Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 6 mars 2018, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 décembre 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du 24 novembre 2017 portant remise aux autorités portugaise ainsi que la décision du 6 décembre 2017 portant assignation à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de l'admettre provisoirement au séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- Le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de fait en considérant que la préfecture apportait la preuve de la saisine des autorités portugaises ;
- le jugement est irrégulier car le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré des insuffisances en terme d'interprète lors de l'entretien ; ainsi qu'au moyen tiré de la violation de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile lors de la notification de l'assignation à résidence ;
Sur la légalité de la décision de transfert :
- la notification de la décision a été effectuée irrégulièrement car la traduction de la notification n'a pas été exacte, elle a compris que le document qui lui était présenté était une proposition d'aide au retour ; il n'est pas possible d'identifier le traducteur qui doit, en application de l'article R. 111-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile figurer sur une liste dressée chaque année par le procureur de la République ; le nom et les coordonnées de l'interprète ne sont pas mentionnées sur la notification en méconnaissance de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la notification ne précise pas les informations sur les personnes ou les entités susceptibles de fournir une assistance juridique ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- compte tenu de sa situation familiale spécifique, en refusant d'examiner sa demande d'asile à titre exceptionnel sur le fondement des articles 16 et 17 du règlement n° 604/2013, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- il n'est pas établi que les autorités portugaises aient été valablement saisies dans le délai de deux mois à partir du dépôt de sa demande d'asile ; la France est redevenue compétente ;
- le préfet de l'Isère devait retirer l'admission provisoire au séjour avant de prendre sa décision de remise aux autorités portugaises ;
- les brochures d'information prévues par l'article 4 de ce règlement ne lui ont pas été remises dans une langue qu'elle comprend ;
- elle n'a pas bénéficié d'un entretien individuel et confidentiel ; l'entretien n'a pas été effectué par un agent habilité en méconnaissance du point 5 de l'article 5 du règlement Dublin ; le concours de l'interprète a été insuffisant lors de cet entretien ;
- elle n'a pas été informée de son droit d'accès aux documents la concernant ; elle n'a pas été informée du droit de consulter le résumé de l'entretien en préfecture ; il ne lui a pas été remis copie du résumé de l'entretien ;
- l'arrêté est illégal à défaut de communication du dossier la concernant par la préfecture ;
Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :
- la notification de la décision a été effectuée irrégulièrement car la traduction de la notification n'a pas été exacte, elle a compris que le document qui lui était présenté était une proposition d'aide au retour ; il n'est pas possible d'identifier le traducteur qui doit, en application de l'article R. 111-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile figurer sur une liste dressée chaque année par le procureur de la République ; le nom et les coordonnées de l'interprète ne sont pas mentionnées sur la notification en méconnaissance de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la notification de la décision d'assignation à résidence ne précise pas les informations sur les personnes ou les entités susceptibles de fournir une assistance juridique en méconnaissance du 2° de l'article 26 du règlement Dublin ; il n'est pas précisé qu'un avocat peut être obtenu auprès de l'ordre des avocats de Grenoble ;
- elle doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision de remises aux autorités portugaises et conformément à l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision d'assignation à résidence ne comporte pas suffisamment de précisions sur l'adresse de l'ordre des avocats et ne mentionne pas la possibilité de bénéficier d'une aide au retour en méconnaissance de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante guinéenne née le 26 février 1988 expose avoir quitté son pays pour rejoindre la France le 2 mai 2017. Elle a présenté une demande d'asile au guichet unique d'accueil de la préfecture de l'Isère le 21 juillet 2017. Le relevé de ses empreintes a fait apparaître que les autorités portugaises lui avaient délivré un titre de séjour. Les autorités portugaises, saisies le 8 septembre 2017 par le préfet de l'Isère d'une demande de prise en charge de l'intéressée, ont, par un accord explicite du 8 novembre 2017, accepté de la prendre en charge. Le préfet de l'Isère a alors décidé, par arrêté du 24 novembre 2017, de transférer l'intéressée aux autorités portugaises et, par arrêté du 6 décembre 2017, l'a astreint à résider dans le département de l'Isère, pour une durée maximale de quarante-cinq jours renouvelable une fois. Ces deux décisions lui ont été notifiées le 11 décembre 2017. Mme A... relève appel du jugement du 15 décembre 2017 par lequel le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre ces arrêtés.
Sur la régularité du jugement :
2. La requérante soutient que le jugement serait entaché d'une irrégularité au motif que le tribunal n'aurait pas répondu aux moyens tirés du vice de procédure résultant du défaut d'interprète lors de l'entretien, et de la violation de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile lors de la notification de la décision d'assignation à résidence. Toutefois, il ressort de la lecture même du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas omis de répondre à ces moyens, régulièrement visés, en relevant que l'article 5 du règlement susvisé n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'a pas été méconnu et que les conditions de notification de la décision administrative d'assignation à résidence sont sans incidence sur sa légalité, laquelle s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise. La circonstance que le tribunal aurait entaché sa réponse d'une erreur de fait est sans incidence sur la régularité du jugement.
Sur la légalité de la décision de transfert :
3. En premier lieu, si l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 prévoit que les Etats membres veillent à ce que des informations sur les personnes ou entités susceptibles de fournir une assistance juridique à la personne concernée soient communiquées à la personne faisant l'objet d'une décision de transfert, et si l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que lorsque l'intéressée n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision de transfert lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, le respect de ces dispositions est sans incidence sur la légalité de la décision en cause dès lors qu'elles ne se rapportent qu'à sa notification. La circonstance que l'identité de l'interprète qui a transmis l'arrêté litigieux n'ait pas été mentionnée en méconnaissance de l'article L. 111-8 du même code et les doutes émis par l'intéressée quant à l'inscription de celui-ci sur l'une des listes prévues à l'article L. 111-9 du même code, ainsi que l'absence de précision sur la possibilité d'obtenir les services d'un avocat auprès de l'Ordre des avocats de Grenoble, n'ont pas davantage d'incidence sur la légalité de la décision litigieuse de transfert aux autorités portugaises.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ". Il résulte de ces dispositions que la décision de transfert d'un demandeur d'asile en vue de sa prise en charge par un autre Etat membre doit être suffisamment motivée afin de le mettre à même de critiquer l'application du critère de détermination de l'Etat responsable de sa demande et, ainsi, d'exercer le droit à un recours effectif garanti par les dispositions de l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
5. Il ressort de la lecture de l'arrêté litigieux que celui-ci vise le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et indique que les autorités portugaises, qui ont délivré à Mme A... un visa, se sont reconnues responsables en application du 4 de l'article 12 dudit règlement de l'examen de sa demande d'asile. L'arrêté précise que Mme A... se déclare célibataire et sans enfant et ne pas avoir de proche sur le territoire français. L'arrêté précise que compte tenu de ces éléments de fait, sa situation ne relève pas des dérogations prévues par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'intéressée n'établissant pas être dans l'impossibilité de rejoindre le Portugal, ni être exposée à un risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités portugaises. Ainsi, l'arrêté litigieux, qui mentionne les éléments de fait propres à la situation de la requérante à la date de la décision, ainsi que les considérations de droit pour lesquelles le préfet a décidé son transfert aux autorités portugaises, est suffisamment motivé en application des dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration étant inopérant à l'encontre d'une décision de transfert d'un demandeur d'asile.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 21 de ce même règlement : " 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. (...) 3. Dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2, la requête aux fins de prise en charge par un autre État membre est présentée à l'aide d'un formulaire type et comprend les éléments de preuve ou indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, et/ou les autres éléments pertinents tirés de la déclaration du demandeur qui permettent aux autorités de l'État membre requis de vérifier s'il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement. ".
7. Il ressort des pièces du dossier et notamment du courriel du 8 septembre 2017 émanant de la cellule française chargée du réseau de communication électronique DubliNet et adressé aux autorités portugaises, du formulaire de demande de prise en charge, puis du courriel du 9 novembre 2017 d'accord explicite des autorités portugaises, que celles-ci ont été effectivement saisies d'une demande de prise en charge de Mme A... comme Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile sur le fondement du paragraphe 4 de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013. Dès lors, contrairement à ce que soutient Mme A..., l'autorité administrative compétente établit avoir requis l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile avant l'expiration du délai prévu par les dispositions précitées du règlement applicable.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 4. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et en tout état de cause en temps utile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend.
9. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a déclaré comprendre le soussou et le diakhanké. Si l'ensemble des documents prévus par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement n° 604/2013 lui ont été remis dans leur version rédigée en français, langue officielle en République de Guinée, alors que l'intéressée n'a pas déclaré comprendre le français, il ressort, toutefois, des pièces du dossier que Mme A... était, lors de l'entretien individuel du 7 juillet 2017, assistée d'un interprète en langue diakhanké qui l'a informée dans cette langue des modalités du règlement n° 604/2013, notamment en ce qui concerne les délais et l'exécution d'office du transfert à la suite de l'accord des autorités portugaises. Elle a, en outre, disposé d'un délai raisonnable pour formuler ses observations avant le 8 septembre 2017, date à laquelle le préfet a requis les autorités portugaises pour sa prise en charge en application du règlement susvisé. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'elle soutient, la requérante s'est vue remettre le résumé de cet entretien. Elle ne démontre pas avoir sollicité la communication de son dossier de demande d'asile déposé en préfecture avant que la décision litigieuse de transfert n'intervienne. Elle n'a donc été privée d'aucune garantie, et n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article 4 de ce règlement auraient été méconnues.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : a) le demandeur a pris la fuite ; ou b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
11. L'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 n'impose pas que le résumé de l'entretien individuel mentionne l'identité et la qualité de l'agent qui l'a mené. Dès lors, l'agent qui établit ce résumé n'est pas tenu d'y faire figurer son prénom, son nom, sa qualité et son adresse administrative. Si la requérante soutient que l'agent n'avait pas qualité pour agir, elle n'apporte aucun élément susceptible de démontrer que l'agent de préfecture avec lequel l'entretien s'est déroulé n'était pas qualifié en vertu du droit national, conformément au règlement susvisé du 26 juin 2013. La requérante se borne à soutenir que le concours de l'interprète en langue diakhanké aurait été insuffisant sans préciser quelles informations pertinentes pour la détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile elle aurait été de ce fait empêchée de présenter utilement. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
12. En sixième lieu, aux termes de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsque, du fait d'une grossesse, d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l'assistance de son enfant, de ses frères ou soeurs, ou de son père ou de sa mère résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque son enfant, son frère ou sa soeur, ou son père ou sa mère, qui réside légalement dans un État membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les États membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demandeur et cet enfant, ce frère ou cette soeur, ou ce père ou cette mère, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit. / 2. Lorsque l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère visé au paragraphe 1 réside légalement dans un État membre autre que celui où se trouve le demandeur, l'État membre responsable est celui dans lequel l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère réside légalement, à moins que l'état de santé du demandeur ne l'empêche pendant un temps assez long de se rendre dans cet État membre. Dans un tel cas, l'État membre responsable est celui dans lequel le demandeur se trouve. Cet État membre n'est pas soumis à l'obligation de faire venir l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère sur son territoire. ".
13. Mme A... se prévaut de son état de grossesse à la date de la décision attaquée, sans toutefois établir être dépendante de l'assistance d'un proche résidant légalement en France ou de circonstances particulières qui rendraient indispensable sa présence à ses côtés sur le territoire français. Cette circonstance ne suffit donc pas pour considérer qu'elle relevait des dispositions précitées de l'article 16 du règlement. Par conséquent, le préfet de l'Isère, en décidant son transfert vers le Portugal, Etat responsable de sa demande d'asile, n'a pas méconnu ces dispositions, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
14. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par le 1. de l'article 17 du règlement n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
15. Pour justifier qu'il soit dérogé à l'application des dispositions du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 dans la détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile, Mme A... se prévaut de son état de grossesse et de sa relation avec un ressortissant guinéen résidant régulièrement sur le territoire français. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, la grossesse de Mme A... était récente, tout comme sa relation avec ce ressortissant guinéen, avec lequel aucune communauté de vie n'est établie. Par ailleurs, elle ne démontre, ni même n'allègue que son état de grossesse faisait obstacle à son transfert ou faisait peser sur elle des risques particuliers. Par conséquent la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Isère aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation en s'abstenant de mettre en oeuvre les clauses dérogatoires prévues par les dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
16. En septième lieu, il ressort des pièces du dossier que, suite au dépôt de sa demande d'asile, le préfet de l'Isère a remis à Mme A... une " attestation de demande d'asile procédure Dublin " l'autorisant à se maintenir sur le territoire français jusqu'à son transfert effectif, conformément à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors que Mme A... a présenté une demande d'asile le 27 juillet 2017, elle ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction en vigueur jusqu'au 1er novembre 2015 pour soutenir que le préfet était tenu de retirer la décision de refus d'admission provisoire au séjour en respectant la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000.
17. En huitième lieu, aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise. ".
18. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a produit en première instance les pièces relatives à la situation administrative de Mme A... dont il était en possession. Ainsi, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble aurait méconnu les dispositions précitées.
Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :
19. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de transfert aux autorités portugaises au soutien de sa demande tendant à l'annulation de la décision d'assignation à résidence.
20. En deuxième lieu, si l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 prévoit que les Etats membres veillent à ce que des informations sur les personnes ou entités susceptibles de fournir une assistance juridique à la personne concernée soient communiquées à la personne faisant l'objet d'une décision de transfert, et si l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que lorsque l'intéressée n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision de transfert lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, le respect de ces dispositions est sans incidence sur la légalité de la décision en cause dès lors qu'elles ne se rapportent qu'à sa notification. La circonstance que l'identité de l'interprète qui a transmis l'arrêté litigieux n'ait pas été mentionnée en méconnaissance de l'article L. 111-8 du même code et les doutes émis par l'intéressée quant à l'inscription de celui-ci sur l'une des listes prévues à l'article L. 111-9 du code même code, ainsi que l'absence de précision sur la possibilité d'obtenir les services d'un avocat auprès de l'Ordre des avocats de Grenoble, n'ont pas davantage d'incidence sur la légalité de la décision litigieuse de transfert.
21. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers assignés à résidence sur le fondement des articles L. 552-4 et L. 561-2 se voient remettre une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, sur les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, sur la possibilité de bénéficier d'une aide au retour ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 561-5 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une assignation à résidence en application de l'article L. 552-4 ou de l'article L. 561-2 est informé de ses droits et obligations par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou de gendarmerie. / Ce formulaire, dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre de l'intérieur, rappelle les droits et obligations des étrangers assignés à résidence pour la préparation de leur départ. Il mentionne notamment les coordonnées locales de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le droit de l'étranger de communiquer avec son consulat et les coordonnées de ce dernier, ainsi que le droit de l'étranger d'informer l'autorité administrative de tout élément nouveau dans sa situation personnelle susceptible d'intéresser sa situation administrative. Il rappelle les obligations résultant de l'obligation de quitter le territoire français et de l'assignation à résidence ainsi que les sanctions encourues par l'étranger en cas de manquement aux obligations de cette dernière. / Ce formulaire est traduit dans les langues les plus couramment utilisées désignées par un arrêté du ministre chargé de l'immigration ".
22. Il résulte des pièces du dossier que le formulaire relatif aux droits et obligations des étrangers assignés à résidence, remis à Mme A... le 11 décembre 2017, comportait les informations prescrites par les dispositions précitées. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions manque en fait.
23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions aux fins d'injonction et relatives aux frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique le 29 janvier 2019.
10
N° 18LY00906
gt