Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2014, Mme A...C..., représentée par Me Fréry, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 septembre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône en date du 27 février 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil le versement d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
La requérante soutient que :
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car, alors que l'avis du médecin inspecteur de l'agence régionale de santé lui est favorable, le préfet n'a pas apporté des éléments probants de nature à établir qu'un traitement adapté à ses pathologies cardio-vasculaire et psychiatrique est disponible en Arménie ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du même code et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car elle réside en France depuis plus de neuf ans, elle est venue rejoindre sa fille et son mari, qui ont obtenu la nationalité française et qui constituent avec ses petits enfants sa seule famille, elle est très proche de ses petits-enfants, et elle s'est intégrée en France ainsi qu'en attestent sa réussite à l'examen de langue française DELF 1 et son bénévolat au Restau du Coeur ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne procédant pas à sa régularisation dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- c'est à tort que le préfet s'est estimé en compétence liée par la décision portant refus de titre de séjour.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de son renvoi :
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation car, du fait du statut de réfugié de sa fille, de son gendre et de ses petits-enfants, elle n'a pas de possibilité de reconstruire sa vie familiale en Arménie ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de cette même convention compte tenu de son histoire familiale particulière marquée par le décès de son mari et de sa fille Armine et du fait que son état de santé requiert un traitement qui n'est pas disponible en Arménie.
Par ordonnance du 23 septembre 2015 la clôture d'instruction a été fixée au 9 octobre 2015 à 16H30.
Par un mémoire, enregistré le 9 octobre 2015, le préfet du Rhône a conclu au rejet de la requête.
Le préfet soutient que sa décision portant refus de titre de séjour n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car la requérante peut bénéficier en Arménie de soins adaptés à son état de santé ainsi qu'il en justifie et que, pour les autres moyens invoqués par MmeC..., il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Par ordonnance du 13 octobre 2015 la clôture d'instruction a été reportée du 9 Octobre 2015 au 2 novembre 2015 à 16H30.
Mme A...C...n'a pas été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 13 novembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur,
- et les observations de MaîtreB..., substituant Me Fréry, avocate de MmeC....
1. Considérant que Mme A...C..., ressortissante arménienne, née le 14 février 1954 à Erevan (Arménie) est, selon ses déclarations, entrée en France le 7 février 2005 ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 16 septembre 2005, laquelle a été confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 11 avril 2007 ; qu'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français a été pris à son encontre le 16 mai 2007 ; qu'elle s'est ensuite vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par des décisions des 14 septembre 2009 et 17 février 2012, assorties d'obligations de quitter le territoire français ; que suite à l'annulation par le tribunal administratif de Lyon de la décision de refus du 17 février 2012, la requérante, après un nouvel examen de sa situation par le préfet du Rhône, s'est à nouveau vu refuser la délivrance d'un titre de séjour avec obligation de quitter le territoire français par décisions du 13 septembre 2012 ; qu'elle a sollicité, le 25 mai 2013, un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, soit en qualité d'étranger malade ; que, par arrêté du 27 février 2014, le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de son renvoi ; que Mme C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 23 septembre 2014 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du préfet du Rhône ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment de la décision attaquée, que nonobstant le fait qu'il n'ait pas précisément fait état de ce que la fille de la requérante et sa famille résident en France, le préfet du Rhône a procédé à un examen particulier de la situation de Mme C...;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;
4. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ;
5. Considérant qu'il ressort de l'avis rendu le 30 janvier 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé que l'état de santé de Mme C...nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié n'existe pas dans son pays d'origine, que les soins nécessités par son état doivent être poursuivis pendant six mois et qu'elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine ; que le préfet du Rhône qui n'était pas lié par cet avis a estimé que Mme C...peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Arménie ; qu'il ressort des certificats médicaux produits par Mme C...qu'elle souffre de troubles cardio-vasculaires et de troubles anxio-dépressifs ; qu'il ressort des pièces produites par le préfet du Rhône, soit un courriel de l'ambassade de France en Arménie du 10 avril 2012 relatif aux capacités locales de soins dans ce pays, une fiche émanant des autorités suisses et une fiche tirée du site Med Coi (Medical country of origin information) géré par les autorités des Pays-Bas, toutes deux établies en 2012 et relatives aux soins psychiatriques, que l'Arménie dispose de structures médicales compétentes pour traiter les pathologies de Mme C... ; que, par ailleurs, le préfet du Rhône produit des pièces, notamment la liste des médicaments essentiels de République d'Arménie et une liste établie par le centre d'expertise scientifique des médicaments et de la technologie médicale en Arménie, établissant que Mme C... peut bénéficier dans ce pays des médicaments dont elle a besoin et dont elle a fait la liste dans sa requête d'appel ou de médicaments d'effets équivalents ; que Mme C...ne produit aucune pièce de nature à infirmer les recherches du préfet sur ces médicaments ; que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne ressort pas de la décision litigieuse que le préfet du Rhône a refusé à la requérante un titre de séjour sur ces mêmes fondements ; que dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de ces articles sont inopérants ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
8. Considérant que Mme C...fait valoir résider en France depuis neuf ans, y avoir en la personne de sa fille, du mari de cette dernière et de ses petits enfants sa seule famille, dont elle est très proche, que sa fille et son gendre ont acquis la nationalité française en 2014, qu'elle s'est bien intégrée et a réussi un examen de langue française ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que la requérante n'est entrée en France qu'à l'âge de cinquante et un ans et s'y est maintenue irrégulièrement en dépit des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français prises à son encontre les 16 mai 2007, 14 septembre 2009 et 13 septembre 2012 ; qu'elle a passé l'essentiel de son existence en Arménie où elle n'établit pas être dépourvue de toutes attaches personnelles et familiales ; que, nonobstant ses efforts pour apprendre la langue française, il n'est pas établi qu'elle ait exercé une activité professionnelle depuis son entrée en France ; que, dans ces conditions, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des objectifs de cette mesure ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir cette décision a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage fondée à faire valoir que le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ne procédant pas dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire à sa régularisation ;
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ;
10. Considérant que Mme C...s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, elle entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
11. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le préfet du Rhône ne s'est pas estimé en situation de compétence liée pour assortir le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire ;
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
12. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
13. Considérant, d'une part, que MmeC..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, n'apporte aucune précision ni justification de nature à établir qu'elle ne serait pas en sécurité en Arménie du fait d'agissements de sa belle-famille ; que, d'autre part, comme cela est susmentionné, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle serait privée d'un traitement adapté à son état de santé en cas de retour en Arménie ; que, dès lors, son moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de son renvoi méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
14. Considérant, en second lieu, que si la requérante fait valoir que sa fille et la famille de cette dernière ayant disposé du statut de réfugié en France, elle ne pourrait reconstruire sa vie familiale en Arménie, il n'est pas établi qu'elle ne pourrait revenir en France munie d'un visa pour y séjourner temporairement ; qu'il n'est pas davantage établi que Mme C...ne disposerait plus d'aucune attaches familiales et personnelles en Arménie ; que, par suite, Mme C...n'est fondée à soutenir ni que la décision en cause méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni que cette même décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 27 février 2014 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeC..., n'appelle pas de mesures d'exécution ; que ses conclusions à fin d'injonction doivent, dès lors, être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante ou son conseil du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. C...doivent, dès lors, être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt sera adressé au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 16 février 2016, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 mars 2016.
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N° 14LY03909