Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 décembre 2015, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 septembre 2015 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de lui délivrer, dans le même délai et sous la même astreinte, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation dans un délai de deux mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre infiniment subsidiaire, de lui délivrer une assignation à résidence ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
S'agissant du refus de délivrance de titre de séjour :
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 9 de la convention franco-gabonaise ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation de sa poursuite d'études et n'est pas conforme aux termes de la circulaire interministérielle du 26 mars 2002 et de la circulaire du 7 octobre 2008 ;
- la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'illégalité compte tenu de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée d'illégalité compte tenu de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2017, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le requérant n'expose pas de moyens et d'éléments nouveaux susceptibles d'avoir une incidence sur la légalité de la décision en date du 3 février 2015 et sur l'appréciation souveraine des juges de première instance et qu'il s'en rapporte à ses écritures de première instance ; qu'il informe la cour qu'il a été accordé à l'appelant un titre de séjour en tant que parent d'enfant français valable un an et valide à compter du 8 août 2016.
Par lettre du 21 juin 2017, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du non lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation des décisions du 3 février 2015 obligeant M. B... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 26 juin 2017, M. B... conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.
Il soutient qu'aucun non-lieu à statuer ne saurait être prononcé compte tenu des conséquences des décisions attaquées qui l'ont maintenu dans une situation irrégulière de février 2015 à août 2016 et à l'origine de la perte de l'emploi qu'il exerçait à titre accessoire en qualité d'étudiant et qui ont eu des répercutions sur le quotidien de son couple ; qu'il a en outre dû acquitter les frais d'avocat en première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Paris le 2 décembre 1992, approuvée par la loi n° 94-531 du 28 juin 1994 et publiée par le décret n° 2003-963 du 3 octobre 2003 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller ;
1. Considérant que M. C... B..., né en 1986, de nationalité gabonaise, est entré en France le 6 octobre 2006, sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " ; qu'il a bénéficié en cette qualité d'un titre de séjour, régulièrement renouvelé ; que, le 25 septembre 2014, l'intéressé a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour, qui a fait l'objet d'un refus de la part du préfet du Rhône en date du 3 février 2015, assorti d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de renvoi ; que par le jugement attaqué du 15 septembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ; que par la présente requête M. B... relève appel de ce jugement :
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant qu'en défense le préfet du Rhône a informé la cour qu'il avait été attribué un titre de séjour valable un an à M. B... en qualité de parent d'enfant français ; que, par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur ses conclusions à fin d'annulation des décisions du 3 février 2015 par lesquelles le préfet l'a obligé à quitter le territoire français en fixant le pays de destination, qui ont été implicitement abrogées par la délivrance d'un titre de séjour ;
Sur le surplus des conclusions de la requête :
3. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que ce code s'applique : " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes de l'article 12 de la convention conclue le 2 décembre 1992 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République gabonaise, relative à la circulation et au séjour des personnes : " Les dispositions de la présente convention ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux Parties contractantes sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la convention. " ; qu'aux termes de l'article 9 de ladite convention : " Les ressortissants de chacune des Parties contractantes désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant". (...) / II. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte mentionnée au I est accordée de plein droit : / (...) 5° A l'étranger ressortissant d'un pays ayant signé avec la France un accord de réciprocité relatif à l'admission au séjour des étudiants (...) " ; que, pour l'application des stipulations de la convention franco-gabonaise dont l'objet et la portée sont équivalentes à celles des dispositions de l'article L. 313-7 précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'administration, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour présentée en qualité d'étudiant, de rechercher, à partir de l'ensemble des pièces du dossier et sous le contrôle du juge, si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement des études sur le territoire français et d'apprécier la réalité et le sérieux des études poursuivies ;
4. Considérant que pour rejeter la demande de renouvellement du titre de séjour en qualité d'étudiant de M. B..., le préfet du Rhône s'est fondé sur les motifs tirés de l'absence de progression dans ses études et de l'absence de nécessité pour l'intéressé de résider sur le territoire français dès lors qu'il était inscrit à un enseignement de langue à distance ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B..., après avoir obtenu un master bac+5, a présenté, au soutien de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, un certificat de scolarité délivré le 15 janvier 2015 par l'établissement éducatel afin de suivre un enseignement élémentaire à distance en anglais ; qu'eu égard aux modalités de cet enseignement élémentaire, dispensé à distance, et en l'absence de production d'élément nouveau par l'intéressé au soutien de ses conclusions aux fins d'annulation de la décision du préfet du Rhône refusant de renouveler son titre de séjour en qualité d'étudiant, il y a lieu pour la cour, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter les moyens de M. B... tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 9 de la convention franco-gabonaise susvisée et de l'erreur d'appréciation ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
6. Considérant que M. B...est entré en France en octobre 2006, à l'âge de vingt ans, sous couvert d'un visa étudiant pour y poursuivre des études ; qu'il a donc vécu l'essentiel de son existence dans son pays d'origine, où il conserve nécessairement des attaches familiales et amicales fortes ; qu'ainsi, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Rhône aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que par suite, en décidant de refuser son admission au séjour, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant au remboursement des frais d'instance non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre les décisions du 3 février 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2017, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 août 2017.
N°15LY04108 2