Par une requête enregistrée le 9 mars 2018, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 décembre 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du 20 mars 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme C... soutient que :
- la décision litigieuse est entachée d'insuffisance de motivation, de défaut d'examen particulier et d'erreur de droit, le préfet n'ayant pas examiné sa demande d'admission exceptionnelle sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais seulement sur le fondement du paragraphe 42 de l'accord franco-sénégalais et n'ayant pas mentionné les éléments qui l'ont notamment conduite à rejeter sa demande de carte de séjour mention " vie privée et familiale " et à considérer que sa demande ne pouvait être regardée comme relevant d'un motif exceptionnel ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu notamment de l'aide qu'elle apporte à sa mère dans la prise en charge des ses cinq frères et soeurs cadets dont l'une est handicapée et de ce qu'elle a donné naissance en France à deux enfants, aujourd'hui âgés de quatre et sept ans, issus de sa relation avec un ressortissant sénégalais qui réside régulièrement en Espagne mais exerce régulièrement un droit de visite ; elle a par ailleurs exercé une activité professionnelle lorsqu'elle a été titulaire d'un titre de séjour le lui permettant entre mars et novembre 2012 et ne conserve aucune attache au Sénégal, n'entretenant aucune relation avec ses deux frères qui y demeurent ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnait les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est insuffisamment motivée au regard de la situation particulière de ses enfants, dont le père réside en Espagne et exerce un droit de visite en France à chaque période de vacances scolaires, ce qu'il ne pourrait faire si ses enfants résidaient au Sénégal ; les enfants ont par ailleurs l'ensemble de leurs attaches familiales effectives en France, où sont installés leur grand-mère et leurs oncles et tantes, avec lesquels ils vivent depuis leur naissance ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et dans la mesure où elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les documents établis par la requérante sont postérieurs aux décisions en litige et sont, dès lors, sans incidence sur leur légalité et le bien-fondé du jugement attaqué, et s'en rapporte pour le surplus à ses écritures de première instance.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention signée le 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal, relative à la circulation et au séjour des personnes, publiée par le décret n° 2002-337 du 5 mars 2002 ;
- l'accord franco-sénégalais relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal, signé à Dakar le 23 septembre 2006, et l'avenant à cet accord, signé à Dakar le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B..., première conseillère,
- et les observations de Me D..., représentant Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., de nationalité sénégalaise, a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions en date du 20 mars 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Mme C... a sollicité le 3 août 2016, outre un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir sa vie privée et familiale.
3. Après avoir visé la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 et mentionné les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code, l'arrêté rappelle la date de l'entrée en France de Mme C... et, de façon détaillée, les conditions de son séjour en France, notamment l'existence de précédentes décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français. Le préfet a mentionné le fait que Mme C... est la mère de deux enfants nés en France en 2010 et en 2013, dont le père, de nationalité sénégalaise, réside en Espagne. La décision est ainsi suffisamment motivée en droit et en fait.
4. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ".
5. En ce qui concerne les ressortissants sénégalais, s'appliquent les stipulations de la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes ainsi que celles de l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, telles que modifiées par un avenant signé le 25 février 2008.
6. Aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : - soit la mention " salarié " s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; / - soit la mention " vie privée et familiale " s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ". L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inséré au sein d'une septième sous-section intitulée " l'admission exceptionnelle au séjour " de la deuxième section du chapitre III du titre Ier du livre III de la partie législative de ce code, dispose, en son premier alinéa, que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ".
7. Les stipulations du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 du code. Ces dispositions sont moins restrictives que les stipulations du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006 dès lors que, contrairement à ces dernières, elles ne subordonnent pas la possibilité d'une admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié à l'exercice d'un métier déterminé.
8. En l'espèce, l'arrêté attaqué cite les stipulations du paragraphe 42 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 dont le préfet du Rhône a entendu faire application. Mme C... n'ayant demandé sa régularisation à titre exceptionnel qu'en raison de sa vie privée et familiale, la circonstance que le préfet du Rhône n'ait pas mentionné les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont moins restrictives que l'accord précité s'agissant seulement de l'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, est sans incidence sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour. Ainsi, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet doit être écarté.
9. A l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour sur le fondement de sa vie privée et familiale, Mme C... soulève les mêmes moyens que ceux présentés en première instance, tirés de ce que cette décision méconnaitrait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990. Il ressort des pièces du dossier que ces moyens doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par les premiers juges et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ou pluriannuel et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; 5° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé ; (...) ".
11. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; 3° (Abrogé). 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; 5° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; 7° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; 8° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant étranger relevant du 2°, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage ; 9° L'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % ; 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; 11° Le ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l'article L. 122-1. ".
12. Pour contester l'obligation de quitter le territoire français litigieuse, Mme C... soutient, comme devant le tribunal administratif, que cette décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 du 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ces moyens doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par les premiers juges et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. A l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination Mme C... soulève les mêmes moyens que ceux présentés en première instance, tirés de ce que cette décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour et de celle l'obligeant à quitter le territoire français. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ces moyens doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par les premiers juges et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique le 29 janvier 2019.
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N° 18LY00971
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