Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 27 janvier 2017 et le 30 juillet 2018, la SARL CEFIM, représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 24 novembre 2016 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de renvoyer le dossier devant le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat afin qu'il statue sur sa jonction pour connexité avec l'instance pendante devant la cour administrative d'appel de Nancy ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en refusant d'ordonner le renvoi de l'affaire devant le président de la section du contentieux alors qu'elle présentait un lien de connexité avec une affaire pendante devant le tribunal administratif de Besançon, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ;
- les créances de 104 894,23 euros et 38 112,25 euros détenues par la SARL CEFIM sur la SNC GABER étaient douteuses, Mme B... ne pouvant être recherchée qu'à concurrence de sa détention du capital social, soit 1 % de la créance ;
- en toute hypothèse, les revenus de Mme B... ne lui permettaient pas de rembourser ces créances ;
- l'administration fiscale ne saurait se fonder sur la réalisation d'un résultat bénéficiaire de la SNC GABER au cours de l'exercice suivant (2012) pour contester le caractère douteux de cette créance dès lors que seule la situation au jour de la clôture de l'exercice de constitution de la reprise (2011) doit être prise en compte pour apprécier la probabilité de la perte ;
- faute pour l'administration fiscale de détailler les éléments comptables précis qui auraient pu permettre à la SARL CEFIM de supposer en 2011 un résultat positif de la SNC GABER en 2012, le seul lien capitalistique entre les deux sociétés n'est pas de nature à remettre en cause le caractère douteux de la créance en cause ;
- la créance d'un montant de 102 603 euros détenue par la SNC GABER sur " le groupe et les associés " figure toujours à l'actif de son bilan, n'a pas été provisionnée et n'est donc pas considérée comme douteuse par la SNC GABER, de sorte que la compensation des créances n'est pas susceptible d'être mise en oeuvre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2017, et un nouveau mémoire enregistré le 17 septembre 2018, le ministre conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL CEFIM ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 21 juin 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 31 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente-assesseure,
- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL CEFIM, qui détient 99 % des parts de la SNC Gaber, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2011 et 2012, à l'issue de laquelle l'administration a notamment remis en cause la déduction de deux provisions constituées en 2011 pour un montant respectif de 38 112 euros et de 104 894,23 euros. Cette société relève appel du jugement du 24 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie à raison de cette remise en cause.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 342-2 du code de justice administrative : " Lorsque deux tribunaux administratifs sont simultanément saisis de demandes distinctes mais connexes, relevant normalement de leur compétence territoriale respective, chacun des deux présidents intéressés saisit le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat et lui adresse le dossier de la demande ". Le refus par une juridiction de faire droit à l'invitation, adressée par une partie, de mettre en oeuvre les dispositions de l'article R. 342-2 du code de justice administrative constitue une mesure qui, à l'instar des décisions de mise en oeuvre de ces dispositions, n'est pas susceptible de recours. Des conclusions tendant à l'annulation d'une décision refusant de reconnaître la connexité avec une autre affaire présentée devant un autre tribunal administratif ne sont pas recevables ; de même, une décision de justice ne saurait être arguée d'incompétence au seul motif que la juridiction, compétemment saisie, n'aurait pas mis en oeuvre les dispositions précitées relatives à la connexité.
3. Il résulte de ce qui précède que la SARL CEFIM n'est pas fondée à critiquer le refus par les premiers juges de faire droit à sa demande tendant à ce qu'elle mette en oeuvre ces dispositions.
4. Au demeurant, il n'apparaît pas que, au delà de la circonstance que la SARL Dougar et la SNC Gaber International sont deux filiales de la SARL CEFIM, le litige soumis au tribunal administratif de Dijon, qui portait sur la déductibilité de provisions comptabilisées par la SARL CEFIM au titre de créances détenues sur la SNC Gaber International, présentait un lien de connexité avec le litige pendant devant le tribunal administratif de Besançon, portant sur la réintégration dans les bases imposables de la SARL Dougar d'un abandon de créances consenti par cette dernière société à la SNC Gaber International.
5. Pour les mêmes motifs, la société appelante n'est ni recevable ni, en tout état de cause, fondée à demander à la cour de mettre en oeuvre les dispositions de l'article R. 344-2 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé des impositions :
6. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". En vertu des dispositions de l'article 8 du code général des impôts, les associés des sociétés en nom commercial sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. Il résulte de ces dispositions que, lorsque leur bénéfice imposable est déterminé conformément aux prescriptions des articles 38 et suivants du code général des impôts, ces associés doivent prendre en compte, à la clôture de leurs propres exercices, comme un profit imposable ou comme une charge déductible, la part qui leur revient dans les résultats bénéficiaires ou déficitaires de la société civile. Si cette règle n'a pas pour effet de priver les mêmes associés de la faculté qu'ils tiennent du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts de constituer une provision en vue de faire face à une dépréciation de leur participation dans le cas où des circonstances postérieures à l'acquisition de cette participation et sans lien avec l'activité de la société rendent probable une dévalorisation de quelque élément du patrimoine de cette dernière, elle fait, en revanche, obstacle à ce qu'ils puissent constituer une telle provision en vue de tenir compte de résultats déficitaires de l'activité de la société, qui, même probables, ne seront qu'ultérieurement constatés dans les écritures de celle-ci et dont alors seulement ils pourront déduire la part qui leur revient.
7. La SARL CEFIM a fait figurer, au bilan de l'exercice clos le 31 décembre 2011 deux provisions pour créance douteuse d'un montant de 38 112 euros et de 104 894,23 euros correspondant à un prêt et à des avances en compte courant d'associé consenties à la SNC Gaber International. Les sommes ainsi versées à la société en nom collectif avaient vocation à financer son activité en vue de l'accomplissement de son objet social. Ainsi que le fait valoir l'administration, le risque pour la SARL CEFIM de perdre sa créance est indissociable de la perte qui a vocation à être constatée dans les écritures de la société en nom collectif lors de l'achèvement de ses opérations, et dont, en tant qu'associée, elle pourra alors imputer la part correspondant à sa participation sur ses propres résultats. Par suite, c'est à tort que la SARL CEFIM a constitué une provision pour créance douteuse en vue de faire face, par anticipation, à la perte, jugée probable, des créances qu'elle avait acquises sur la SNC Gaber.
8. Il suit de là que la société appelante ne saurait utilement invoquer les circonstances ayant trait au caractère douteux de sa créance et à l'insolvabilité de l'autre associée de la SNC Gaber pour justifier du bien-fondé des déductions pratiquées sur ses résultats imposables.
9. Il résulte de ce qui précède que la SARL CEFIM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions accessoires.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL CEFIM est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL CEFIM et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme A..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.
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N° 17LY00348
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