Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 octobre 2014, MmeB..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 juillet 2014 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté du préfet de l'Isère en date du 30 octobre 2013.
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter du prononcé de cet arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler, sous astreinte de deux cents euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B...soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du même code et est entachée d'erreur de droit ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; le préfet n'avait pas compétence liée pour prendre cette mesure d'éloignement ; les droits de la défense et le droit à une bonne administration garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ont été méconnus car elle n'a pas été informée de ce qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une telle décision et n'a pas été ainsi en mesure de présenter ses observations ;
- la décision fixant le pays de son renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par ordonnance du 7 septembre 2015 la clôture d'instruction a été fixée au 28 septembre 2015 à 16 H 30.
La requête a été notifiée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 septembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur.
1. Considérant que MmeB..., de nationalité guinéenne, née le 21 janvier 1990, est, selon ses déclarations, entrée en France le 12 juin 2011 ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 31 juillet 2012, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 4 juin 2013 ; que, par arrêté du 30 octobre 2013, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'asile et sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de son renvoi ; que Mme B...relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, qu'à la date de la décision litigieuse, MmeB..., entrée en France à l'âge de vingt et un ans n'y résidait, selon ses dires, que depuis deux ans et quatre mois, soit le temps nécessaire à l'examen de sa demande d'asile et de sa demande de titre de séjour ; que si elle fait valoir vivre maritalement avec un compatriote, titulaire d'un titre de séjour et suivre un traitement de procréation médicalement assistée, il ressort des pièces du dossier que cette vie maritale n'est établie qu'à compter de janvier 2013 et n'était ainsi que d'une durée 10 mois ; que si elle fait valoir que son compagnon dispose d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, il n'est pas établi que ce dernier, autorisé à séjourner en France pour se soigner, aurait vocation à y demeurer ; que, par ailleurs, Mme B...n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa mère et ses quatre frères et soeurs ; que, dans ces conditions, compte tenu de la courte durée de présence en France de Mme B... et du caractère très réçent de sa vie maritale, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté, eu égard aux buts qu'elle poursuit, une atteinte disproportionnée au droit de Mme B...au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision en cause est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle ;
4. Considérant que Mme B...a déposé, le 12 juin 2011, une demande de titre de séjour sur le fondement des articles L. 314-11 8° et de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle a, le 18 juin 2013, complété sa demande en sollicitant un titre de séjour " vie privée et familiale ", soit un titre sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du même code, et " à titre subsidiaire, à titre humanitaire exceptionnel " aux motifs qu'elle a été victime d'une excision et d'un mariage forcé ; que, toutefois, à supposer que sa demande tendait à l'application de l'article L. 313-14 de ce code, elle faisait référence à l'article L. 313-11 7° relatif à la délivrance d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale ; que le défaut de visa de l'article L. 313-14 ne suffit pas à établir un défaut d'examen dès lors qu'il ressort des mentions de l'arrêté que le préfet a procédé à un examen de sa situation personnelle et familiale et a, ainsi, alors même que l'excision et le mariage forcé dont elle fait état ne sont pas mentionnés, examiné la possibilité de régulariser sa situation ; qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne lui délivrant pas à ce titre une carte de séjour ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ;
6. Considérant que Mme B...s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, elle entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
7. Considérant que si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; qu'ainsi, Mme B...ne peut utilement faire valoir que l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne a été méconnu ;
8. Considérant que Mme B...qui a été mise à même de faire valoir tout élément utile tenant à sa situation personnelle à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour et tout au long de l'instruction de sa demande et qui ne fait état d'aucun élément pertinent qu'elle aurait été empêchée de porter à la connaissance de l'administration et qui aurait été susceptible d'influer sur le prononcé de la mesure prise à son encontre, n'est pas fondée à soutenir que, n'ayant pas été informée de ce qu'une décision d'éloignement était susceptible d'être prise à son encontre et n'ayant pas été mise à même de présenter des observations, la décision litigieuse aurait méconnu le principe de bonne administration et aurait été prise en violation des droits de la défense ;
9. Considérant, en troisième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux-ci-dessus mentionnés en ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que, pour ces mêmes motifs, le préfet de l'Isère, qui n'a pas lié sa décision d'éloignement à celle portant refus de titre de séjour, n'a pas entaché la décision en cause d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B...;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français (...) est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
11. Considérant que si MmeB..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, fait valoir qu'elle a dû fuir la Guinée pour échapper à un mariage forcé, elle n'apporte aucune précision ni aucune justification à l'appui de ses dires ; que, par ailleurs il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la prévalence du virus Ebola était telle en Guinée, à la date de la décision attaquée, qu'un retour dans son pays pouvait lui faire craindre pour sa vie ; que, par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de son renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
12. Considérant que la présente décision qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B...à l'encontre des décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français n'implique pas qu'il soit ordonné au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante ou son conseil du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme B...doivent, dès lors, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au Préfet de l'Isère .
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 février 2016.
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N° 14LY03284
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