Par une requête enregistrée le 12 août 2016 sous le n° 16LY02897 et deux mémoires enregistrés les 5 janvier 2017 et 9 février 2018, la SARL EA Investissements, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1304982-1304983 du tribunal administratif de Grenoble du 13 juin 2016 ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 et des pénalités et amendes correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que c'est à tort que l'administration a considéré que la somme de 90 000 euros mentionnée sur une facture découverte au cours des opérations de contrôle correspondait à un produit imposable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Menasseyre, président assesseur ;
- les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Au cours d'une vérification de la comptabilité de la SARL EA Investissement a été découverte une facture, en date du 30 septembre 2009, établie à l'en-tête de l'entreprise, et mentionnant un montant de 75 250,84 euros hors taxe et 14 749,16 euros de taxe sur la valeur ajoutée, en rémunération de son intervention dans la vente d'un terrain. Cette somme n'apparaissant pas en comptabilité, le service l'a réintégrée dans les résultats imposables de la société et lui a également réclamé la taxe facturée. La société s'étant, par la suite, abstenue de répondre à la demande de désignation des bénéficiaires des distributions correspondantes, l'administration lui a infligé, sur le fondement des dispositions de l'article 1759 du code général des impôts une amende égale à 100 % des sommes considérées comme distribuées. La société relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 juin 2016 rejetant ses demandes en décharge de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie ainsi que de l'amende qui lui a été infligée.
2. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ". En application de ces dispositions, compte tenu de ce que la société appelante n'a pas discuté les redressements à l'issue de la procédure de rectification contradictoire dont elle a fait l'objet, il lui appartient d'établir le mal-fondé des impositions qu'elle conteste à présent. Par ailleurs, si la personne dont le nom figure sur une facture est présumée être celle qui l'a délivrée, cette présomption peut être combattue par l'administration comme par la personne en cause.
3. L'administration a réintégré dans les résultats imposables de la société appelante le produit correspondant à la somme facturée par la SARL EA Investissement le 30 septembre 2009. Selon la société, la facture en cause n'a pas été émise par ses soins mais par le père du gérant, qui a contrefait la signature de ce dernier, et correspond à la rémunération d'une prestation de service rendue par la SCI EA Investissement. La société démontre que le chèque correspondant au règlement de cette facture, bien que libellé au nom de l'émetteur de la facture, a été encaissé non par elle-même mais par la SCI EA Investissement. Elle démontre également que le père du gérant a souscrit une déclaration de revenus rectificative faisant apparaître la somme en cause. Elle verse aux débats une attestation émanant de ce dernier, qui y indique qu'il est " le seul responsable dans " cette affaire, y reconnaît avoir contrefait la signature de son fils et précise s'être acquitté de l'impôt sur la somme de 90 000 euros ainsi perçue. Enfin, la société a produit un bordereau de situation établi par le service des impôts des particuliers de Sallanches ainsi qu'un certificat de recettes émanant du même service corroborant ce dernier point. Ce faisant, la société établit que cette facture est intervenue à son insu et a été émise par le père du gérant, qui n'avait pas qualité pour le faire, pour son seul compte.
4. Il résulte de ce qui précède que la SARL EA Investissement établit qu'elle n'a pas délivré la facture en cause, de sorte que les sommes correspondantes ne pouvaient être regardées comme des produits de l'entreprise.
5. S'il résulte des dispositions combinées du 1° du 1. de l'article 109, de l'article 117 et de l'article 1759 du code général des impôts que le silence gardé sur une demande de désignation des bénéficiaires des distributions entraîne l'application d'une amende égale au montant de ces distributions, aucune sanction ne saurait être prononcée en l'absence de distribution.
6. Au cas d'espèce, dès lors que la société a démontré que les sommes mentionnées sur la facture du 30 septembre 2009 ont été réintégrées à tort dans ses bases imposables, elle est fondée à soutenir qu'en l'absence de distribution, elle n'encourait pas la sanction prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL EA Investissement est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL EA Investissement et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble nos 1304982-1304983 du 13 juin 2016 est annulé.
Article 2 : La SARL EA Investissement est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2010 ainsi que des majorations correspondantes, et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.
Article 3 : L'Etat versera à la SARL EA Investissements une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL EA Investissements et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, président assesseur,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 24 avril 2018.
2
N° 16LY02897