Par une requête enregistrée le 5 mars 2020, M. E..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 février 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2019 par lequel le préfet de l'Ain a refusé de renouveler son titre de séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain :
- à titre principal, de lui délivrer une carte de résident ou un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
- à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour dans les deux jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. E... soutient que le jugement :
- est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- est entaché d'une erreur dans l'exactitude matérielle de faits dans la mesure où le préfet n'a pas pris en compte la réalité des virements bancaires effectués au profit de son ex-épouse au profit de leur enfant commun ;
- méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il est parent d'un enfant français dont il justifie participer à l'entretien par le versement d'une pension alimentaire ;
- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Le préfet de l'Ain auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Fédi, président-assesseur ;
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant marocain, né le 22 mai 1973, relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 février 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 1er juillet 2019 par lequel le préfet de l'Ain a refusé de renouveler son titre de séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ;/ Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ; (...) ". En vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.
3. M. E..., qui est entré régulièrement en France en juillet 2012, muni d'un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française, a obtenu la délivrance d'un titre de séjour valable de juillet 2013 à juillet 2014. En qualité de père d'un enfant français, né le 25 janvier 2014, une carte de séjour temporaire lui a été délivrée de novembre 2015 à novembre 2016, ainsi qu'une carte de séjour pluriannuelle valable de novembre 2016 à novembre 2018. Le divorce du couple a été prononcé par jugement du 27 août 2018 exclusivement aux torts de l'ex-épouse de M. E... du fait des violences dont l'appelant a été victime. Suite à son divorce, il s'est vu reconnaître un droit de visite et d'hébergement par le jugement du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse du 27 août 2018, lequel a également fixé le montant mensuel de la pension alimentaire à cent euros que l'intéressé doit verser à son ex-épouse pour l'entretien de leur enfant commun. Toutefois, l'ordonnance de non-conciliation du 13 octobre 2015 précisait : " En l'espèce Monsieur B... E... dit être hors d'état de contribuer à l'entretien de l'enfant par le versement d'une pension mensuelle du fait qu'il n'a pas de ressources. Dans la mesure où il est effectivement sans revenus, son état d'insolvabilité sera constaté ". Dans ces conditions, et alors que M. E... justifie avoir effectué tous les mois un virement de cent euros à son ex-épouse au titre de la pension alimentaire depuis le mois de septembre 2018, compte tenu de son insolvabilité, qui le dispensait de régler une pension alimentaire avant la décision définitive du juge judiciaire, le jugement du tribunal administratif de Lyon ne pouvait lui opposer le fait qu'il ne justifiait pas de sa participation à l'entretien de son fils avant le mois de septembre 2018. En outre, M. E... produit, d'une part, en appel de nouvelles factures pour des produits destinés à un enfant (jouets, couches, vêtements) qui complètent celles déjà produites en première instance concernant des vêtements pour enfant d'autre part, des photographies prises avec son fils à diverses périodes. De plus, M. E... produit une attestation de la mère de son enfant du 4 mars 2020, qui reprend en partie celle produite devant les premiers juges et qui indique, avec précisions et détails, que l'appelant s'occupe régulièrement de son fils, qu'il est très présent dans la vie de l'enfant et qu'il participe régulièrement, dans la mesure de ses moyens, aux dépenses liées à l'entretien de son fils depuis 2017. L'administration ne produit, quant à elle, aucune pièce de nature à mettre en doute la participation de l'intéressé à l'éducation de son fils. Dans ces circonstances, M. E... doit être regardé comme établissant sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de son enfant. En lui refusant le droit au séjour en sa qualité de parent d'enfant français, le préfet a donc méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ce refus de titre de séjour doit être annulé, ainsi que, par voie de conséquence, les autres décisions contenues dans son arrêté du 1er juillet 2019.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".
6. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté litigieux, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet délivre à M. E... une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros qu'il paiera à M. E..., au titre des frais non compris dans les dépens que ce dernier a exposés.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1905748 du 11 février 2020 du tribunal administratif de Lyon et l'arrêté du 1er juillet 2019 du préfet de l'Ain sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Ain de délivrer à M. E... une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. E..., une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 2 mars 2021, à laquelle siégeaient :
M. Gilles Fédi, président-assesseur assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
M. Pierre Thierry, premier conseiller,
Mme A... D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2021.
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N° 20LY00972