Par une requête enregistrée le 7 mai 2015, M. et Mme B..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 19 mars 2015 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande ;
2°) de leur accorder la décharge des impositions contestées restant à leur charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;
- l'administration a la faculté de rehausser les loyers dus par les associés en cas de minoration, pour aboutir à l'imposition du loyer correspondant à la valeur locative réelle du bien loué ; elle n'est toutefois pas fondée à rejeter la déduction des charges d'exploitation ainsi comptabilisées, sauf à invoquer l'abus de droit et à soutenir que la société n'avait été constituée que dans un but exclusivement fiscal ; mais ce n'est pas ce que l'administration fiscale a fait ;
- la réalité des locations, de la facturation régulière et du paiement des factures n'est pas contestée ;
- le caractère minoré des loyers n'est pas démontré ; l'administration fiscale n'a pas déterminé le montant du loyer normal ;
- les associés ne sont pas dans la situation d'un propriétaire qui se louerait un bien à lui-même ; ils sont seulement tenus d'acquitter un loyer normal ;
- il convenait pour l'administration fiscale de rechercher l'acte anormal de gestion au niveau du prix des prestations fournies et de ne constater un revenu distribué qu'à raison de la différence entre le loyer normal et le loyer réel ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre expose que :
- les loyers facturés, au cours de la période litigieuse, sont très inférieurs aux charges comptabilisées et nettement inférieurs à la dotation aux amortissements des biens pratiqués par la société bailleresse ;
- les requérants n'établissent pas que les loyers facturés seraient conformes aux prix du marché ;
- la société n'a à aucun moment entendu développer l'activité de location auprès de tiers, les locations ayant été exclusivement consenties à son dirigeant et à l'épouse de celui-ci ; l'avantage retiré par ces derniers, bénéficiaires uniques du service rendu, apparaît disproportionné par rapport à la contre-valeur qu'ils versent à la société, et de ce fait caractérise l'absence de contrepartie suffisante exigée par la jurisprudence ; les charges d'entretien des biens meubles sont, ainsi, dépourvues de contrepartie ;
- les loyers facturés à un niveau très inférieur au prix du marché, traduisent une libéralité dès lors que les locations sont consenties entre des personnes liées juridiquement ; les conditions d'exploitation révèlent que la société n'avait pour cette activité de location, aucune intention de réaliser des recettes ayant un caractère de permanence et que les biens meubles loués n'avaient pas vocation à être proposés à des tiers ; les dépenses y afférentes supportées par la société n'apportent à celle-ci qu'un intérêt minime, hors de proportion avec l'avantage retiré par les associés, bénéficiaires des locations ; les charges litigieuses ne pouvaient donc donner lieu à une déduction des résultats imposables ;
- la jurisprudence invoquée par les requérants n'est pas applicable en l'espèce, dès lors que la SAS n'a pas été constituée exclusivement pour l'exploitation commerciale des biens loués.
Par un mémoire enregistré le 3 novembre 2016, M. et Mme B...concluent aux mêmes fins que leur requête initiale par les mêmes moyens ;
Ils soutiennent, en outre, que :
- la morale des affaires conduit à poser en principe que la gestion de l'entreprise est nécessairement commandée par la recherche du profit ; l'acte anormal de gestion implique une relation déséquilibrée entre les parties ; le contrôle opéré par l'administration et le juge ne doit pas les conduire à s'immiscer dans les gestion des entreprises, dominée par l'acceptation du risque raisonnable ; s'ils peuvent apprécier la régularité des opérations effectuées, ils ne peuvent juger de leur opportunité, ni de la qualité de la gestion des entreprises ;
- l'activité accessoire de location a débuté le 28 février 2006, deux véhicules ont été vendus en 2007 et 2008 ; pour les autres biens loués, ils ont fait l'objet de contrats de location et les loyers ont été versés par les locataires ; les calculs de l'administration ne sont pas pertinents pour démontrer le caractère minoré de ces loyers ; la dotation aux amortissements est sans lien avec le montant des loyers qui résulte des caractéristiques du bien et du jeu de l'offre et de la demande ; ces calculs ne s'appuient pas sur les données propres de l'entreprise en matière d'amortissement ; l'administration n'apporte pas la preuve de la minoration des loyers et de l'acte anormal de gestion ;
- à supposer établie la minoration des loyers cela ne suffit pas à caractériser l'existence d'un acte anormal de gestion ; les contrats de location ont donné lieu au versement des loyers et donc ont eu pour contrepartie le paiement du prix ; dès lors que les loyers ne sont pas minorés la circonstance que les biens aient été loués au dirigeant ou à des tiers est sans incidence ; le fait d'acheter deux bateaux, quatre véhicules automobiles et un scooter pour les revendre ou les donner en location est conforme à son objet statutaire ; les charges y afférentes ont été exposées dans son intérêt et l'administration n'a pas soulevé qu'elles avaient été exposées dans un intérêt autre que celui de l'exploitation ; elle est fondée à invoquer la jurisprudence Hubau et à réclamer la réintégration dans les recettes de la société la différence entre le loyer normal et le loyer pratiqué ;
Par une ordonnance en date du 16 novembre 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 12 décembre 2016, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Par un mémoire, enregistré le 2 mars 2017, M et Mme B...concluent aux mêmes fins que leur requête initiale et à défaut au dégrèvement de la quotité des rappels de contributions sociales mis à leur charge à raison de la majoration de 25 %, appliquée à tort aux revenus distribués ajoutés à leur revenu imposable des années 2006, 2007 et 2008.
M. et Mme B...font valoir que le Conseil Constitutionnel a jugé dans une décision sur question prioritaire de constitutionnalité QPC 10-2-2017 n°2016-610 que les prélèvements sociaux sur les distributions occultes ne doivent pas être calculés sur une base majorée de 25 % sauf à méconnaître le principe d'égalité devant les charges publiques ; cette décision qui peut être considérée comme d'ordre public, s'impose à la cour qui devra, à défaut de prononcer le dégrèvement total des impositions litigieuses, prononcer le dégrèvement de la quotité des rappels de cotisations sociales mis à leur charge à raison de la majoration de 25 % appliquée à tort aux revenus distribués ajoutés à leur revenu imposable des années 2006, 2007 et 2008.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public ;
1. Considérant que M. et Mme B...ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces, au terme duquel l'administration fiscale leur a adressé une proposition de rectification en date du 21 septembre 2011 les assujettissant à des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2006, 2007 et 2008, assortis de la majoration de 40 % pour manquement délibéré en application de l'article 1729 du code général des impôts ; que ces impositions font suite à la vérification de comptabilité de la SAS Poulat Viallet Immobilier dont M. B...est le dirigeant et aux termes de laquelle l'administration fiscale les a regardés comme étant les bénéficiaires des sommes correspondant à des avantages occultes distribués imposables entre leurs mains ; qu'en dépit des observations présentées, l'administration fiscale a émis le 30 juin 2011 six rôles supplémentaires d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de ces mêmes années ; que, par jugement du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions ; que, par la présente requête, M. et Mme B...relèvent appel de ce jugement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. " ; qu'une proposition de rectification est suffisamment motivée au regard des dispositions précitées dès lors qu'elle indique la nature des redressements envisagés, le montant de ces redressements distinctement par catégories de revenus et par chefs de redressements, l'impôt et l'année d'imposition et que ces motifs sont suffisamment explicites pour permettre au contribuable d'engager une discussion contradictoire avec l'administration et de présenter utilement ses observations ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de la lecture même de la proposition de rectification en date du 21 septembre 2009, que pour remettre en cause la déductibilité des charges supportées par la SAS Poulat Viallet Immobilier afférentes aux véhicules et autres moyens de transport loués à M. et MmeB..., associés de la SAS dirigée par M. B..., l'administration fiscale a relevé qu'en louant ces biens uniquement à ses associés et en dégageant des marges négatives, la société n'avait pas agi dans son intérêt, ces dépenses, ne comportant pour elle aucune contrepartie eu égard au caractère disproportionné du service rendu par rapport à la contre-valeur versée et présentaient dès lors un caractère de libéralité à leur profit, exclusif d'une gestion commerciale normale ; que l'administration fiscale, en comparant systématiquement les loyers facturés pour chacun des biens aux charges comptabilisées et aux dotations d'amortissement pratiquées et en déduisant le montant des loyers versés du montant des rectifications envisagées, a suffisamment motivé la proposition de rectification pour permettre à M. et Mme B... de formuler utilement leurs observations, ce qu'ils ont d'ailleurs fait ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c) Les rémunérations et avantages occultes (...) " ;
5. Considérant qu'en cas de refus des rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve, d'une part, de l'existence et du montant des revenus distribués et, d'autre part, de leur appréhension par le contribuable ; que M. et MmeB..., dont les rehaussements ont été notifiés selon la procédure de rectification contradictoire, n'ayant pas accepté les rectifications découlant du rattachement à leur revenu global des revenus regardés comme distribués à la suite de la vérification de comptabilité de la SAS Poulat Viallet Immobilier, il incombe à l'administration d'apporter la preuve, d'une part, de l'existence et du montant des revenus distribués et, d'autre part, de leur appréhension par M. et Mme B... ;
6. Considérant que pour imposer les sommes correspondant aux charges comptabilisées par la SAS Poulat Viallet Immobilier dont elle a remis en cause la déduction au niveau de cette société, l'administration fiscale a estimé que les locations de véhicules consenties à M. et Mme B... l'étaient pour un montant de loyer très inférieur aux charges comptabilisées par la société et que les sommes distribuées correspondant à la différence entre le montant des charges déduites et le montant des loyers versés par les époux B...étaient constitutives de libéralités consenties à leur profit exclusif, et présentaient le caractère d'avantages occultes imposables entre leurs mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
7. Considérant que les avantages occultes imposés entre les mains de M. et Mme B... résultent de la remise en cause de la déductibilité des charges supportées par la SAS Poulat Viallet Immobilier, dont ils sont gérant et associés, induites par la location à leur seul profit, de quatre véhicules automobiles, de deux bateaux et d'un scooter mis à leur disposition au cours de la période contrôlée, cette activité de location ayant été regardée par l'administration fiscale comme constitutive d'un acte anormal de gestion en raison du caractère minoré des loyers pratiqués ; que les requérants contestent avoir bénéficié d'avantages occultes en soutenant que l'administration fiscale n'a pas démontré le caractère minoré des loyers consentis par la société à ses associés, n'a pas déterminé le montant normal de loyer que la SAS Poulat Viallet Immobilier aurait dû leur facturer pour la location de ces biens meubles, et n'a pas démontré que ces locations de véhicules relèveraient d'un acte anormal de gestion ; que les requérants soutiennent, qu'ainsi, l'administration n'était pas fondée à remettre en cause la déduction des charges comptabilisées afférentes à ces locations, mais aurait dû réintégrer le cas échéant dans les recettes de la société la différence entre le montant du loyer normal et le montant des loyers effectivement pratiqués ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que pour remettre en cause la déductibilité des charges afférentes aux locations de biens meubles consenties par la SAS Poulat Viallet Immobilier aux épouxB..., l'administration fiscale a considéré que les modalités d'exploitation de cette activité de location, au demeurant accessoire, ne relevaient pas d'une gestion commerciale normale dans la mesure où, exercée exclusivement au profit de ses associés, elle générait des marges négatives en raison du caractère minoré des loyers facturés par rapport au montant des charges supportées, et qu'elle n'était pas justifiée par l'intérêt propre de l'entreprise en l'absence de contrepartie avérée pour celle-ci ; que le caractère minoré des loyers est établi dans la mesure où leur montant ne permettait pas de compenser le montant des charges, résultant notamment de l'amortissement des biens loués ; que, dans ces conditions, contrairement à ce que soutiennent les requérants l'administration fiscale n'était pas tenue de déterminer un montant de loyer normal, lequel ne pouvait qu'être supérieur au montant des charges effectivement supportées ; que la circonstance qu'au titre de la période litigieuse, les loyers pratiqués auraient été régulièrement comptabilisés et facturés aux époux B...par la SAS Poulat Viallet Immobilier et que ceux-ci les auraient acquittés est sans incidence sur le bien fondé des redressements qui procèdent de la disproportion entre le montant des loyers afférents aux locations des biens meubles consenties par la société à M. et Mme B..., ses associés, et le montant des charges supportées par elle au titre de cette activité qui ne pouvait, en l'absence de contrepartie, être regardée comme économiquement justifiée ; que, par suite, l'administration fiscale établit l'existence et le montant des avantages occultes correspondant à la différence entre le montant des charges supportées et le montant des loyers acquittés par M. et Mme B... bénéficiaires des locations, et constitutifs de libéralités octroyées par la SAS Poulat Viallet Immobilier ;
8. Considérant que pour établir l'appréhension des distributions occultes par les épouxB..., l'administration fiscale s'est fondée sur la circonstance que ces derniers, associés de la SAS Poulat Viallet Immobilier, étaient les seuls bénéficiaires des locations, et pour M. B..., le dirigeant et maître de l'affaire ; que, par suite, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe de l'appréhension des sommes par M. et Mme B... en leur qualité d'associés et d'uniques bénéficiaires des locations, ces avantages occultes étant imposables entre leurs mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions précitées de l'article 111 c du code général des impôts ;
9. Considérant que si M. et Mme B...se prévalent des réserves d'interprétations par lesquelles le Conseil Constitutionnel a jugé dans sa décision QPC 10-02-2017 n°2016-610 que la majoration de 25 % prévue par les dispositions du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts ne doit pas s'appliquer aux prélèvements sociaux sur les revenus occultes distribués, il résulte de l'instruction, notamment des mentions de la proposition de rectification relatives à l'application de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, qu'en l'espèce, l'administration fiscale n'a pas fait application d'une telle majoration dans le calcul des prélèvements sociaux dus par les époux B...à raison des redressements notifiés ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande de décharge ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B...et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2017, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mars 2017.
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N° 15LY01652
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