Procédure devant la cour
I. Par une requête enregistrée le 13 décembre 2016 sous le n° 16LY04149, le préfet du Rhône demande à la cour de suspendre l'exécution de ce jugement du 16 novembre 2016.
Il soutient que :
- la France est l'Etat responsable de la demande d'asile initiale de M. B...au sens du règlement UE 604/2013 du 26 juin 2013 dans la mesure où celui-ci a formé sa demande en France et n'a pas quitté depuis le territoire de l'espace Schengen ; que, par suite, et eu égard à l'expiration du titre provisoire de séjour délivré à M. B... par les autorités allemandes, il n'était pas envisageable de former une demande de réadmission ;
- l'absence de délai de départ volontaire assortissant l'obligation de quitter le territoire français est justifiée au regard du fait que M. B... s'est déjà soustrait à une décision l'obligeant à quitter le territoire français le 23 janvier 2015, qu'il ne présente aucune garantie de présentation et qu'il représente en outre une menace à l'ordre public ;
- les moyens qu'il invoque sont sérieux et que les conséquences de l'exécution du jugement contesté sont difficilement réparables.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 février 2017, M. A... B..., représenté par Me Bescou, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la requête du préfet du Rhône est irrecevable dans la mesure où il ne démontre pas que ses conclusions présentées devant le tribunal administratif devraient être rejetées et que l'exécution du jugement aurait des conséquences difficilement réparables ;
- il est constant qu'il a déposé en Allemagne une demande d'asile, actuellement en cours d'instruction ;
- dès lors que les autorités allemandes n'ont pas demandé aux autorités française de le reprendre en charge, la circonstance qu'il ait déposé auparavant une demande d'asile en France, invoquée par le préfet postérieurement à la décision litigieuse, ce qui révèle l'absence d'examen sérieux de sa situation, est inopérante.
Le 22 février 2017, le préfet du Rhône a produit un nouveau mémoire.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 février 2017.
II. Par une requête enregistrée le 13 décembre 2016 sous le n° 16LY04151, le préfet du Rhône demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 1607591 du 16 novembre 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- la France est l'Etat responsable de la demande d'asile initiale de M. B...au sens du règlement UE 604/2013 du 26 juin 2013 dans la mesure où celui-ci a formé sa demande en France et n'a pas quitté depuis le territoire de l'espace Schengen ; que, par suite, et eu égard à l'expiration du titre provisoire de séjour délivré à M. B...par les autorités allemandes, il n'était pas envisageable de former une demande de réadmission ;
- l'absence de délai de départ volontaire assortissant l'obligation de quitter le territoire français est justifiée au regard du fait que M. B... s'est déjà soustrait à une décision l'obligeant à quitter le territoire français le 23 janvier 2015, qu'il ne présente aucune garantie de présentation et qu'il représente en outre une menace à l'ordre public.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 février 2017, M. A... B..., représenté par Me Bescou, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il est constant qu'il a déposé en Allemagne une demande d'asile, actuellement en cours d'instruction ;
- dès lors que les autorités allemandes n'ont pas demandé aux autorités française de le reprendre en charge, la circonstance qu'il ait déposé auparavant une demande d'asile en France, invoquée par le préfet postérieurement à la décision litigieuse, ce qui révèle l'absence d'examen sérieux de sa situation, est inopérante ;
- il a exécuté l'obligation de quitter le territoire français prise le 23 janvier 2015 en se rendant en Allemagne, où il a été admis provisoirement au séjour, le temps de l'examen de sa demande d'asile ;
- il n'a pas à justifier de la stabilité et de l'effectivité de son adresse au titre de l'examen du risque de fuite.
Le 22 février 2017, le préfet du Rhône a produit un nouveau mémoire.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 février 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement UE 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinet,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me Bescou, représentant M.B... ;
1. Considérant que M. A...B..., de nationalité albanaise, né le 2 mars 1994, est entré en France pour la dernière fois en septembre 2016 ; que par des décisions en date du 28 septembre 2016, le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ; que, par un jugement du 16 novembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions ; que, par les deux requêtes susvisées, le préfet du Rhône demande l'annulation dudit jugement et qu'il soit sursis à son exécution ;
2. Considérant que les requêtes susvisées du préfet du Rhône sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Sur la requête n° 16LY04151 :
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes des dispositions de l'article 3 du règlement UE 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. " ; qu'aux termes de l'article 13 de ce règlement : " 1. Lorsqu'il est établi (...) que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. (...) " ;
5. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié doit être autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande ; que, dès lors, lorsqu'en application des stipulations des conventions internationales conclues avec les Etats membres de l'Union européenne, l'examen de la demande d'asile d'un étranger ne relève pas de la compétence des autorités françaises mais de celles de l'un de ces Etats, la situation du demandeur d'asile n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais dans celui des dispositions du premier alinéa de l'article L. 531-2 du même code ; qu'en vertu de ces dispositions, la mesure d'éloignement en vue de remettre l'intéressé aux autorités étrangères compétentes pour l'examen de sa demande d'asile ne peut être qu'une décision de réadmission prise sur le fondement de l'article L. 531-1 de ce code ;
6. Considérant que, pour faire obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai par la décision litigieuse du 28 septembre 2016, le préfet du Rhône a notamment retenu que l'intéressé a fait l'objet d'une décision de refus de titre de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français, le 23 janvier 2015 et qu'il n'a pas démontré avoir quitté le territoire français depuis la notification de cette décision, réputée intervenue le 27 janvier 2015, un bref séjour en Allemagne n'étant pas suffisant à cet égard ; que, pour annuler les décision litigieuses, le tribunal administratif a relevé qu'aux termes de la décision en litige, il ressortait que la situation personnelle de M. B... n'avait pas été examinée au regard de sa demande d'asile présentée aux autorités allemandes, alors que cette demande aurait pu éventuellement conduire l'administration à modifier sa décision voire amener l'autorité préfectorale à édicter une mesure de réadmission de l'intéressé aux autorités allemandes ; qu'il en a déduit que le préfet devait être regardé comme n'ayant pas procédé à un examen particulier et complet de la situation individuelle de M. B... et qu'ainsi, les décisions du 28 septembre 2016 étaient entachées d'erreur de droit ;
7. Considérant, que le préfet du Rhône, en appel, soutient que la France est l'Etat responsable de la demande d'asile initiale de M. B... au sens du règlement UE 604/2013 du 26 juin 2013 dans la mesure où celui-ci a formé sa demande en France et n'a pas quitté depuis le territoire de l'espace Schengen ; qu'il en déduit que, par suite, et eu égard à l'expiration du titre provisoire de séjour délivré à M. B... par les autorités allemandes, il n'était pas envisageable de former une demande de réadmission ; que, toutefois, la décision litigieuse ne comporte pas un tel raisonnement et révèle que ces différents éléments d'information n'ont pas été pris en compte ; qu'il ressort, au demeurant, des pièces du dossier que M. B... s'est rendu en Allemagne, où il a déposé une demande d'asile, au titre de laquelle il a bénéficié de récépissés l'autorisant à séjourner temporairement sur le territoire de cet Etat ; qu'en ne prenant pas de décision de remise aux autorités françaises et en acceptant, alors qu'elle n'y était pas tenue, d'examiner la demande d'asile formée par M. B..., l'Allemagne est devenue l'Etat responsable de cette demande ; que si, postérieurement à la décision litigieuse, les autorités allemandes ont indiqué que la demande de M. B...était devenue caduque, il n'est pas établi qu'à la date de ladite décision, soit le 28 septembre 2016, une décision de rejet définitif avait été opposée à la demande d'asile présentée par M. B... en Allemagne ; qu'il suit de là que le préfet du Rhône ne pouvait que prendre à l'encontre de M. B... une décision de remise aux autorités allemandes et ne pouvait, à l'inverse, prendre à son encontre une décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé ses décisions du 28 septembre 2016 portant obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et désignant le pays de destination en cas de renvoi ;
Sur la requête n° 16LY04149 :
9. Considérant que le présent arrêt statue sur la requête en annulation présentée contre le jugement n° 1607591 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 16 novembre 2016 ; que, par suite, la requête n° 16LY04149 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution dudit jugement est devenue sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Bescou, avocat de M. B..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Bescou renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 16LY04151 du préfet du Rhône est rejetée.
Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 16LY04149.
Article 3 : L'Etat versera à Me Bescou, avocat de M. B..., la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Bescou renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet du Rhône, à M. B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2017, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Vinet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 mars 2017.
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Nos 16LY04149, 16LY04151
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