Par une requête enregistrée le 6 août 2019, M. G... et Mme H... épouse G..., représentés par Me F..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 mai 2019 et l'arrêté de du préfet de la Côte-d'Or du 17 septembre 2018 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de délivrer à M. G... une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros qui sera versée à Me F... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision est entachée d'un vice de procédure, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il remplit entre dans le champ d'application de l'article L. 313-11 7° du même code ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le délai de départ volontaire et la décision fixant le pays de destination encourent également l'annulation en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2020, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Il soutient que l'ensemble des moyens doit être écarté.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'accord franco marocain ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. G..., ressortissant marocain, né en 1976, après avoir fait l'objet d'un premier refus de titre de séjour en octobre 2014, a formé une nouvelle demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le 29 février 2016. M. G... et Mme H... relèvent appel du jugement du 7 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du 17 septembre 2018 du préfet de la Côte-d'Or refusant de délivrer le titre de séjour sollicité par M. G... et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. G..., qui entre dans la catégorie des étrangers pour lesquels le bénéfice du regroupement familial peut être demandé, est titulaire, depuis 2013, d'un titre de séjour longue durée délivré par les autorités espagnoles, renouvelé et valable jusqu'en 2023, lui permettant de circuler régulièrement sur le territoire français où il s'est marié avec Mme H..., sa compatriote, en 2015 et où sont nés en 2011, 2013 et 2016 et scolarisés les trois enfants du couple. M. G..., soutient qu'il est entré en France en 2008, qu'il a toujours vécu auprès de son épouse qui, résidant en France depuis de nombreuses années, a vocation à y demeurer, et de ses trois enfants. Il expose que les allers-retours qu'il effectue entre la France et l'Espagne sont justifiés par le travail qu'il a trouvé dans ce pays. Il résulte toutefois des indications non contredites du préfet de la Côte-d'Or que M. G... est gérant d'une entreprise à proximité de Barcelone et que la carte de séjour longue durée dont il bénéficie suppose qu'il remplissait la condition d'un séjour continu en Espagne de cinq années lorsqu'elle lui a été délivrée par les autorités de ce pays. Le préfet de la Côte-d'Or indique également, sans être contredit, que le dernier des enfants du couple a été reconnu en 2018 par M. G... deux ans après sa naissance, et que ce dernier et son épouse ont vécu séparés pendant une période d'au moins quatre mois, en 2017. Il appartient, dans ces circonstances, à M. G... d'établir que sa vie privée et familiale est essentiellement située en France auprès de Mme H... et de ses trois enfants. Si les pièces produites, telles quelques factures ou relevés bancaires et les attestations, au demeurant peu circonstanciées sur les périodes de sa présence en France, permettent de constater que M. G... dispose de la même adresse que son épouse en France, elle ne permettent pas, compte tenu des circonstances qui viennent d'être rappelées, de tenir pour établies ni sa présence, pour l'essentiel du temps, sur le territoire français, ni une communauté de vie avec son épouse à la date de la décision attaquée. M. G... ne produit par ailleurs aucun élément de nature à constater que, par la durée de son séjour et ses attaches sur le sol français, son épouse a vocation à y demeurer durablement et ne pourrait, dès lors, le rejoindre en Espagne ou au Maroc.
4. Aux termes du 1. de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
5. Ainsi que l'a relevé à bon droit le tribunal administratif de Dijon, le refus de titre de séjour opposé à M. G... n'a pas, par lui-même, pour effet de priver ses enfants de sa présence dès lors que son titre de séjour espagnol l'autorise à circuler et séjourner sur le territoire français. Compte tenu des circonstances rappelées au point 3 du présent arrêt, la seule production de certificats de scolarité des enfants du couple et des quelques photographies prises le même jour de M. G... en compagnie de deux de ses enfants ne permettent pas d'établir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Côte-d'Or a méconnu l'intérêt supérieur des enfants de M. G... en raison des liens intenses qu'il entretiendrait avec ces derniers.
6. Il résulte ce qui précède que les moyens tirés de ce que la décision refusant de délivrer à M. G... un titre de séjour méconnaît les dispositions et stipulations citées ci-dessus doivent être écartés.
7. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ou stipulations. M. G... n'étant pas fondé, ainsi qu'il vient d'être dit, à se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions du 7 ° de cet article, le préfet de la Côte-d'Or n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour. Ainsi, le moyen tiré de ce vice de procédure doit être écarté.
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 2 à 6 du présent arrêt, M. G... n'est pas non plus fondé à soutenir que l'obligation qui lui est faite, par le même arrêté litigieux, de quitter le territoire français méconnaît ces mêmes dispositions et stipulations, ni qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. Les moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français étant écartés, M. G... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de ses conclusions dirigées contre la durée du délai qui lui est accordé pour quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et sur les frais non compris dans les dépens :
11. Les conclusions à fin d'annulation de M. G... devant être rejetées, doivent l'être également, d'une part, ses conclusions à fin d'injonction, puisque la présente décision n'appelle ainsi aucune mesure d'exécution, et d'autre part, celles tendant à l'allocation de frais d'instance, ces dispositions faisant obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. G... et de Mme H... épouse G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... G..., à Mme B... H... épouse G... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme E... A..., présidente de chambre,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Mme D... I..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2020.
No 19LY031152