Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 avril 2017, M. et MmeB..., représentés par MeC..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette réduction ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration a méconnu le 3ème alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales pour les années 2009, 2010 et 2011 ; M. B...ne peut être regardé comme ayant exercé une activité personnelle illicite ou occulte indépendante de celle de la société de fait B...-Bauduin et s'est borné à utiliser pour ses besoins personnels une partie des fonds perçus par la société ;
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales pour les années 2010 et 2011 ;
- le montant des sommes détournées au titre des années en litige est erroné.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par M. et Mme B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chollet,
- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., qui exerçait une activité d'huissier de justice et d'administrateur de biens durant les années 2005 à 2011, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2010 et 2011. Exerçant le droit de communication prévu aux articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, le vérificateur a relevé que M. B...avait, à partir de 2005, détourné à son profit une partie des fonds des clients de la société B...-Bauduin. Il a imposé le montant de ces détournements dans la catégorie des bénéfices non commerciaux suivant la procédure d'évaluation d'office prévue au 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, l'administration a, dans le cadre d'un contrôle sur pièces, également rectifié les bases afférentes aux revenus des années 2005 à 2009 en faisant application de la prescription de dix ans prévue à l'alinéa 3 de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 8 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 à 2011.
Sur l'exercice d'une activité occulte :
2. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. / (...) ".
3. Il résulte de l'instruction qu'à partir de 2005, M. B...a profité de ses fonctions d'administrateur de biens à Molay-Litry (Calvados) pour détourner à son profit une partie des fonds des clients de la société B...-Bauduin dont il était associé et a masqué ces détournements en comptabilité par la création de comptes fictifs censés être ouverts dans deux établissements bancaires sur lesquels les fonds détournés étaient mentionnés tout en établissant de fausses attestations de situation de compte. Ces détournements de fonds, agissements pour lesquels M. B...a été condamné par le tribunal correctionnel de Caen le 24 janvier 2013, condamnation confirmée tant par la Cour d'appel de Caen le 10 février 2014 que par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 11 mars 2015, ont été à bon droit, contrairement à ce que soutiennent les requérants, regardés par l'administration comme une source de profits personnels légalement taxables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
Sur la régularité de la procédure d'imposition pour les années 2010 et 2011 :
4. Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : / (...) / 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; / (...) ". Aux termes de l'article 97 du code général des impôts : " Les contribuables soumis obligatoirement ou sur option au régime de la déclaration contrôlée sont tenus de souscrire chaque année, dans des conditions et délais prévus aux articles 172 et 175, une déclaration dont le contenu est fixé par décret. ". En vertu de l'article 102 ter du code général des impôts dans ses rédactions applicables successives, le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux d'un montant annuel, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'activité au cours de l'année civile, n'excédant pas 32 100 euros hors taxe pour l'année 2010 et 32 600 euros hors taxe pour l'année 2011, est égal au montant brut des recettes annuelles diminué d'une réfaction forfaitaire de 34 % avec un minimum de 305 euros. Toutefois, en vertu du d du 6 de cet article sont exclus de ce régime les contribuables qui exercent une activité occulte au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.
5. Il n'est pas sérieusement contesté que M. et Mme B...n'ont pas établi, en méconnaissance de l'article 97 du code général des impôts, de déclaration des bénéfices non commerciaux résultant de l'activité occulte de M. B...de détournement de fonds. Par suite, l'administration était fondée à évaluer d'office les profits issus de ces détounements sur le fondement du 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la prescription du droit de reprise pour l'année 2009 :
6. Aux termes de l'article 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / (...) / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. / (...) "
7. Comme il a été indiqué au point 3 du présent arrêt, M. B...a exercé, au cours des années 2009, 2010 et 2011, une activité illicite de détournement de fonds. En outre, il n'est pas sérieusement contesté qu'il n'a pas déposé dans le délai légal de déclaration de bénéfices non commerciaux. Est donc sans incidence à cet égard la circonstance, à la supposer établie, que la société de fait B...-Bauduin a déclaré le montant des fonds détournés et comptabilisés dans ses écritures. Dans ces conditions, l'administration a pu, sur le fondement du troisième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, faire usage du délai de reprise qui lui était ouvert par ces dispositions pour rectifier, en 2013, le montant des bénéfices non commerciaux dont M. B... était redevable au titre de l'année 2009.
En ce qui concerne le montant des bénéfices non commerciaux :
8. Les bénéfices non commerciaux tirés par M. B...de son activité occulte de détournement de fonds ayant été régulièrement évalués d'office, les requérants supportent, en application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des impositions mises à leur charge.
9. Il est constant que les espèces détournées ont été remises pour partie sur les comptes bancaires privés de M. et Mme B...et pour partie utilisées directement pour les dépenses du couple. L'administration a déterminé le montant des sommes imposables dans la catégorie des revenus non commerciaux par différence entre les soldes des comptes bancaires fictifs existant au début et à la fin de chaque année tels qu'ils apparaissent dans la comptabilité de la société de fait B...-Bauduin et a corroboré les montants ainsi établis par les procès-verbaux obtenus dans le cadre de l'exercice de son droit de communication.
10. En premier lieu, les requérants soutiennent que l'administration n'a ainsi pas justifié des montants réellement appréhendés par M.B.... Ils admettent que, pour les années 2008, 2009 et 2010, les sommes retenues sont inférieures aux montants appréhendés. Ils demandent cependant à être imposés sur les sommes comptabilisées au titre de chaque année concernée au crédit du compte caisse du grand livre de la société de fait B...-Bauduin et au débit du compte fictif du Crédit Mutuel, soit pour les sommes de 75 000 euros au titre de l'année 2005, 212 343 euros au titre de l'année 2006, 28 900 euros au titre de l'année 2007 et 33 950 euros au titre de l'année 2011. Toutefois, il n'est pas sérieusement contesté que M. B...a reconnu, lors de la procédure judiciaire, que les détournements de fonds ont été masqués en comptabilité par la création de deux comptes fictifs censés être ouverts auprès de deux établissements bancaires, le Crédit Mutuel et le Crédit Maritime. Il résulte de l'instruction que ce fait a été confirmé, au cours de la séance de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 17 avril 2014, par M. B...qui, en outre, n'a pas contesté le montant des sommes imposées pour les années 2005 et 2006. Dès lors, les requérants ne justifient pas que le compte fictif du Crédit Maritime n'a jamais été utilisé pour comptabiliser des espèces détournées mais uniquement pour justifier de la représentation des fonds clients, contrairement à ce qu'ils soutiennent. Par ailleurs, ils ne justifient pas non plus de manière probante leurs allégations par la production de divers tableaux intitulés " Espèces -grand-livre " pour les années 2005, 2006, 2007 et 2011 dès lors notamment que certains versements mentionnés dans le compte fictif du Crédit Mutuel ne figurent pas dans ces tableaux, ni par la production d'extraits du " Grand livre Comptable " de la société de fait Chevrau-Bauduin pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2011 et de listes des mouvements d'un compte ouvert au nom de M. et Mme B...pour les années 2005 à 2011 alors qu'une partie des espèces détournées n'a pas transité par leur compte bancaire.
11. En second lieu, si les requérants demandent que soient pris en compte divers remboursements de sommes détournées qui seraient intervenus au cours des années 2007, 2008, 2009 et 2011, ils n'apportent aucun élément à l'appui de leurs allégations.
12. Il résulte des points 8 à 11 du présent arrêt que M. et Mme B...n'apportent pas la preuve du caractère exagéré des impositions mises à leur charge.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande. Leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de M. et Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 janvier 2019.
Le rapporteur,
L. CholletLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No17NT01108