Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 25 juin 2018, Mme C...A..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à défaut, dans le délai d'un mois et sous la même condition d'astreinte, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté ne lui a pas été régulièrement notifié dès lors que le préfet l'a adressé au CADA Le Cèdre 29, rue Alexandre Dumas à Grenoble alors qu'à l'occasion de sa demande de titre de séjour, elle l'avait informé de son changement d'adresse au 77, rue Abbé D...à Grenoble ;
- le délai de recours de trente jours mentionné dans l'arrêté contesté, prorogeable par la demande d'aide juridictionnelle, n'a pas couru, en l'absence de notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ;
- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle ;
- il a omis de consulter le médecin de l'agence régionale de santé dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-12 du même code ;
- l'arrêté n'est pas motivé ;
- les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;
- l'arrêté, en tant qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et la décision désignant le pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement.
La demande d'aide juridictionnelle de Mme C...A...a été rejetée par une décision du 23 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Michel ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C...A...relève appel de l'ordonnance du 22 mars 2018 par laquelle le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 mai 2017 du préfet de l'Isère portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi comme manifestement irrecevable au sens de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, pout tardiveté.
2. D'une part, pour rejeter la demande de Mme C...A...comme tardive, le magistrat désigné s'est fondé sur les dispositions du I bis de L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes desquelles : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. ". Toutefois, le préfet de l'Isère, qui a visé dans son arrêté le 3° de l'article L. 511-1 du même code, qui permet l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré, a examiné le droit au séjour de l'intéressée sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Aux termes du I. de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables à la requête de première instance de Mme C... A...: " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 (...) et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 (...) peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant (...) ". Aux termes du I. de l'article R. 776-2 du code de justice administrative, comme indiqué dans les mentions des voies et délais de recours de l'arrêté contesté : " (...) la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 (...) fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter (...) c) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 56 et de l'article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée (...) ".
4. Lorsque le demandeur de première instance a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, seuls le ministère public ou le bâtonnier ont vocation à contester, le cas échéant, cette décision, qui devient ainsi définitive, en l'absence de recours de leur part, à l'issue d'un délai de deux mois. Toutefois, en raison de l'objet même de l'aide juridictionnelle, qui est de faciliter l'exercice du droit à un recours juridictionnel effectif, les dispositions précitées de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 selon lesquelles le délai de recours contentieux recommence à courir soit à compter du jour où la décision du bureau d'aide juridictionnelle devient définitive, soit, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice, ne sauraient avoir pour effet de rendre ce délai opposable au demandeur tant que cette décision ne lui a pas été notifiée.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 16 mai 2017 a été notifié à Mme C...A...le 29 juin 2017. L'intéressée a présenté une demande d'aide juridictionnelle le 4 juillet 2017, date à laquelle le délai de trente jours n'était pas expiré. Elle a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juillet 2017 de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Grenoble. La preuve de la notification de cette décision à Mme C...A...n'est pas rapportée, faute pour le tribunal administratif de Grenoble de la lui avoir adressée par lettre recommandée avec accusé de réception. En l'absence d'une telle preuve, la tardiveté de la demande de Mme C...A...ne pouvait donc être regardée comme manifeste. Sa requête n'entrait dès lors pas dans le champ d'application du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Elle est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le magistrat du tribunal administratif de Grenoble l'a rejetée comme entachée d'une irrecevabilité manifeste. L'ordonnance attaquée, doit, par suite, être annulée.
6. Il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Grenoble pour qu'il soit à nouveau statué sur la demande de Mme C...A....
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1801306 du 22 mars 2018 du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Grenoble.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président assesseur,
M. Chassagne, premier conseiller.
Lu en audience publique le 31 janvier 2019.
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N° 18LY02340