M. D... C... par une requête enregistrée sous le n° 1910065, a demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1910065 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
I - Par une requête enregistrée le 13 novembre 2020 sous le n° 20LY03309, Mme C..., représentée par Me Sabatier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 octobre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du 28 janvier 2020 par lesquelles le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou à tout le moins de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît tant les stipulations du 5°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation ; le refus de titre de séjour porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français encourt l'annulation par exception d'illégalité du refus de titre de séjour sur lequel elle se fonde, et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'intérêt supérieur de ses enfants protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le refus d'un délai de départ volontaire doit être annulé par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sur laquelle il se fonde, il méconnait les dispositions du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
II - Par une requête enregistrée le 13 novembre 2020 sous le n° 20LY03312, M. C..., représenté par Me Sabatier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 octobre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou à tout le moins de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre contesté méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision contestée porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Le préfet du Rhône, auquel les requêtes ont été communiquées, n'a pas produit de mémoire.
Par décisions du 23 décembre 2020 le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté les demandes d'aide juridictionnelle de M. et Mme C....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ; l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,
- et les observations de Me Guillaume, pour M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., de nationalités algérienne et tunisienne, déclare être entrée irrégulièrement en 2015 sur le territoire français, accompagnée de son époux, de nationalité tunisienne et de leurs deux enfants mineurs, un troisième enfant étant né en 2016. Elle a fait l'objet le 31 octobre 2016 d'un refus de titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours restée inexécutée. Elle a sollicité, à nouveau, en 2017, la délivrance d'un titre de séjour. Mais, par décisions du 28 janvier 2020, le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. M. C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au cours de l'année 2017. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration pendant plus de quatre mois. M. et Mme C... relèvent appel des deux jugements du tribunal administratif de Lyon qui ont rejeté leurs demandes d'annulation.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 20LY03309 et n° 2003312 présentées par M. et Mme C... qui concernent la situation d'un couple de ressortissants étrangers qui demandent l'annulation des décisions, assorties de mesures d'éloignement, leur ayant refusé le séjour en France et qui ont fait l'objet d'une instruction commune, présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la légalité des décisions portant refus des titres de séjour :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
4. M. et Mme C... soutiennent que les décisions contestées méconnaissent tant leur droit au respect de leur vie privée et familiale que l'intérêt supérieur de leurs enfants, en se prévalant d'une part, de la scolarisation de leurs enfants, d'autre part, des soins nécessités par l'état de santé de leur fille cadette. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C..., qui a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion du territoire français en 1994, toujours en vigueur, ne dispose à cet égard d'aucun droit au séjour en France, dont il a déjà été éloigné, d'ailleurs, à trois reprises. En outre, Mme C... n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel elle a vécu plus de trente ans avant son arrivée sur le territoire français en 2015. La seule présence régulière en France de membres de sa belle-famille ne caractérise pas des liens familiaux d'une telle intensité que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. Par ailleurs, alors que la situation des enfants mineurs n'est pas différente de celle de leurs parents, dont ils n'ont pas vocation à être séparés, il n'est pas allégué que leur scolarisation ne pourrait pas se poursuivre hors de France. Enfin, si l'état de santé de l'enfant Rimes nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le collège de médecins de l'OFII a estimé que les soins nécessaires étaient effectivement disponibles dans son pays d'origine, et les pièces notamment d'ordre médical produites par la requérante ne permettent pas de regarder cet enfant comme ne pouvant pas bénéficier effectivement des soins appropriés en Tunisie ou en Algérie. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour opposé aux époux C... ne porte pas une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale et ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de leurs enfants. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent par conséquent être écartés. Le préfet du Rhône n'a pas davantage entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur l'obligation de quitter le territoire français concernant Mme C... :
5. D'une part, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour sur lequel se fonde l'obligation de quitter le territoire français qu'elle conteste.
6. D'autre part, et pour les mêmes motifs que ceux développés au point précédent, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.
Sur le refus d'accorder d'un délai de départ volontaire à Mme C... :
7. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sur laquelle se fonde le refus de délai de départ volontaire qu'elle conteste.
8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ". Alors qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C... n'a pas exécuté la précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 31 octobre 2016, pourtant confirmée par le tribunal administratif de Lyon le 6 juillet 2017, elle ne se prévaut d'aucune circonstance particulière, au sens des dispositions précitées, en se bornant à faire valoir que ses enfants sont scolarisés et que l'un d'entre eux fait l'objet de soins médicaux. Le risque qu'elle se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre doit, dès lors, être regardé comme établi. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées, ni commis d'erreur d'appréciation de sa situation en refusant, au regard de ces dispositions, de lui accorder un délai de départ volontaire.
9. Si Mme C... soutient que le refus de lui accorder un délai de départ volontaire porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants en raison de leur scolarisation, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'interruption de scolarité en cours d'année des trois enfants, âgés respectivement de 13, 10 et 3 ans à la date de la décision attaquée, porterait atteinte à leur intérêt supérieur au sens de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que ce refus d'accorder un délai de départ volontaire méconnaitrait l'intérêt supérieur de l'enfant Rimes en raison de son état de santé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français opposée à Mme C... :
10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai sur laquelle se fonde l'interdiction de retour sur le territoire français qu'elle conteste.
11. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. /(...) /Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français [...] La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
12. Mme C... soutient que le préfet a commis une erreur d'appréciation de sa situation en lui interdisant de revenir sur le territoire français pour une durée de douze mois, alors d'une part, qu'elle ne présente pas une menace pour l'ordre public, d'autre part, que la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre et non exécutée, date de plus de trois ans et que depuis un de ses enfants souffre de problèmes de santé. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et de ce qui a été dit au point 3 que Mme C... n'est présente sur le territoire français que depuis 2015, qu'elle s'y est maintenue irrégulièrement malgré une première mesure d'éloignement, que son époux est sous le coup d'un arrêté d'expulsion toujours en vigueur et a déjà fait l'objet à trois reprises d'un éloignement forcé, qu'elle n'allègue pas être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine sans que l'appelante ne puisse se prévaloir de la circonstance qu'elle ne présente pas une menace pour l'ordre public. Il ne ressort pas davantage des circonstances de fait avancées par l'intéressée, que cette décision porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale Par suite, et dès lors que Mme C... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, c'est à bon droit que le préfet a assorti cette décision d'une interdiction de retour d'une durée de douze mois. Les moyens tirés d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent, par suite, être écartés. Pour les mêmes raisons, il y a également lieu d'écarter le moyen de la requérante tiré d'une erreur d'appréciation à avoir pris à son encontre une telle interdiction de retour.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme C... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse C..., à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2022.
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N°s 20LY03309, 20LY03312