Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 6 mars 2021, M. A..., représenté par Me Petit, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 novembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 30 avril 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour est entachée d'un vice de procédure : l'apposition de fac-similés sur l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII le 28 décembre 2018 ne présente aucune garantie quant à l'identité des signataires et à l'intégrité de l'avis ; il n'est pas démontré que ledit avis résulte d'une délibération collégiale ; l'existence d'une conférence à distance est facilement vérifiable au regard des extraits de l'application " Themis " ; il a été privé d'une garantie ;
- l'un des médecins n'était pas compétent pour siéger au collège des médecins de l'OFII puisqu'il n'est pas mentionné dans la liste de ceux désignés par la décision du 1er février 2018 produite par le préfet ;
- cette décision est insuffisamment motivée et ne procède pas l'examen particulier de sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- cette décision ne procède pas à l'examen particulier de sa situation ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant un délai de départ volontaire de 90 jours est illégale en l'absence de perspective raisonnable d'éloignement en raison de la fermeture des frontières internationales ;
- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.
Par une décision du 3 février 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 2011 pris pour son application ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
- les observations de Me Simonin pour M. A....
Considérant ce qui suit :
Sur la légalité de l'arrêté du 30 avril 2020 :
1. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) "
2. M. A..., ressortissant tunisien né en 1979, souffre d'une aplasie médullaire idiopathique sévère, ayant nécessité une allogreffe de moelle osseuse réalisée le 10 août 2015. Pour contester le sens de l'avis du collège de médecins du 19 juin 2019, que s'est approprié le préfet et qui a estimé que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourra effectivement y bénéficier d'un traitement approprié, le requérant produit un certificat médical daté du 2 juin 2020, émanant d'un praticien hospitalier dans le service d'hématologie de l'hôpital Lyon Sud. Ce certificat médical circonstancié précise que M. A..., qui souffre d'une maladie orpheline, a bénéficié d'une prise en charge médicale et para-médicale pluridisiciplaire pour laquelle plusieurs services se sont investis de façon importante. Il fait état de la fragilité immunitaire de son patient, qui a été à l'origine de multiples complications infectieuses justifiant une hospitalisation. Il indique que les problématiques complexes du patient immunodéprimé pour plusieurs années justifient impérativement une surveillance dans le service d'origine, c'est-à-dire celui où il a été greffé, poursuivie pendant au moins 10 ans et fait état du risque de rechute. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que le préfet du Rhône a entaché le refus de titre de séjour en litige d'une erreur d'appréciation pour l'application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le refus de titre de séjour en litige et, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et la décision fixant le pays de renvoi sont entachés d'illégalité et doivent être annulés.
3. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. A... et que celui-ci est fondé à demander l'annulation de ce jugement ainsi que celle de l'arrêté du 30 avril 2020 du préfet du Rhône.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Eu égard au motif qui fonde l'annulation des décisions en litige et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans la situation de droit ou de fait du requérant y ferait obstacle, le présent arrêt implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que le préfet du Rhône délivre à M. A... une carte de séjour temporaire. En conséquence, il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de lui impartir un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Petit en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que celui-ci renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2004109 du 20 novembre 2020 du tribunal administratif de Lyon et l'arrêté du 30 avril 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé un titre de séjour à M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera la somme de 1 000 euros à Me Petit en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2022 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2022.
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N° 21LY00729