Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 octobre 2015 et le 16 novembre 2016, M. B..., représenté par Me Royon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 juillet 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 6 février 2015 par lesquelles la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, et dans les deux cas, dans l'attente de lui remettre une autorisation provisoire de séjour sous huit jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
M. B... soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- la décision n'est pas suffisamment motivée au regard de la loi du 11 juillet 1979 puisqu'elle ne vise par l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et ne mentionne par les éléments de faits relatifs à sa situation à la date à laquelle elle a été adoptée ;
- la préfète a omis de statuer sur la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'elle était saisie d'une telle demande car le formulaire précise uniquement qu'il concerne les mineurs isolés étrangers et prévoit qu'il doit être accompagné des " justificatifs relatifs à l'activité professionnelle salariée ou à la formation professionnelle ", pièces seulement utiles pour l'instruction de ce type de titres de séjour, et car il poursuivait une formation professionnelle le faisant entrer dans le champ de cet article ;
- la préfète ne pouvait lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 2° bis sans avoir sollicité l'avis de la structure d'accueil, lequel ne figurait pas au dossier ;
- le refus de séjour est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation notamment au regard de son parcours scolaire et professionnel, révélé par les erreurs de fait contenues dans la décision ;
- la préfète ne pouvait refuser de lui délivrer un titre de séjour sans avoir procédé à un examen global de sa situation au regard du caractère réel et sérieux de la formation qu'il a suivie, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de son intégration ;
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 2° bis, la préfète de la Loire a commis une erreur d'appréciation ;
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de la Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de titre de séjour viole les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ce refus de séjour est à tout le moins entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision l'obligeant à quitter le territoire français :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2016, le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures de première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 août 2015.
Par une ordonnance du 1er septembre 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 3 octobre 2016, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 17 novembre 2016, l'instruction a été rouverte.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
1. Considérant que M. A...B..., de nationalité angolaise, né le 16 janvier 1996, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 28 septembre 2009 ; qu'il a été confié le 9 octobre 2009 au service de l'aide sociale à l'enfance en qualité de mineur isolé ; qu'il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de mineur isolé ayant été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ; que M. B... relève appel du jugement en date du 23 juillet 2015, par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 6 février 2015 par lesquelles la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 2° bis À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée (...) " ;
3. Considérant que, lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance ; que, si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française ; que le juge de l'excès de pouvoir exerce sur cette appréciation un entier contrôle ;
4. Considérant que pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B... sur le fondement des dispositions précitées, la préfète de la Loire, après avoir constaté que M. B...avait été pris en charge par le service d'aide sociale à l'enfance à l'âge de 13 ans, s'est fondée sur le motif tiré de ce que la nature et l'intensité de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine étaient tels qu'il ne pouvait se prévaloir des dispositions prévues à l'article L. 313-11 2° bis pour prétendre à la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en se fondant sur ce seul motif, sans avoir procédé à un examen global de la situation de M. B... au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française, le préfet a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. B...est fondé à demander l'annulation de la décision du 6 février 2015 par laquelle la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, des décisions du même jour par lesquelles la préfète l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre ces décisions ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) " ;
7. Considérant qu'eu égard aux motifs qui la fondent, l'exécution de l'annulation prononcée n'implique pas que le préfet de la Loire délivre à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que le présent arrêt implique seulement que le préfet de la Loire procède au réexamen de sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois ; qu'il y a également lieu, en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'enjoindre au préfet de la Loire de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. B... dans un délai d'un mois, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Royon, avocat de M. B..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Royon renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les décisions en date du 6 février 2015 par lesquelles la préfète de la Loire a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ainsi que le jugement n° 1502193 du 23 juillet 2015 du tribunal administratif de Lyon sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. B... dans un délai d'un mois et de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Royon, conseil de M. B..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Royon renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2016.
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N° 15LY03242
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