Par une requête enregistrée le 23 juillet 2015, le préfet de l'Isère demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 juin 2015 ;
2°) de rejeter la demande de Mme B...présentée devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- eu égard à l'irrégularité de son séjour, elle n'avait acquis aucun droit au séjour sur le fondement de sa vie privée et familiale ;
- l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale avec son conjoint, de nationalité guinéenne et qui a la qualité de réfugié, n'est pas établie ;
- la décision de refus de titre de séjour n'emporte pas séparation avec sa fille, l'intérêt supérieur de sa fille n'ayant ainsi pas été méconnu par les décisions litigieuses ;
- si Mme B...a fait valoir un risque d'excision concernant sa fille, elle s'est bornée à faire état de généralités non démontrées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2016, Mme A...B...conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est devenue sans objet, la demande de regroupement familial formée par son conjoint ayant reçu une suite favorable et impliquant nécessairement la délivrance d'un titre de séjour ;
- à titre subsidiaire, le risque d'excision encouru par sa fille est avéré et les décisions litigieuses méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- eu égard à la qualité de réfugié de son mari, la cellule familiale ne peut être réunie qu'en France.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinet, premier conseiller,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public ;
Sur l'étendue du litige :
1. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du préfet de l'Isère du 12 février 2015, refusant de délivrer à Mme B...une carte de résident en tant que conjointe d'une personne ayant la qualité de réfugié, assortissant son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixant le pays de destination ;
2. Considérant qu'il résulte des pièces produites en appel que, par un courrier du 29 décembre 2015, le préfet de l'Isère a fait savoir au conjoint de Mme B...qu'il acceptait sa demande de regroupement familial et admettait ainsi Mme B...au séjour, lui délivrant un titre de séjour d'une durée d'un an ; que, cette décision n'étant pas motivée par le souci de se conformer au jugement d'annulation, les conclusions du préfet tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a annulé les décisions obligeant Mme B...à quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont devenues sans objet ; qu'il suit de là qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions ; qu'il y a seulement lieu de statuer sur les conclusions du préfet dirigées contre le jugement en tant qu'il a annulé le refus du préfet de délivrer à Mme B...une carte de résident d'une durée de 10 ans ;
Sur les conclusions du préfet dirigées contre le jugement en tant qu'il a annulé sa décision de refus de délivrer une carte de résident à MmeB... :
3. Considérant qu'aux termes du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention ou, à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d'une communauté de vie effective entre les époux ainsi qu'à ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié est un mineur non accompagné ; " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si Mme B...était entrée en France sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour, ce dernier était expiré depuis plusieurs mois lorsqu'elle a sollicité le 16 septembre 2013 la délivrance du titre de séjour litigieux ; qu'ainsi Mme B...ne remplissait pas la condition de régularité du séjour fixée par les dispositions précitées ; que le préfet pouvait légalement, pour ce motif, refuser de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;
5. Considérant qu'en l'espèce, si Mme B...et son conjoint sont de nationalité différentes et que sa fille encourt, contrairement à ce que soutient le préfet, des risques avérés d'excision en cas de retour au Mali, ces circonstances ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre de la décision de refus de délivrer une carte de résident, laquelle n'a pas pour effet, en elle-même de séparer la cellule familiale ou d'impliquer le séjour au Mali de la fille de Mme B... ; qu'elles sont seulement opérantes à l'encontre des décisions d'éloignement et fixant le pays de destination, sur lesquelles il n'y a plus lieu de statuer en l'espèce ; qu'à la date de la décision litigieuse Mme B...n'était en France que depuis deux années et demi et son mariage était récent ; que la seule circonstance qu'un enfant était né de cette union en août 2014 ne suffit pas à faire regarder la décision litigieuse comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de MmeB... ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision refusant à Mme B...la délivrance d'une carte de résident ; qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...tant devant le tribunal administratif qu'en appel ;
7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la décision par laquelle le préfet de l'Isère a réfusé à Mme B...la délivrance d'une carte de résident n'a pas, par elle-même, pour objet ou pour effet, de renvoyer Mme B...et sa fille dans le pays dont elle a la nationalité ; qu'ainsi Mme B...ne peut utilement soulever, à l'appui de la décision de refus de carte de résident litigieuse, les moyens tirés de la méconnaissance du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfants et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales ;
8. Considérant que Mme B...se prévaut également de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales, aux termes duquel : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que, toutefois, le refus de délivrance d'un titre de séjour de résident de longue durée, qui ne fait pas obstacle à la délivrance d'un autre titre de séjour et qui n'emporte, par lui-même, aucune conséquence sur le droit au séjour de l'intéressé, ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées, lesquelles ne peuvent être regardées comme imposant à un Etat de délivrer un type particulier de titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé sa décision refusant la délivrance à Mme B...d'une carte de résident et lui a enjoint de délivrer un tel titre ;
Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit à Mme B...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du préfet de l'Isère dirigées contre le jugement en tant qu'il a annulé les décisions obligeant Mme B...à quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Article 2 : Le jugement du 23 juin 2015 du tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il annule la décision par laquelle le préfet a refusé à Mme B...la délivrance d'une carte de résident et lui a enjoint de lui délivrer un tel titre.
Article 3 : La demande de Mme B...devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de la décision mentionnée à l'article 2 et à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer le titre demandé, est rejetée, ainsi que ses conclusions présentées en appel au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B....
Copie en sera adressées au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble.
Délibéré après l'audience du 14 février 2017, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président,
Mme Mear, président assesseur,
Mme Vinet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 16 mars 2017.
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N° 15LY02540
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