Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 août 2016 sous le n° 16LY02898 et deux mémoires enregistrés les 5 janvier 2017 et 9 février 2018, la SARL EA Investissements, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1304984 du tribunal administratif de Grenoble du 13 juin 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période correspondant à l'année 2010 et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que c'est à tort que l'administration a considéré que la somme de 90 000 euros mentionnée sur une facture découverte au cours des opérations de contrôle correspondait à un produit imposable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure ;
- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Au cours d'une vérification de la comptabilité de la SARL EA Investissement a été découverte une facture, en date du 30 septembre 2009, établie à l'en-tête de l'entreprise, et mentionnant un montant de 75 250,84 hors taxe et 14 749,16 euros de taxe sur la valeur ajoutée, en rémunération de son intervention dans la vente d'un terrain. Cette somme n'apparaissant pas en comptabilité, le service l'a réintégrée dans les résultats imposables de la société et lui a également réclamé la taxe facturée. La société relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 juin 2016 rejetant sa demande en décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ainsi rappelés.
2. Aux termes du 3. de l'article 283 du code général des impôts : " Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation ". Il résulte de ces dispositions qu'une société qui mentionne un montant de taxe sur la valeur ajoutée sur une facture en est en principe redevable. Toutefois, si la personne dont le nom figure sur une facture est présumée être celle qui l'a délivrée, cette présomption peut être combattue par l'administration comme par la personne en cause.
3. L'administration a réclamé à la société appelante la taxe qui figurait sur la facture émise au nom de la SARL EA Investissement le 30 septembre 2009. Pour contester sa qualité de redevable des droits en litige, la société fait valoir que la facture en cause n'a pas été émise par ses soins mais par le père du gérant, qui a contrefait la signature de ce dernier, et correspond à la rémunération d'une prestation de service rendue par la SCI EA Investissement. La société démontre que le chèque correspondant au règlement de cette facture, bien que libellé au nom de l'émetteur de la facture, a été encaissé non par elle-même mais par la SCI EA Investissement. Elle démontre également que le père du gérant a souscrit une déclaration de revenus rectificative faisant apparaître la somme en cause. Elle verse aux débats une attestation émanant de ce dernier, qui y indique qu'il est " le seul responsable dans " cette affaire, y reconnaît avoir contrefait la signature de son fils et précise s'être acquitté de l'impôt sur la somme de 90 000 euros ainsi perçue. Enfin, la société a produit un bordereau de situation établi par le service des impôts des particuliers de Sallanches ainsi qu'un certificat de recettes émanant du même service corroborant ce dernier point. Ce faisant, la société établit que cette facture est intervenue à son insu et a été émise par le père du gérant, qui n'avait pas qualité pour le faire, pour son seul compte.
4. Par suite, la société appelante établissant qu'elle n'a pas mentionné la taxe indiquée sur la facture du 30 septembre 2009, l'administration n'était pas fondée à la considérer comme étant redevable de cette taxe.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL EA Investissement est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL EA Investissement et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 1304984 du 13 juin 2016 est annulé.
Article 2 : La SARL EA Investissement est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période correspondant à l'année 2010 et des pénalités correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera à la SARL EA Investissements une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL EA Investissements et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, président assesseur,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 24 avril 2018.
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N° 16LY02898