Par jugement n° 2008299 du 24 novembre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par requête, enregistrée le 7 décembre 2020, présentée pour M. B..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2008299 du tribunal administratif de Lyon du 24 novembre 2020 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale à défaut pour le préfet d'avoir procédé à un examen de sa situation personnelle et tenu compte, en particulier, des démarches accomplies pour se voir délivrer un titre de séjour ; elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son droit à une vie privée et familiale et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- le refus de délai de départ volontaire est illégal par voie de conséquence ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation et d'une erreur quant à l'existence d'un risque de fuite ;
- la fixation du pays de destination est illégale par voie de conséquence ; elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision d'interdiction de retour est illégale par voie de conséquence ; elle méconnaît l'article L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son droit à une vie privée et familiale et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par mémoire, enregistré le 4 février 2021, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant nigérian né le 10 octobre 1984 à Ibadan (Nigéria), entré en France en 2015 selon ses déclarations, a vu sa demande d'asile rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 mai 2017, puis par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 21 mai 2019. Alors qu'il devait être mis fin, le 14 novembre 2020, à l'incarcération de M. B... qui avait été condamné le 29 novembre 2019 à cinq ans d'emprisonnement délictuel pour proxénétisme aggravé, le préfet de l'Isère a pris à son encontre, le 10 novembre 2020, une décision l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a assorti sa décision d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français de trois ans. M. B... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes des dispositions alors codifiées au I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
3. M. B..., qui ne conteste pas être entré irrégulièrement sur le territoire français et qui n'était pas titulaire d'un titre de séjour à la date de la décision contestée, était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français, nonobstant la circonstance qu'une convocation lui avait été adressée pour le dépôt d'une première demande de titre de séjour. Si le préfet de l'Isère a mentionné à tort dans la décision en litige que M. B... n'aurait accompli aucune démarche en vue de l'obtention d'un titre de séjour, cette seule circonstance n'est pas de nature à démontrer une absence d'examen particulier de sa situation et il aurait pris la même décision s'il n'avait pas pris en compte cette absence de démarche dès lors qu'une demande de titre de séjour ne fait pas obstacle à une mesure d'éloignement sur le fondement des dispositions précitées du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
6. Or, s'il ressort des pièces du dossier que M. B..., comme il l'avait indiqué lors de son audition par les services de gendarmerie le 5 octobre 2020, souffre d'une pathologie hépatique, il ressort, en particulier, du certificat médical rédigé par un médecin de l'hôpital Lyon-Sud, le 16 novembre 2020, que cette pathologie, diagnostiquée en 2016, faisait l'objet d'un traitement dont l'arrêt avait été évoqué en septembre avec un spécialiste. Il n'en ressort pas qu'un défaut des soins que nécessite son état de santé, limités ainsi qu'il a été dit à un traitement dont le maintien était discuté, serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni que le traitement nécessaire à son état de santé ne serait pas disponible dans son pays d'origine. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Isère aurait entaché sa décision d'un vice de procédure pour ne pas avoir saisi pour avis le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 (10°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être également écarté.
7. En dernier lieu, si M. B... vit depuis plusieurs années en France, où il s'est marié en 2016 avec une compatriote titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle et était, à la date de la décision en litige, père d'un enfant né en 2016 et résidant en France, compte tenu des faits, notamment de proxénétisme, pour lesquels il a été condamné, et de l'ensemble de son comportement, la mesure en litige, qui ne fait pas obstacle à la reconstitution du foyer familial dans le pays d'origine du requérant dont tous les membres possèdent la nationalité, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, cette mesure d'éloignement n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas non plus entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Dès lors que la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer le requérant de son enfant mineur dès lors que la cellule familiale a vocation à se reconstituer dans le pays d'origine, cette décision n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit dès lors être également écarté.
Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire.
9. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente (...) h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français (...) ".
10. M. B... soutient qu'il présente des garanties de représentation suffisantes dès lors qu'il a accompli des démarches en vue de l'obtention d'un titre de séjour, que son épouse est titulaire d'un titre de séjour et propriétaire de son logement et qu'il dispose d'un projet professionnel. Il résulte toutefois des pièces du dossier et n'est pas contesté par le requérant qu'à la date de la décision qu'il conteste, il ne pouvait justifier de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il avait explicitement déclaré, lors de son audition par les services de gendarmerie le 5 octobre 2020, son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français alors qu'en outre il avait mentionné une résidence chez son épouse à une adresse erronée. Le préfet de l'Isère pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées, pour ce seul motif, refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.
Sur la légalité de la fixation du pays de destination :
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
Sur la légalité de l'interdiction de retour :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions dirigées contre l'interdiction de retour.
13. En deuxième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les motifs exposés au point 7.
14. En dernier lieu, aux termes des dispositions alors codifiées au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé (...) / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) La durée de l'interdiction de retour (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
15. Il appartient au préfet, en vertu des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'assortir une obligation de quitter le territoire français sans délai d'une interdiction de retour sur le territoire français sauf dans l'hypothèse où des circonstances humanitaires justifieraient qu'il soit dérogé au principe. M. B... s'est vu refuser tout délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Les éléments dont il fait état, tirés de son intégration eu égard à un projet professionnel et de sa vie familiale, ne peuvent être regardés comme des circonstances humanitaires qui auraient pu justifier que l'autorité administrative ne prononçât pas d'interdiction de retour sur le territoire français. S'agissant de la durée de cette interdiction, la décision contenue dans l'arrêté en litige, qui est suffisamment motivée, fait référence à la durée de présence de M. B... sur le territoire français et à la mention du trouble à l'ordre public résultant du comportement de l'intéressé ayant conduit à une condamnation définitive. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation ni méconnu les dispositions précitées en fixant à trois ans la durée de l'interdiction de retour en France faite au requérant qui, pour les motifs précédemment exposés, ne peut se prévaloir d'une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à la mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.
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N° 20LY03604