Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 juillet 2016 et le 28 novembre 2017, l'association Les Cardamines, représentée par la SELARL Delsol Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 17 mai 2016 ;
2°) de la décharger de ces amendes ;
3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'association Les Cardamines soutient que :
- elle constitue un organisme d'intérêt général au sens des articles 200-1-b et 238 bis-1-a du code général des impôts et des prévisions de la doctrine administrative BOI 7 S-5-08, du paragraphe 50 du BOI-PAT-ISF-40-40-10-20-20120912, du BOI-IR-RICI-250-10-20121001 et du paragraphe n° 150 du BOI-IR-RICI-250-10-10 dans la mesure où elle ne s'adresse pas à un cercle restreint de personnes ;
- le Cours le Chêne, avec lequel elle entretient des liens étroits, avait été reconnu d'intérêt général dans le cadre d'une procédure de rescrit en 2001 ;
- la position de l'administration va à l'encontre de débats parlementaires tenus en 2015, d'un avis formulé par le Haut Conseil à la vie associative du 21 mars 2013 et du rapport parlementaire de M. A... remis le 30 mars 2016 au Premier ministre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'économie et des finances soutient que les moyens présentés par l'association ne sont pas fondés.
Par des ordonnances du 7 novembre 2017 et du 4 décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 28 novembre 2017 puis au 6 janvier 2018, en application des articles R. 613-1, R. 613-3 et R. 613-4 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeD..., première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant l'association Les Cardamines ;
Considérant ce qui suit :
1. L'association Les Cardamines a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2005 et 2006, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a décidé de lui infliger, au titre de chacune de ces années, une amende sur le fondement de l'article 1740 A du code général des impôts. L'association relève appel du jugement du 17 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces pénalités.
Sur les conclusions aux fins de décharge des amendes :
2. Aux termes de l'article 1768 quater du code général des impôts, applicable jusqu'au 1er janvier 2006 : " Toute personne, organisme ou groupement qui délivre irrégulièrement des certificats, reçus, états ou attestations permettant à un contribuable d'obtenir une déduction du revenu ou du bénéfice imposables, ou une réduction d'impôt, est passible d'une amende fiscale égale à 25 % des sommes indûment mentionnées sur ces documents (...) ". Aux termes de l'article 1740 A du même code, applicable en 2006 : " La délivrance irrégulière de documents, tels que certificats, reçus, états, factures ou attestations, permettant à un contribuable d'obtenir une déduction du revenu ou du bénéfice imposables, un crédit d'impôt ou une réduction d'impôt, entraîne l'application d'une amende égale à 25 % des sommes indûment mentionnées sur ces documents ou, à défaut d'une telle mention, d'une amende égale au montant de la déduction, du crédit ou de la réduction d'impôt indûment obtenu (...) ". Aux termes de l'article 200 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " 1. Ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant les sommes prises dans la limite de 20 % du revenu imposable qui correspondent à des dons et versements (...) au profit : / (...) b) D'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel (...) ". Aux termes de l'article 238 bis du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " 1. Ouvrent droit à une réduction d'impôt égale à 60 % de leur montant les versements, pris dans la limite de 5 pour mille du chiffre d'affaires, effectués par les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés au profit : a) D'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel (...) ".
3. Pour décider d'appliquer à l'association Les Cardamines, qui a pour objet, selon l'article 2 de ses statuts, " l'assistance éducative et le soutien pré-scolaire des enfants de ses membres et de tout élève intéressé dont la candidature a été acceptée par le conseil d'administration ", la sanction prévue aux articles 1768 quater puis 1740 A précité du code général des impôts, l'administration s'est fondée sur la circonstance que, malgré l'énoncé de ses statuts, l'association ne s'adressait dans les faits qu'à un cercle restreint de bénéficiaires et ne pouvait, ainsi, être qualifiée d'organisme d'intérêt général. A ce titre, elle a fait valoir que cette association, qui s'est constituée dans le prolongement de l'association Cours le Chêne, organisme d'enseignement privé à distance, n'avait accueilli, au cours des années litigieuses, que des élèves par ailleurs inscrits à ladite association, qu'aucun enfant inscrit dans l'enseignement traditionnel n'avait bénéficié de son activité, qu'aucune publicité n'avait été assurée par l'association, qui ne s'adressait qu'à quelques familles, et qu'aucun document ne permettait à des parents désireux d'inscrire leur enfant dans l'association de connaître les critères de sélection.
4. Si la seule faiblesse du nombre d'enfants et du nombre de familles concernés par l'association ne suffisait pas à caractériser le fait que l'association s'adressait à un cercle restreint de personnes, toutefois, il résulte de l'instruction qu'au cours des années litigieuses, l'association n'a accueilli que des enfants par ailleurs inscrits au Cour Le Chêne. L'association a d'ailleurs indiqué, dans ses observations, qu'elle avait été créée dans le prolongement direct de l'action déployée par l'association Cours le Chêne. La charte " parents, enfants, élèves " produite par l'association précise d'ailleurs que " le programme du cours le Chêne doit être étudié dans son ensemble ". Si l'association fait valoir que ses statuts permettaient l'accueil d'autres enfants, et qu'elle n'a eu à refuser aucune demande, toutefois, ainsi que l'a indiqué l'administration, au cours des années litigieuses, l'association n'a mis en oeuvre aucun procédé afin de faire connaître son existence au-delà du cercle restreint des personnes inscrites au Cours Le Chêne, alors même qu'un nombre important d'élèves dans les communes alentours auraient pu être potentiellement intéressés par ses services. Si l'association fait grief à l'administration sur ce point de lui reprocher de ne pas avoir fait de publicité commerciale, alors qu'une telle publicité serait de nature à remettre en cause son absence de caractère lucratif, l'administration a seulement souligné qu'aucune mesure n'avait été prise pour faire connaître l'association. Si l'association fait valoir qu'un panneau d'information se trouve à l'entrée du site et qu'elle dispose d'un site internet, elle n'établit pas que ces éléments d'information existaient déjà en 2005 et 2006. Par ailleurs, aucun critère n'avait été arrêté par l'association pour déterminer les conditions d'admission d'élèves extérieurs au Cours Le Chêne et aucun document n'avait été prévu pour l'inscription d'enfants non inscrits au Cours Le Chêne. Ces éléments constituent un faisceau d'indices permettant d'établir qu'en réalité, malgré ses statuts, l'association s'adressait à un cercle restreint de bénéficiaires. Si elle indique qu'elle a accueilli au cours de l'année scolaire 2006/2007 un élève non inscrit au Cours Le Chêne, elle ne l'établit pas. Par ailleurs, elle ne peut utilement faire valoir qu'au cours des années ultérieures elle a accueilli d'autres enfants, a acquis le statut d'école privée hors contrat et prépare désormais aux examens nationaux, pour justifier de son mode de fonctionnement au cours des années litigieuses. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration a estimé qu'au cours des années vérifiées, l'association s'adressait à un cercle restreint de personnes et ne pouvait, par suite, être regardée comme un organisme d'intérêt général au sens des articles 200 et 238 bis du code général des impôts. L'administration était, dès lors, fondée à infliger à l'association requérante l'amende prévue par les dispositions précitées.
5. L'association Les Cardamines n'entre pas dans les prévisions de l'instruction administrative n° 7 S 5-08 relative à l'impôt de solidarité sur la fortune qui concerne les " établissements de recherche ou d'enseignement supérieur ou d'enseignement artistique publics ou privés, d'intérêt général, à but non lucratif ". Elle n'entre pas non plus, pour les mêmes motifs, dans le champ des prévisions du paragraphe n° 50 du BOI-PAT-ISF-40-40-10-20-20120912, au demeurant postérieur aux années litigieuses. Les prévisions du BOI-IR-RICI-250-10-20121001 ne prévoient pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été ici fait application. Le paragraphe n° 150 du BOI-IR-RICI-250-10-10, qui, comme elle l'indique elle-même, n'a été publié qu'à compter du 26 juillet 2016, ne comprend pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application par le présent arrêt. Les prévisions contenues au paragraphe n° 20 du BOI-IR-RICI-250-10-10 sont relatives aux associations gestionnaires d'écoles, de collèges ou de lycées. L'association ne pouvait être regardée comme gérant une école au cours des années 2005 et 2006. En outre, ces prévisions, qui résultent d'un rescrit de 2011, sont postérieures aux années concernées. Par suite, l'association Les Cardamines n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales de ces différentes doctrines.
6. Les propos tenus au cours de la séance parlementaire du 9 février 2015, l'avis formulé par le Haut Conseil à la vie associative du 21 mars 2013 et le rapport parlementaire de M. A...remis le 30 mars 2016 au Premier ministre, au demeurant postérieurs aux années en cause, ne constituent pas une prise de position formelle de l'administration fiscale au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Par suite, l'association Les Cardamines n'est pas fondée à s'en prévaloir.
7. L'association Les Cardamines n'est pas fondée se prévaloir des courriers des 20 et 21 août 2001 de l'administration fiscale admettant le caractère non lucratif et d'intérêt général de l'association Cours le Chêne avec laquelle elle s'est associée, dès lors qu'une prise de position sur la situation d'un autre contribuable ne peut être invoquée sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.
8. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Les Cardamines n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Sur les frais d'instance et les dépens :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à l'association Les Cardamines la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'est pas établi que l'association Les Cardamines a exposé des dépens dans le cadre de la présente instance. Sa demande tendant à la condamnation de l'Etat au remboursement de ses dépens doit, dès lors, en tout état de cause, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association Les Cardamines est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Les Cardamines et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
MmeB..., première conseillère,
MmeD..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 22 mai 2018.
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N° 16LY02588