Procédure devant la cour
Par un recours enregistré le 21 août 2015, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 mai 2015 ;
2°) de rejeter la demande de M. B...devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- l'administration a, à juste titre, qualifié le paiement des factures d'achats de livres à la société Blue Earths Plublishers d'acte anormal de gestion à hauteur de la marge réalisée par celle-ci ;
- un faisceau d'indices permet d'affirmer que M. B...est maître de l'affaire au sein des sociétés Blue Earths Publishers et De Borée Distribution ;
- les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure et de l'irrégularité des pénalités, soulevés par M. B...en première instance, doivent être écartés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinet,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public ;
1. Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la SAS de Borée Distribution qui exerce l'activité de diffusion, distribution et négoce de livres, l'administration a procédé à des rectifications des revenus imposables de M. B..., au titre des années 2008 et 2009, à raison de revenus distribués à son profit par ladite société dont il est le dirigeant ; que M. B... a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui ont été mises à sa charge au titre de ces années ainsi que des pénalités y afférentes ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a fait droit à la demande de M. B... ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1 A du code général des impôts : " Il est établi un impôt annuel unique sur le revenu des personnes physiques désigné sous le nom d'impôt sur le revenu. Cet impôt frappe le revenu net global du contribuable déterminé conformément aux dispositions des articles 156 à 168. Ce revenu net global est constitué par le total des revenus nets des catégories suivantes : (...) - Revenus de capitaux mobiliers ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 109 dudit code : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " ; qu'aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a notamment rejeté en déduction du résultat imposable de la SAS de Borée Distribution, au titre des exercices clos en 2008 et 2009, diverses sommes correspondant à des achats de livres facturés par la société de droit irlandais Blue Earths et qui avaient donné lieu à des écritures comptables passées au vu de factures dont la régularité en la forme n'était pas contestée ; qu'elle a retenu que ces achats constituaient un acte anormal de gestion dès lors qu'ils n'avaient pas été engagés dans l'intérêt de l'exploitation ; qu'elle a par suite réintégré dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés dû par la SAS de Borée Distribution au titre desdits exercices, les sommes de 1 386 998 euros et 444 004 euros, correspondant à la marge commerciale réalisée par la société Blue Earths sur ces transactions ; qu'estimant que ces sommes n'avaient pas été investies dans la société, elle les a regardées comme constituant des revenus distribués au sens des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et les a imposées entres les mains de M. B... au titre de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, après avoir retenu qu'il disposait de pouvoirs de décisions, tant dans la SARL de Borée Finances, dont il détient 100 % des parts, que dans la SAS de Borée Distribution détenue à 96 % par la première société et qu'il était le maître de l'affaire de la société Blue Earths ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement. " ;
6. Considérant que l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, en assimilant à une acceptation le silence conservé par le contribuable pendant le délai qui lui est imparti pour répondre à une proposition de rectification, et en lui attribuant dans ce cas la charge d'établir l'exagération de l'imposition, ne fait que tirer les conséquences des dispositions des articles L. 11, L. 54 B et L. 57 du livre des procédures fiscales ; qu'en revanche, en application des mêmes principes, lorsque le contribuable n'a pas accepté les rectifications qui lui ont été proposées, il appartient à l'administration d'établir le bien-fondé des impositions qu'elle a mises à la charge du contribuable ; qu'en cas de refus des rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve, d'une part, de l'existence et du montant des revenus distribués et, d'autre part, de leur appréhension par le contribuable ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B..., dont les revenus ont été rehaussés selon la procédure contradictoire, a présenté ses observations suite à la proposition de rectification qui lui a été notifiée le 23 décembre 2011 ; que, suite au maintien des impositions dans la réponse aux observations du contribuable, il a formé une réclamation préalable à laquelle l'administration n'a pas répondu ; qu'il incombe, dès lors, à l'administration d'établir le bien-fondé des rehaussements en litige ;
5. Considérant que pour refuser à la SAS de Borée Distribution la déductibilité totale des factures acquittées auprès de la société irlandaise Blue Earths, l'administration se fonde sur la circonstance que la société irlandaise n'apportant pas de valeur ajoutée aux ouvrages livrés par ses fournisseurs, avec lesquels la SAS de Borée Distribution est en contact étroit, cette dernière aurait pu les acquérir à un coût moindre en contractant directement avec lesdits fournisseurs et a ainsi commis un acte anormal de gestion en ne retenant pas cette option ; que, ce faisant, elle ne remet pas en cause la réalité des opérations de vente matérialisées par les factures et les livraisons mais se borne à alléguer que la rémunération des biens ainsi acquis est excessive au regard du prix que la SAS de Borée Distribution aurait pu obtenir en retenant un autre choix de gestion ; qu'elle tâche, à cette fin de démontrer que la société Blue Earths n'exerce aucune activité d'édition et que la SAS de Borée Distribution traite directement avec les fournisseurs, lesquels lui livrent directement les ouvrages sans qu'ils transitent par l'Irlande ; que, toutefois, en admettant même que la SAS de Borée Distribution ait pu contracter directement avec les fournisseurs de la société Blue Earths sans l'intermédiaire de celle-ci, la seule circonstance que la SAS de Borée Distribution aurait ainsi pu réaliser un profit supérieur, ne saurait révéler, en soi, une gestion contraire aux intérêts de l'entreprise dès lors que les ouvrages acquis ne l'ont pas été pour une valeur intrinsèque excessive ; qu'en effet, il résulte de l'instruction que le coût d'acquisition des ouvrages achetés à la société Blue Earths n'est pas supérieur à celui des ouvrages achetés par la société de Borée Distribution à d'autres intermédiaires et que cette dernière réalise une marge au moins équivalente, voire supérieure, à celle qu'elle réalise dans le cadre d'autres opérations d'achat-revente ; qu'en se bornant à se prévaloir de l'absence de travail réel effectué par la société Blue Earths dans le cadre de ces opérations d'achat-revente, l'administration n'établit aucunement l'insuffisance de la contrepartie obtenue en échange du paiement du prix des ouvrages acquis auprès de cette société ; qu'il s'ensuit que la remise en cause de la déductibilité d'une partie des factures d'achat desdits ouvrages n'étant pas justifiée, elle n'apporte pas la preuve de l'existence de revenus distribués ; qu'a fortiori, M. B..., dont il n'est au demeurant pas établi, ainsi que l'a retenu le tribunal administratif, qu'il serait le maître de la société Blue Earths, ne peut être regardé comme ayant appréhendé effectivement les sommes en litige ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fait droit à la demande de M. B... en le déchargeant des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de ses revenus des années 2008 et 2009 ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à M. B....
Délibéré après l'audience du 21 mars 2017, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président assesseur,
Mme Vinet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 11 avril 2017.
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N° 15LY02899
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