Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 janvier et 14 janvier 2018, M. C..., représenté par Me Zouine, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 29 septembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 août 2017 par lequel le préfet du Rhône a décidé sa remise aux autorités slovènes en vue de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du 26 septembre 2017, par lequel le même préfet l'a assigné à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône d'enregistrer sa demande d'asile en France dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et, dans l'attente, de le munir d'une attestation de demande d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. C... soutient que :
- les brochures d'information dont la remise est prévue dès l'introduction de la demande d'asile par l'article 4 du règlement 604/2013 ne lui ont été remises que plus d'un mois après l'introduction de sa demande, laquelle doit être regardée comme étant intervenue le 12 juin 2017 ;
- la décision de transfert n'est pas suffisamment motivée ;
- sa reprise en charge a été décidée avant même qu'il ait pu faire enregistrer sa demande d'asile et il a été privé de ses droits, notamment du point de vue des conditions matérielles d'accueil, durant la période séparant la prise d'empreinte et l'enregistrement de sa demande, laquelle n'a pas eu lieu dans le délai de trois jours prescrit par le 2ème alinéa de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'article 17 du règlement 604/2013 a été méconnu dans la mesure où il risque d'être soumis à un risque de traitement contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par ricochet, la Slovénie ne respectant pas le principe de non refoulement ;
- compte tenu de l'absence de perspective raisonnable d'éloignement, l'assignation à résidence est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 décembre 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la Constitution ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B..., première conseillère ;
Une note en délibéré présentée par M. C... a été enregistrée le 28 novembre 2018 ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant afghan né en 1992, est entré en France en mai 2017 en vue d'y demander l'asile. Par un arrêté du 25 août 2017, le préfet du Rhône a décidé sa remise aux autorités slovènes en vue de l'examen de sa demande d'asile. Puis, par un arrêté du 26 septembre 2017, il l'a assigné à résidence. Il relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".
3. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
4. En l'espèce, l'arrêté litigieux vise le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et renvoie aux dispositions du b) du 1 de l'article 18 de ce règlement pour justifier la compétence qu'il retient de la Slovénie pour examiner la demande d'asile de M. C.... Ces dispositions concernent le cas d'un demandeur qui a déjà introduit une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, laquelle est en cours d'examen. Mais la décision ne comporte aucun élément factuel venant l'expliciter. En particulier, elle n'indique pas sur quels éléments le préfet s'est fondé pour considérer que M. C... avait déjà enregistré une demande d'asile en Slovénie, ni à quelle date cette demande serait intervenue. Dans ces conditions, la décision de transfert est insuffisamment motivée et doit, pour ce motif, être annulée, de même que, par voie de conséquence, la décision du 26 septembre 2017 d'assignation à résidence.
5. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé. ".
7. Le présent arrêt implique seulement qu'il soit statué de nouveau sur le cas de M. C... et qu'il soit muni, durant cet examen, d'une attestation de demande d'asile. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Zouine avocat de M. C..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Zouine renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DECIDE :
Article 1er : Les arrêtés du 25 août et du 26 septembre 2017 par lesquels le préfet du Rhône a, respectivement, décidé la remise de M. C... aux autorités slovènes et l'a assigné à résidence, ainsi que le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 29 septembre 2017 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versa la somme de 1 000 euros à Me Zouine au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Zouine renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de procéder au réexamen de la situation de M. C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus de la demande de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur, au préfet du Rhône et à Me Zouine. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique le 18 décembre 2018.
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N° 18LY00345
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