Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 2 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Sabatier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 novembre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du 30 janvier 2020 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auquel renvoie l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en tant qu'elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.
Le préfet du Rhône, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Fédi, président-assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité tunisienne, né le 21 janvier 1977, déclare être entré en France en janvier 2006. Le 8 juin 2017, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 novembre 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône qui a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.
2. Aux termes de l'article 7 quater de l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail modifié : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...).
3. Si M. B... soutient que sa durée de séjour en France de quatorze années a été considérée comme établie par le préfet et que donc le tribunal administratif ne pouvait remettre en cause cette durée, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ait séjourné régulièrement sur le territoire national. En outre, il est célibataire et sans charge de famille, et ne démontre pas être dépourvu de toute attache personnelle ou familiale dans son pays d'origine, où résident ses parents, ses trois sœurs et son frère et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. S'il se prévaut de l'intensité et de l'ancrage de ses liens privés en France, il ne produit aucun élément en ce sens, permettant de considérer qu'il aurait désormais en France le centre de ses attaches familiales et personnelles. Enfin, la promesse d'embauche pour un emploi en qualité d'aide-monteur, au demeurant postérieure à la date de la décision attaquée, ne saurait à elle seule caractériser, ainsi que le soutient l'appelant, une insertion professionnelle d'une particulière intensité. Dans ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 7 quater de l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie, ni qu'elle aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ainsi méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations susmentionnées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Aux termes de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...).". L'article L. 313-14 précité, qui porte sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les ressortissants étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour, au titre d'une telle activité, ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant tunisien qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié. Ainsi, les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables aux ressortissants tunisiens souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une activité salariée. En revanche, elles leur sont applicables lorsqu'ils sollicitent leur admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale.
5. En faisant valoir qu'il a saisi le préfet d'une demande de titre de séjour fondée sur sa qualité de salarié, au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'appelant ne peut utilement soutenir qu'en refusant de l'admettre au séjour pour l'exercice d'une activité professionnelle, le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur de droit et aurait méconnu lesdites dispositions. En tout état de cause, la double circonstance que M. B... réside en France depuis quatorze ans et bénéficie d'une promesse d'embauche en qualité d'aide-monteur n'est pas suffisante pour établir que le préfet du Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation en lui refusant le bénéfice d'une admission exceptionnelle au séjour.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2022.
2
N° 20LY03541