Par une requête enregistrée le 30 juillet 2015 et un mémoire, enregistré le 7 février 2017, la SAS Faurie Moulins, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement en date du 10 juin 2015 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il rejette le surplus de sa demande tendant à la décharge des amendes litigieuses restant à sa charge ;
2°) de lui accorder la décharge intégrale des amendes contestées restant à sa charge au titre des mois d'avril, juin, septembre, octobre, novembre et décembre de l'année 2010 et au titre des mois de février, mars, avril, août, octobre, novembre et décembre de l'année 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
La société soutient que :
- dès lors que le fait générateur de l'amende appliquée sur fondement des articles 1788 A 1 et 1788 A 2 du code général des impôts est le défaut de déclaration mensuelle, et que l'amende établie au titre d'une année résulte de la somme des amendes correspondant à chaque déclaration mensuelle omise, le caractère disproportionné de l'amende doit s'apprécier par rapport au montant des livraisons intracommunautaires facturées pour chaque déclaration d'échange de services ayant donné lieu à l'amende ;
- en revanche, il n'y a pas lieu de tenir compte pour apprécier cette disproportion du dégrèvement gracieux de 50 % du montant des amendes accordé par l'administration fiscale ;
- en retenant le montant de l'amende avant le dégrèvement, ce montant dépasse le seuil de 20 % pour les mois d'avril, juin, septembre, octobre, novembre et décembre de l'année 2010 et pour les mois de février mars, avril, août, octobre, novembre et décembre de l'année 2011 ; s'il est néanmoins tenu compte du dégrèvement gracieux de 50 %, les mois pour lesquels le taux dépasse le seuil de 20 % sont les mois d'avril, juin et septembre 2010, et août, octobre et novembre 2011 ; les amendes appliquées sur le fondement des articles 1788 A 1 et 1788 A 2 du code général des impôts sont hors de proportion avec les infractions constatées ;
- le juge de l'impôt a le pouvoir d'apprécier le caractère disproportionné de l'amende au regard de la gravité de l'infraction commise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête ;
Il expose qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (CE) n° 1798/2003 du Conseil du 7 octobre 2003 concernant la coopération administrative dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- le règlement (CE) n° 638/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 abrogeant le règlement (CEE) n° 3330/91 du Conseil ;
- la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- la directive 2008/117/CE du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, afin de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautaires ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2002-612 du 26 avril 2002 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public ;
1. Considérant que la SAS Faurie Moulins, qui exerce l'activité de concessionnaire de véhicules poids-lourds, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ; que lors du contrôle le vérificateur a constaté que sur la période couvrant les années 2010 et 2011, la société n'avait pas souscrit la déclaration européenne des services (DES) prévue au III de l'article 289 B du code général des impôts, alors même qu'elle effectuait sur des camions immatriculés dans l'Union européenne, des réparations qu'elle facturait à la société belge " Volvo group Belgium NV Renault Trucks 24/24 ", réglées par cette dernière ; qu'en application des dispositions du 1. et du 2. de l'article 1788 A du code général des impôts, l'administration fiscale lui a infligé, d'une part, l'amende forfaitaire de 750 euros à raison de chacune des vingt-quatre déclarations mensuelles que la société aurait dû déposer au titre de la période couverte par ces deux années, et d'autre part, l'amende forfaitaire de 15 euros à raison de chacun des éléments manquants pour chacune de ces déclarations, soit un total de 60 euros par déclaration ; que l'administration fiscale a notifié à la SAS Faurie Moulins un montant total annuel d'amendes de 9 720 euros à raison de chacune des deux années par lettre du 6 mars 2013, amendes confirmées par lettre du 15 avril 2013, et mises en recouvrement par avis du 17 juin 2013 ; que l'administration fiscale ayant rejeté par décision du 4 octobre 2013 sa réclamation contentieuse du 11 juillet 2013, la SAS Faurie Moulins a porté le litige devant le juge de l'impôt ; que suite à une médiation, l'administration fiscale a prononcé en cours d'instance, par une décision du 8 novembre 2013, la remise gracieuse de la moitié des amendes appliquées au titre de la période litigieuse, pour un montant de 9 720 euros ; que par le jugement attaqué du 10 juin 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand après avoir prononcé un non-lieu à hauteur de la somme dégrevée, a déchargé la société de l'obligation de payer une somme de 765 euros correspondant aux amendes qui lui avaient été assignées au titre des mois d'août 2010 et mai 2011, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que, par la présente requête, la SAS Faurie Moulins relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des amendes restées à sa charge au titre des mois d'avril, juin, septembre, octobre, novembre et décembre de l'année 2010 et au titre des mois de février, mars, avril, août, octobre, novembre et décembre de l'année 2011 ;
Sur les amendes :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 289 B du code général des impôts : " I. Tout assujetti identifié à la taxe sur la valeur ajoutée doit déposer, dans un délai et selon des modalités fixés par décret, un état récapitulatif des clients, avec leur numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée, auxquels il a livré des biens dans les conditions prévues au I de l'article 262 ter et un état récapitulatif des clients auxquels il a fourni des services pour lesquels le preneur est redevable de la taxe dans un autre Etat membre de la Communauté européenne en application de l'article 196 de la directive 2006/112/ CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.(...) III.-Dans l'état récapitulatif relatif aux prestations de services doivent figurer : 1° Le numéro d'identification sous lequel l'assujetti a effectué ces prestations de services ; 2° Le numéro par lequel chaque client est identifié à la taxe sur la valeur ajoutée dans l'Etat membre où les services lui ont été fournis ; 3° Pour chaque preneur, le montant total des prestations de services effectuées par l'assujetti. Ces montants sont déclarés au titre du mois au cours duquel la taxe est devenue exigible dans l'autre Etat membre ; 4° Le montant des régularisations effectuées en application du 1 de l'article 272. Ces montants sont déclarés au titre du mois au cours duquel la régularisation est notifiée au preneur. " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 289 C du code général des impôts : " 1. Les échanges de biens entre Etats membres de la Communauté européenne font l'objet de la déclaration périodique, prévue à l'article 5 du règlement (CE) n° 638/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004. 2. L'état récapitulatif des clients mentionné au II de l'article 289 B et la déclaration statistique périodique prévue au 1 font l'objet d'une déclaration unique. (...) 4. Les documents nécessaires à l'établissement de la déclaration prévue au 2 doivent être conservés par les assujettis pendant un délai de six ans à compter de la date de l'opération faisant l'objet de cette déclaration. (...) " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 1788 A du code général des impôts : " 1. Entraîne l'application d'une amende de 750 euros : a. Le défaut de production dans les délais des déclarations prévues aux articles 289 B et 289 C. L'amende est portée à 1 500 euros à défaut de production de la déclaration dans les trente jours d'une mise en demeure ; (...). 2. Entraîne l'application d'une amende de 15 euros : a. Chaque omission ou inexactitude relevée dans les déclarations prévues aux articles 289 B et 289 C ; cette amende est plafonnée à 1 500 euros ; (...) " ; que les dispositions du 1. et du 2. de l'article 1788 A précitées instituent une amende forfaitaire en cas de défaut de production dans les délais des déclarations d'échange de services d'une part et une amende à raison de chaque omission ou inexactitude relevée dans ces déclarations, d'autre part ;
5. Considérant qu'aux termes du § 1. de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...)" ;
6. Considérant que l'objectif des amendes prévues au 1. et 2. de l'article 1788 A est d'inciter les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée à s'acquitter avec exactitude de leurs obligations déclaratives, afin de permettre le bon fonctionnement des procédures d'échanges d'informations entre les administrations fiscales des Etats membres de l'Union européenne, prévues par le système communautaire de taxe sur la valeur ajoutée, par des moyens n'impliquant aucun contrôle aux frontières internes ; que ces amendes présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent et constituent, même si le législateur a laissé le soin de les prononcer à l'autorité administrative, des " accusations en matière pénale " au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont les stipulations sont applicables en cas de contestation devant les juridictions compétentes ; que, toutefois, le respect des stipulations de l'article 6 §1 de cette convention n'implique pas que le juge de l'impôt module le montant des amendes prononcées ;
7. Considérant que le principe de proportionnalité des peines n'exclut pas l'institution d'une amende forfaitaire dès lors que son montant, déterminé par le législateur, est en lien avec l'agissement qu'elle réprime ; que le caractère proportionné d'une amende s'apprécie au regard de la gravité du manquement et non au regard du montant des transactions concernées par les omissions déclaratives ;
8. Considérant que les amendes forfaitaires prévues au 1. et au 2. de l'article 1788 A du code général des impôts, instituées par le législateur appliquées en cas de non respect par un opérateur économique de ses obligations déclaratives, ne sont pas, en elles-mêmes, disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi qui est, ainsi qu'il a été dit, de garantir le bon fonctionnement du système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et des procédures d'échanges d'informations entre les administrations fiscales des Etats membres ; que l'amende prévue au 1. de cet article, d'un montant de sept cent cinquante euros n'est pas disproportionnée au regard de l'agissement qu'elle sanctionne ; que l'amende prévue au 2. de cet article d'un montant de quinze euros à raison de chacune des omissions relevées, est plafonnée à mille cinq cents euros ; qu'il ne résulte pas de ces dispositions que le montant de l'amende forfaitaire prononcé en cas d'omission de déclaration doive être proportionné au montant de la taxe sur la valeur ajoutée devant figurer dans la déclaration d'échange de services omise, ni au montant des livraisons intracommunautaires pour lesquelles la société n'a pas respecté ses obligations déclaratives ;
9. Considérant que le juge de l'impôt, saisi de conclusions dirigées contre des amendes appliquées sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1788 A du code général des impôts, exerce un plein contrôle sur les faits et la qualification retenue par l'administration, et décide, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir l'amende effectivement encourue pour son montant prévu par la loi, sans pouvoir moduler celui-ci pour tenir compte de la gravité de la faute commise par le contribuable, soit d'en prononcer la décharge et de ne laisser à la charge du contribuable que les intérêts de retard ;
10. Considérant que les amendes litigieuses prononcées par l'administration fiscale à l'encontre de la SAS Faurie Moulins sur le fondement des dispositions précitées des 1. et 2. de l'article 1788 A précité du code général des impôts visent à sanctionner la méconnaissance par cette société de ses obligations instituées par les articles 289 B et 289 C du code général des impôts et le règlement (CE) n° 638/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, à raison du non dépôt des déclarations périodiques d'échange de prestations de service récapitulant les prestations intracommunautaires réalisées par elle au cours des mois de février à décembre 2010 et de l'ensemble de l'année 2011 ; que la SAS Faurie Moulins ne conteste pas la réalité des manquements, mais soutient que le montant des amendes infligées rapporté au montant des transactions concernées présente un caractère disproportionné au regard des infractions constatées et que cette disproportion doit être appréciée pour chaque déclaration d'échange de services ayant donné lieu à amendes en comparaison du montant des livraisons intracommunautaires facturées au cours dudit mois, sans qu'il soit tenu compte du dégrèvement gracieux de la moitié du montant des amendes prononcé par l'administration fiscale postérieurement à l'ouverture de la procédure contentieuse ; que, toutefois, en l'absence de contestation de la réalité des omissions déclaratives constatées, l'administration fiscale a pu à bon droit faire application des dispositions précitées ; qu'il n'appartient pas au juge de l'impôt de tenir compte du montant des livraisons intra-communautaires non déclarées pour apprécier le caractère proportionné des amendes appliquées, mais seulement de la réalité des omissions de déclaration ; qu'en l'espèce le bien-fondé des amendes infligées résulte de la gravité des manquements et le montant cumulé de ces amendes procède de la réitération des infractions par la société requérante sur l'ensemble de la période contrôlée ; que, par suite, les amendes prononcées par l'administration fiscale ne présentent pas un caractère disproportionné au regard de la gravité des manquements ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Faurie Moulins n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté le surplus de sa demande ; que, par vie de conséquence ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Faurie Moulins est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à SAS Faurie Moulins et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2017, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 août 2017.
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N° 15LY02668