Par une ordonnance n°2007671 du 2 novembre 2020, la magistrate déléguée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande pour tardiveté.
Par une requête enregistrée sous le n°2009364, M. E... a demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) d'annuler les décisions du 24 décembre 2020 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé un pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans ;
2°) d'annuler la décision du 24 décembre 2020 par laquelle le préfet du Rhône a abrogé sa décision du 26 octobre 2020 portant obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour en France pour une durée de trois ans ;
3°) d'annuler l'arrêté rectificatif du placement en rétention administrative pris par le préfet du Rhône le 24 décembre 2020 ;
4°) d'ordonner sa remise en liberté ;
5°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois.
Par un jugement n°2009364 du 31 décembre 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
I - Par une requête enregistrée le 2 novembre 2020 sous le n° 20LY03168, M. E..., représenté par la SCP Couderc-Zouine, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 2 novembre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du 26 octobre 2020 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a désigné un pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de le munir sans délai d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
M. E... soutient que :
- sa requête déposée le 28 octobre à 17h35 devant le tribunal administratif de Lyon était recevable et que l'ordonnance devra être annulée en ce qu'elle a déclaré le recours tardif ;
- si la cour décidait d'évoquer l'affaire, après avoir joint à sa requête ses conclusions de première instance, elle devra annuler les décisions préfectorales en litige.
Le préfet du Rhône, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.
Par décision du 12 mai 2021, le bureau de l'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle de M. E.... Le recours de M. E... contre cette décision a été rejeté par une ordonnance du président de la cour le 21 janvier 2022.
II- Par une requête enregistrée le 4 février 2021 sous le n° 21LY00367, M. E..., représenté par la SCP Couderc-Zouine, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du 24 décembre 2020 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a désigné un pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;
3°) d'annuler la décision du 24 décembre 2020 par laquelle le préfet du Rhône a abrogé sa décision du 26 octobre 2020 portant obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour en France pour une durée de trois ans ;
4°) d'annuler l'arrêté rectificatif du placement en rétention administrative pris par le préfet du Rhône le 24 décembre 2020 ;
5°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de le munir sans délai d'une autorisation provisoire de séjour ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
M. E... soutient que :
En ce qui concerne le moyen commun aux trois arrêtés contestés :
- ils procèdent d'un détournement de procédure et d'un détournement de pouvoir puisqu'il est constant que l'abrogation de l'arrêté du 26 octobre 2020, suivie de la prise d'une nouvelle décision, n'avait pour seul objet que de faire échec au sursis à exécution ordonné par la cour administrative d'appel de Lyon le 17 décembre 2020 ;
- le jugement doit être annulé, dès lors que le tribunal administratif a rejeté cette demande après avoir écarté sa compétence pour connaitre de la légalité de la mesure de placement en rétention, alors qu'il a justement demandé au tribunal de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité en tant que la loi incriminée lui retirait cette compétence ;
En ce qui concerne la décision l'obligeant à quitter le territoire français :
- la décision n'ayant pas été signée par le préfet, elle doit être annulée en ce qu'elle est entachée d'un vice d'incompétence ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et d'un défaut de motivation ;
- la procédure est irrégulière, dès lors d'une part, que la préfecture du Rhône a été avisée de la gravité de son état de santé et de son évolution depuis la précédente mesure d'éloignement, puisque c'est l'administration qui a sollicité, à deux reprises, son hospitalisation sous contrainte, d'autre part, qu'il convenait de communiquer les informations médicales au collège des médecins de l'OFII afin qu'ils examinent l'opportunité de prendre une obligation de quitter le territoire français ;
- son droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision d'éloignement a été méconnu ;
- son état de santé nécessite une prise en charge médicale ;
- la décision, qui méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision portant le délai de départ à trente jours :
-elle est illégale par exception d'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et lui refusant le séjour en France ;
-elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
-elle est illégale par exception d'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et lui refusant le séjour en France ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés et elle disproportionnée.
Le préfet du Rhône, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.
Par décision du 12 mai 2021, le bureau de l'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle de M. E.... Le recours de M. E... contre cette décision a été rejeté par une ordonnance du président de la cour le 21 janvier 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Fédi, président-assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant marocain, né le 21 septembre 1989, est entré en France le 17 juillet 2013 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa court séjour. Par un arrêté du 2 novembre 2015, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Alors qu'il s'est maintenu sur le territoire, le préfet du Rhône, par arrêté du 24 octobre 2017, lui a, de nouveau, fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a assorti cette mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur le territoire d'un an. Interpellé le 26 octobre 2020 pour être entendu pour des faits de viol commis sur une personne en situation de précarité économique ou sociale et offre ou cession non autorisée de stupéfiants, M. E... a fait l'objet, à la suite de son audition en garde à vue, d'un arrêté du préfet du Rhône, du même jour, portant obligation de quitter le territoire français sans délai assorti d'une interdiction de retour en France pour une durée de trois ans. Il a été placé, par arrêté du préfet du Rhône du même jour, au centre de rétention de Lyon Saint Exupéry. Par ordonnances des 29 octobre, 25 novembre et 25 décembre 2020, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation de la rétention de M. E.... Par ordonnance du 17 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Lyon a sursis à l'exécution de la mesure d'éloignement du 26 octobre 2020 jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête formée par M. E..., enregistrée sous le n°20LY03168. Par deux arrêtés du 24 décembre 2020, le préfet du Rhône d'une part, a abrogé son arrêté du 26 octobre 2020 portant obligation de quitter le territoire français sans délai assorti d'une interdiction de retour sur le territoire, d'autre part, a pris un nouvel arrêté ayant les mêmes objets que celui du 26 octobre 2020. Tirant les conséquences de l'abrogation de la mesure d'éloignement et de l'édiction d'une nouvelle mesure, le préfet du Rhône a également adopté le 24 décembre 2020 un " arrêté rectificatif de placement en rétention ". Par la requête enregistrée sous le n°20LY03168, M. E... relève appel de l'ordonnance du tribunal administratif de Lyon du 2 novembre 2020. Par la requête enregistrée sous le n°21LY00367, M. E... relève appel du jugement du tribunal administratif du 31 décembre 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 décembre 2020.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n°20LY03168 et n°21LY00367 présentées par M. E..., qui concernent la situation d'un même requérant et qui ont fait l'objet d'une instruction commune, présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de placement en rétention
En ce qui concerne la compétence de la juridiction administrative
3. Aux termes du premier alinéa du III de l'article L. 512-1 du code de justice administrative : " La décision de placement en rétention ne peut être contestée que devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification, suivant la procédure prévue à la section 1 du chapitre II du titre V du présent livre et dans une audience commune aux deux procédures, sur lesquelles le juge statue par ordonnance unique lorsqu'il est également saisi aux fins de prolongation de la rétention en application de l'article L. 552-1. Le juge des libertés et de la détention informe sans délai le tribunal administratif territorialement compétent, par tout moyen, du sens de sa décision. ". En application des dispositions qui précèdent, il n'appartient qu'au juge des libertés et de la détention de se prononcer sur la contestation de la décision de placement en rétention d'un étranger prise sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A cet égard, par leurs ordonnances respectives des 27 et 29 décembre 2020, le juge des libertés et de la détention puis le magistrat délégué de la Cour d'appel de Lyon, se sont prononcés sur la contestation de l'arrêté rectificatif de placement en rétention du 24 décembre 2020 du préfet du Rhône. Les conclusions de la requête dirigées à l'encontre de cette décision doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité
4. Le moyen tiré, de ce que le jugement en litige doit être annulé, dès lors que le tribunal administratif a rejeté sa demande après avoir écarté sa compétence pour connaitre de la légalité de la mesure de placement en rétention, alors qu'il a justement demandé au tribunal de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité en tant que la loi incriminée lui retirait cette compétence, qui n'est assorti d'aucune précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé, doit être écarté.
Sur la régularité de l'ordonnance du 2 novembre 2020 :
5. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En cas de placement en rétention en application de l'article L. 551-1, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, dans un délai de quarante-huit heures à compter de leur notification, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention. (...) ". Il ressort des pièces du dossier que les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ont été notifiées à M. E... le 26 octobre 2020 à 19 heures. La notification comporte la mention des voies et délais de recours. Le requérant a formé un recours contre ces décisions, enregistré au greffe du tribunal le 28 octobre 2020 à 17 heures 35, avant l'expiration du délai de recours. Il en résulte que la requête, qui n'est pas tardive, est recevable. L'ordonnance attaquée, qui a rejeté la requête de l'appelant comme tardive, doit, par suite, être annulée. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Lyon.
Sur les moyens communs aux conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2020 abrogeant l'arrêté du 26 octobre 2020 et des mesures d'éloignement du 26 octobre 2020 et du 24 décembre 2020 :
6. Les arrêtés ont été signés par Mme C... A..., adjointe au chef du bureau de l'éloignement de la préfecture du Rhône, en vertu d'une délégation accordée le 2 décembre 2020 et publiée le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des actes en litige doit, en tout état de cause, être écarté.
7. Aux termes de l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits peut, pour tout motif et sans condition de délai, être modifié ou abrogé sous réserve, le cas échéant, de l'édiction de mesures transitoires dans les conditions prévues à l'article L. 221-6. ". Si par une ordonnance du 17 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Lyon a sursis à l'exécution de l'ordonnance du tribunal administratif rejetant la demande de M. E... pour tardiveté jusqu'à ce qu'il soit statué sur la requête à fin d'annulation de cette ordonnance, il ressort de l'arrêté litigieux que le préfet s'est fondé légalement sur les dispositions précitées de l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration pour abroger, sans condition de délai, la première mesure d'éloignement, laquelle ne constitue pas un acte créateur de droits et pour édicter une nouvelle mesure d'éloignement, aux dispositif et motifs identiques, susceptible de faire l'objet, au demeurant, par elle-même d'un recours contentieux, afin de ne pas faire obstacle à l'exécution de l'éloignement de l'intéressé placé en rétention depuis le 26 octobre 2020. Dans ces conditions, M. E... n'établit pas que l'abrogation de l'arrêté du 26 octobre 2020 par l'arrêté du 24 décembre 2020, suivie de l'adoption d'un nouvel arrêté identique avait pour seul objet de faire échec au sursis à exécution ordonnée par la cour administrative d'appel de Lyon. Par suite le détournement de procédure et le détournement de pouvoir ne sont, en tout état de cause, pas établis.
Sur la légalité des deux décisions portant obligation de quitter le territoire français :
8. Les décisions en litige énoncent les considérations de droit et les éléments de fait sur lesquelles elles se fondent. Ainsi, elles satisfont à l'obligation de motivation résultant des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que les décisions en litige sont entachées d'un défaut de motivation. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier et complet de la situation médicale de M. E....
9. Le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision d'éloignement, tel qu'il est garanti par le droit de l'Union européenne implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et sur les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une telle décision. Si l'intéressé demande à faire valoir des observations selon les modalités, éventuellement dématérialisées, que l'administration a définies, il appartient normalement à celle-ci d'attendre que l'intéressé ait pu exprimer ces observations pour pouvoir, le cas échéant, en tenir compte. La méconnaissance de cette obligation procédurale n'est toutefois, en principe, de nature à entacher d'illégalité la décision d'éloignement que s'il apparaît que l'intéressé avait réellement à faire valoir des éléments nouveaux et pertinents, de telle sorte que ses observations auraient pu avoir une incidence effective et utile. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier du procès-verbal d'interpellation et d'audition du 26 octobre 2020 que M. E... a pu faire valoir ses observations préalablement à l'adoption de la mesure d'éloignement du même jour, en particulier concernant son état de santé. En outre, l'appelant ne produit aucune pièce de nature à justifier l'existence d'éléments nouveaux concernant les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une mesure d'éloignement, en particulier des éléments justifiant une dégradation de son état de santé entre le 26 octobre 2020 et la date de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
10. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Toutefois, lorsque l'étranger est retenu en application de l'article L. 551-1, le certificat est établi par un médecin intervenant dans le lieu de rétention conformément à l'article R. 553-8. / En cas de rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'avis est émis par un médecin de l'office et transmis sans délai au préfet territorialement compétent ". Et l'article R. 313-22 du même code dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Lorsqu'elle envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière, l'autorité préfectorale n'est tenue, en application des dispositions de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que si elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.
11. Il ressort des pièces du dossier que M. E... bénéficie d'une prise en charge médicale en raison de troubles psychiatriques, liés à une schizophrénie paranoïde qui évolue depuis plusieurs années, et à une addiction à l'alcool et à l'héroïne. Il a fait part lors de son audition devant les services de police le 26 octobre 2020 de la prise de trois médicaments, le subutex, le valium et le zyrrexa, et d'un suivi mensuel par un addictologue à l'hôpital Saint Jean de Dieu. Présenté lors de sa garde à vue à un médecin, ce dernier a estimé que l'état de santé de M. E... était compatible avec une garde à vue, sous réserve qu'il prenne ses médicaments, à savoir le subutex et le valium. Il est par ailleurs mentionné dans le certificat médical du 24 décembre 2020, établi par le docteur B... de l'hôpital Lyon Sud, que la pathologie psychiatrique de M. E... est soumise à décompensations ayant justifié des hospitalisations dès 2013. La circonstance que la préfecture ait sollicité, à deux reprises, son hospitalisation sous contrainte, est sans influence sur la légalité des arrêtés litigieux. Dans ces conditions, si le préfet disposait d'éléments sur l'état de santé de M. E... préalablement à la mesure d'éloignement contestée, il n'est, en revanche, pas établi qu'il disposait d'éléments nouveaux suffisamment précis relatifs à l'évolution de l'état de santé de M. E... qui auraient justifié de recueillir l'avis préalable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, alors même que M. E... n'a déposé aucune nouvelle demande de titre de séjour en raison de son état de santé depuis le refus d'admission au séjour qui lui a été opposé en 2015. En outre, et en tout état de cause, l'appelant n'a produit ni devant le premier juge ni en appel, aucun élément médical probant susceptible de justifier qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement dans son pays d'origine d'un traitement approprié à son état de santé ou qu'un retour dans ce pays serait de nature à aggraver les troubles dont il souffre. Dans ces conditions, M. E... ne peut être regardé comme établissant que le préfet disposait d'éléments permettant de justifier qu'il présentait un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, doivent être écartés les moyens tirés du défaut de saisine du collège de médecins de l'OFII et de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". M. E... soutient qu'il réside en France depuis juillet 2013 et que ses parents, sa sœur et son frère y résident également en situation régulière. Toutefois, M. E..., célibataire et sans enfants, n'est arrivé en France qu'à l'âge de vingt-quatre ans et il ne justifie d'aucune insertion particulière depuis cette date. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a été condamné à six mois d'emprisonnement pour des faits commis en 2017 de violence aggravée, agression sexuelle imposée à un mineur de quinze ans, port sans motif légitime d'arme de catégorie D et recel de vol. Il fait par ailleurs l'objet de multiples mentions non contestées au fichier des antécédents judiciaires entre 2015 et 2019, pour des faits notamment d'usage illicite de stupéfiants, vol aggravé, menace de mort, violation de domicile, violence sur une personne chargée d'une mission de service public, violence avec usage ou menace d'une arme, et il a été entendu pour des faits de viol en octobre 2020. La circonstance qu'il a été, par ailleurs, condamné le 5 octobre 2020 pour des faits commis en 2018, à une peine de trois mois d'emprisonnement, assortie d'un sursis probatoire de deux ans avec injonction de soins est sans incidence sur l'application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en tout état de cause, ne fait pas obstacle à son changement de résidence hors de France. En outre, l'appelant n'établit pas que son état de santé nécessite qu'il poursuive ses soins médicaux en France. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
13. Aux termes du II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; ". Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée. En outre, le préfet était fondé à refuser à M. E... un délai de départ volontaire au seul motif que son comportement constitue une menace à l'ordre public, ce que ne conteste pas l'appelant. Ce dernier n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
14. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée. Si M. E... soutient qu'en raison de son état de santé, la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte toutefois aucun élément de nature à justifier un risque de traitements inhumains ou dégradants en cas de prise en charge médicale dans son pays.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
15. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. /(...) /Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français [...] La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
16. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai contestée.
17. M. E... a fait l'objet d'une mesure d'éloignement pour laquelle aucun délai de départ volontaire n'a été accordé. Il entre ainsi dans les cas prévus au III de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour lesquels le préfet doit assortir son obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf s'il existe des circonstances humanitaires de nature à justifier qu'une telle interdiction ne soit pas décidée. Si l'intéressé se prévaut de son état de santé et de la nécessité de poursuivre ses soins médicaux en France avec le soutien de sa famille, ces circonstances ne peuvent pas être regardées comme justifiant d'une circonstance humanitaire pour les motifs précédemment exposés. C'est, dès lors, sans commettre ni erreur de droit, ni erreur d'appréciation que le préfet du Rhône a prononcé à l'encontre de M. E... une interdiction de retour sur le territoire français. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Enfin, si le requérant conteste la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, il résulte de ce qui a été dit précédemment, sur la nature de ses liens avec la France, ainsi que des circonstances non contestées selon lesquelles M. E... a fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement le 2 novembre 2015 et le 24 octobre 2017 et que son comportement constitue une menace à l'ordre public, que la durée de trois ans de cette interdiction n'est ni disproportionnée ni entachée d'erreur d'appréciation au regard de sa situation personnelle et familiale.
18. Il résulte de ce qui précède d'une part, que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions litigieuses. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n°2007671 du 2 novembre 2020 par laquelle la magistrate déléguée du tribunal administratif de Lyon est annulée.
Article 2 : Les deux demandes présentées par M. E... devant le tribunal administratif de Lyon sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. M. D... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président assesseur,
Mme Sophie Corvellec, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2022.
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N°20LY03168-21LY00367