissement ne s'est pas traduite par un transfert de l'outil d'exploitation ; le transfert d'une partie du personnel (32 % de la masse salariale du site 3 C) ne traduit pas celui de l'activité ; il n'a pas généré une hausse du chiffre d'affaires, ni de l'activité ; les effectifs dédiés à l'activité Décathlon ont globalement suivi l'évolution de l'activité de ce client ; le taux d'intérimaires employés est stable, autour de 40 % ;
- la fermeture de l'établissement 3 C ne s'est pas traduite par un transfert du chiffre d'affaires réalisé sur ce site au bénéfice de l'établissement 3 G ; la hausse de l'activité constatée et celle du chiffre d'affaires est consécutive non pas à l'adjonction d'une clientèle nouvelle mais à l'accroissement de l'activité propre au client Décathlon ; la hausse de chiffre d'affaires réalisée sur le bâtiment 3 G n'est pas proportionnée au chiffre d'affaires réalisé sur le site 3 C ; la seule coexistence sur un même territoire communal de deux établissements ne permet pas de présumer un transfert d'activité ; la cessation d'activité s'apprécie au niveau de l'établissement et non de la commune ;
- elle n'a pas à établir l'absence de transfert de l'activité mais la cessation de son exploitation ; en exigeant qu'elle établisse la preuve d'une absence de transfert de l'activité le ministre inverse la charge de la preuve au sens de l'article 1478 I 2ème du code général des impôts ;
Par un mémoire en réplique, enregistré le 9 octobre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut aux mêmes fins que son recours par les mêmes moyens et au rejet des conclusions présentées par la SAS ND Logistics sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Le ministre fait en outre valoir que :
- le délai de deux mois imparti pour saisir la Cour a pour point de départ la date d'expiration du délai imparti au directeur qui a suivi l'affaire, à la suite de la notification du jugement pour le transmettre accompagné du dossier au ministre ; si ce délai est dépassé, il n'est pas privé de la possibilité de saisir la Cour, mais le délai de deux mois dont il dispose pour ce faire est réduit d'autant ; l'administration dispose d'un délai d'appel de quatre mois à compter de la notification du jugement par le tribunal administratif au directeur qui a suivi l'affaire ;
- en l'espèce, le jugement du tribunal administratif de Grenoble rendu le 12 décembre 2013 a été notifié le 23 décembre 2013 au directeur qui a suivi l'affaire ; le recours a été enregistré au greffe de la Cour le 22 avril 2014 ; en conséquence, son appel, présenté dans le délai prévu à l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales est recevable.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
1. Considérant que la SAS ND Logistics, qui a pour activité le stockage et la manutention de marchandises, a demandé au tribunal administratif de Grenoble la réduction prorata temporis de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008, à raison de la cessation d'activité de son établissement secondaire sis 91 rue de Brisson dans la commune de Satolas-et-Bonce à compter du 1er mars 2008 ; que le tribunal administratif de Grenoble a, par jugement du 12 décembre 2013 fait droit à sa demande et lui a accordé la décharge des cotisations de taxe professionnelle d'un montant de 251 946 euros auxquelles elle a été assujettie au titre des 10/12ème de la cotisation de taxe professionnelle totale due pour l'année 2008 pour cet établissement ; que, par le présent recours, le ministre relève appel de ce jugement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1478 du code général des impôts : " " La taxe professionnelle est due pour l'année entière par le redevable qui exerce l'activité le 1er janvier. / Toutefois le contribuable qui cesse toute activité dans un établissement n'est pas redevable de la taxe pour les mois restant à courir, sauf en cas de cession de l'activité exercée dans l'établissement ou en cas de transfert d'activité (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le simple transfert, par un contribuable, de son établissement d'un lieu à un autre du territoire d'une même commune ou d'une commune à une autre ne comporte pas, de sa part, une cessation d'activité dans un établissement, et demeure sans incidence sur son imposition pour l'année entière à la taxe professionnelle ; que lorsque la fermeture d'un établissement s'accompagne de l'ouverture d'un nouvel établissement ou de la poursuite d'activité dans un autre établissement par le même contribuable, il y a lieu de distinguer selon qu'il s'agit, soit de la poursuite de la même activité professionnelle dans des locaux différents, soit d'une fermeture définitive d'établissement dans le cadre d'une cessation d'activité sans cession qui ne peut être regardée, alors même que le contribuable poursuit une activité professionnelle de même nature, comme un transfert d'activité au sens des dispositions précitées de l'article 1478 lorsque des modifications substantielles interviennent dans l'organisation et les moyens de l'exploitation ou lorsque la clientèle à laquelle l'entreprise s'adresse est entièrement distincte ; que, dans ce second cas, il y a lieu de faire application du dégrèvement prévu par les dispositions précitées du second alinéa du I de l'article 1478 en ce qui concerne la cotisation de taxe professionnelle due au titre de l'établissement fermé en cours d'année ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 310 HA de l'annexe II au code général des impôts : " Pour l'application de la taxe professionnelle (...) : (...) l'établissement s'entend de toute installation utilisée par une entreprise en un lieu déterminé, ou d'une unité de production intégrée dans un ensemble industriel ou commercial lorsqu'elle peut faire l'objet d'une exploitation autonome ; (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SAS ND Logistics a conclu avec la société Hyparlo appartenant au groupe Carrefour Hypermarchés SAS un contrat prévoyant la fourniture de prestations d'entreposage, de logistique, de manutention et de préparation de commandes des biens de ce client ; qu'afin d'exécuter ces prestations, la SAS ND Logistics a loué un bâtiment dit " bâtiment 3 C " sis 91 rue de Brisson à Satolas-et-Bonce et y a affecté le matériel et le personnel nécessaires à l'exécution dudit contrat ; qu'elle a, par ailleurs, immatriculé ce bâtiment en qualité d'établissement secondaire au registre du commerce et des sociétés, ce qui n'est pas contesté ; que, par préavis contractuel en date du 26 février 2007, la société Hyparlo Carrefour a notifié à la SAS ND Logistics sa volonté de mettre un terme définitif au contrat de prestations les liant au 1er mars 2008 ; qu'en l'absence d'alternative commerciale lui permettant d'assurer la pérennité de son exploitation, la SAS ND Logistics a décidé de cesser l'exploitation du bâtiment 3 C à compter du 1er mars 2008 ; qu'à cette fin, elle a cédé une partie des immobilisations affectées à l'exploitation et procédé à la destruction du matériel informatique dédié ; qu'elle a, en outre, restitué, à leur propriétaire, le matériel de manutention affecté à l'exploitation pris en location, et procédé au reclassement du personnel sur les autres sites de Satolas et de Saint-Quentin-Fallavier lui appartenant ; qu'elle a enfin procédé à la radiation de l'établissement secondaire concerné du registre du commerce et des sociétés ; qu'il n'est pas contesté qu'à compter du 1er mars 2008, la SAS ND Logistics n'exerçait plus aucune activité professionnelle sur l'établissement concerné ;
5. Considérant que, pour refuser à la SAS ND Logistics le bénéfice d'une réduction prorata temporis de sa taxe professionnelle sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1478 du code général des impôts pour cet établissement, le ministre soutient que la société ND Logistics doit être regardée comme ayant transféré son activité dans son autre établissement situé sur la même commune, le bâtiment 3 G sis 122 rue de Brisson à Satolas-et-Bonce ; que s'il s'agit du même exploitant sur la même commune, il résulte, toutefois, de l'instruction que ce second établissement, distinct de celui ayant cessé son activité, est exploité dans le cadre d'un contrat de prestations préexistant liant la SAS ND Logistics à la SA Décathlon, que cet établissement est exclusivement dédié à une activité de stockage et de manutention de marchandises pour le compte de cette société et que son chiffre d'affaires n'a pas évolué de manière significative suite à la fermeture du bâtiment 3C ; que si le ministre relève une très légère hausse du chiffre d'affaires sur l'établissement travaillant avec la société Décathlon, il n'est pas établi qu'elle soit en lien avec le redéploiement des effectifs, alors que, comme le fait valoir la SAS ND Logistics, le contrat la liant avec la société Décathlon n'a pas été modifié et que la rémunération qu'elle perçoit est liée à son activité, laquelle dépend des besoins de son client ; qu'il n'y a pas eu, à l'occasion de la fermeture de cet établissement, cession d'une activité poursuivie par un repreneur en un lieu quelconque du territoire de la même commune ; que si 12 salariés de l'établissement fermé ont été reclassés par la SAS ND Logistics sur le site du bâtiment 3 G, cette circonstance ne suffit pas à faire regarder la poursuite d'activité dans un autre établissement sur la même commune comme un transfert d'activité alors que les moyens d'exploitation et la clientèle à laquelle l'entreprise s'adresse sont distincts ; que le ministre n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la cessation d'activité dans l'établissement 3 C procèderait d'un transfert d'activité sur le site de l'établissement 3 G, cette cessation devant être regardée comme une fermeture définitive d'établissement dans le cadre d'une cessation d'activité sans cession ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de la SAS ND Logistics de réduction de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au bénéfice de la SAS ND Logistics au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la SAS ND Logistics une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS ND Logistics et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 février 2016.
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N° 14LY01198