Par un jugement n°s 1603837, 1605527 du 20 septembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande d'annulation de la décision du 29 janvier 2016, a annulé la décision de révocation du 3 juin 2016, et a enjoint à l'EHPAD de Bâgé-le-Châtel et Feillens de réintégrer Mme F... dans ses effectifs à compter du 12 septembre 2016.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 24 novembre 2017, et des mémoires, enregistrés le 2 octobre 2018 et le 4 mars 2019 non communiqués, l'EHPAD de Bâgé-le-Châtel et Feillens, représenté par Me H..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 septembre 2017 en tant qu'il a annulé la décision de révocation de Mme F... et lui a enjoint de la réintégrer dans ses effectifs à compter du 12 septembre 2016 ;
2°) de rejeter la demande de Mme F... enregistrée en première instance sous le no 1605527 ;
3°) de mettre à la charge de Mme F... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
en neutralisant la parole des résidents, le tribunal administratif de Lyon a dénaturé les pièces du dossier ;
les juges de première instance n'ont pas examiné les faits relatifs à la prise en charge de Mme A. ;
les faits reprochés à Mme F... sont établis ;
la sanction choisie est proportionnée aux faits d'une particulière gravité et pour lesquels Mme F... n'a manifesté ni prise de conscience, ni remord.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 et 18 avril 2018 Mme F..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'EHPAD de Bâgé-le-Châtel et Feillens la somme de 2 000 euros à verser à son avocat en application de l'article 37 de la loi sur l'aide juridique.
Elle soutient que :
Mme A. souffre de la maladie de Parkinson, maladie neurodégénérative ; elle déclare avoir reçu un coup de poing mais aucune trace de violence n'a été rapportée par les autres soignants ;
M. B. souffre de la maladie d'Alzheimer ;
l'objectivité des déclarations est contestable dès lors que les résidents ont été entendus en présence de quatre personnes (MMme D..., Bochant, Duran et, Pawlowski) travaillant au sein de l'EHPAD de Bâgé-le-Châtel et Feillens et y représentant l'autorité et alors que les personnes âgées entrent à l'EHPAD de Bâgé-le-Châtel et Feillens pour des raisons de vulnérabilité, n'arrivant plus à subvenir seules à leur propres moyens ;
les déclarations des membres du personnel ne sont pas signées et donc dépourvues de force probante et ont été réalisées sous l'autorité des membres de l'EHPAD de Bâgé-le-Châtel et Feillens ;
le tribunal administratif de Lyon n'a pas omis le cas de Mme A. ;
les fait retenus par l'EHPAD de Bâgé-le-Châtel et Feillens sont inexacts ;
elle n'est pas l'auteure de maltraitance.
Par ordonnance du 19 mars 2019 la clôture d'instruction a été fixée au 26 avril 2019.
Mme F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 27 février 2018.
Vu :
la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,
les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
* et les observations de Me H..., représentant l'EHPAD de Bâgé-le-Châtel et Feillens.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., auxiliaire de vie sociale a été embauchée par contrat par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Bâgé-le-Châtel et Feillens (Ain) en avril 2006 puis y a été nommée agente des services hospitaliers qualifiée stagiaire en décembre 2007 et titularisée le 30 novembre 2009. Elle accomplit de nuit son service dans ce même établissement depuis 2012. Une procédure disciplinaire la concernant a été engagée en janvier 2016 pour des faits de maltraitance à l'encontre de plusieurs résidents. Par une décision du 3 juin 2016, le directeur de l'EHPAD de Bâgé-le-Châtel et Feillens, qui a suivi l'avis, rendu à l'unanimité, du conseil de discipline tenu le 18 mai 2016, lui a infligé la sanction de révocation, applicable à compter du 12 septembre 2016. L'EHPAD de Bâgé-le-Châtel et Feillens relève appel du jugement du 3 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la sanction en raison de son caractère disproportionné.
2. Pour justifier la sanction infligée à Mme F..., le directeur de l'EHPAD de Bâgé-le-Châtel et Feillens a retenu qu'elle avait enfermé une résidente, Mme B., dans sa chambre de nuit, l'avait, alors qu'elle était tombée de son lit, tirée par les pieds avant de la remettre dans celui-ci, qu'elle avait frappé Madame A... A. et lui avait refusé les nécessités physiques dont elle avait besoin la nuit, avait giflé Madame A. et avait tenté d'enfermer dans sa chambre Monsieur B..
3. Si Mme F... ne nie pas ne pas avoir répondu à tous les appels de Mme A... A., qui demande une attention importante, pour ses besoins physiques, elle expose qu'elle a dû la rattraper brusquement alors que celle-ci s'était laissée tomber en se rendant aux toilettes. Il ressort des pièces du dossier que cette résidente est atteinte de la maladie de Parkinson, maladie neuro-dégénérescente, qu'elle est d'origine portugaise et ne parle pas le français avec facilité. Dans ces circonstances c'est sans erreur, contrairement aux affirmations de l'EHPAD de Bâgé-le-Châtel et Feillens, que le tribunal administratif de Lyon a pu considérer, au point 12 de son jugement, que les accusations de cette résidente selon lesquelles elle aurait été frappée à plusieurs reprises dans le ventre et dans le dos par Mme F... " reposent sur les seules déclarations évasives et peu vraisemblables de la résidente, sans qu'aucun témoignage ni aucun indice complémentaire ne soit venu les confirmer ".
4. L'accusation selon laquelle Mme F... aurait giflé Mme A. ne repose que sur le témoignage ancien de plusieurs mois à la date de l'enquête administrative menée par l'EHPAD de Bâgé-le-Châtel et Feillens de cette résidente, qui n'a jamais désigné nommément Mme F... ni n'a été en mesure d'indiquer si l'incident s'était produit de jour ou de nuit. Ces faits reprochés à Mme F... ne peuvent être tenus pour établis.
5. Le tribunal administratif de Lyon a considéré que les autres faits reprochés à Mme F... étaient suffisamment établis par les pièces du dossier contenant les témoignages de plusieurs de ses collègues, d'enfants de résidents et des résidents ayant fait l'objet des traitements dont Mme F... est accusée, eux-mêmes, tous atteints de maladies diminuant leurs capacités physiques et intellectuelles. Par suite, l'EHPAD de Bâgé-le-Châtel et Feillens n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Lyon a implicitement, mais nécessairement, considéré que la parole des résidents devait être neutralisée en considération de leur âge ou de leur état de santé.
6. Les faits reprochés à Mme F... qui sont constitutifs d'un comportement inadapté et inacceptable de la part d'un personnel d'un établissement accueillant des résidents vulnérables et dépendants ont été à juste titre qualifiés de fautifs et étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire. Toutefois, ainsi que l'a considéré à bon droit le tribunal administratif de Lyon, les agissements établis par les pièces du dossier ne présentaient pas un degré suffisant de gravité pour justifier une mesure de révocation, la plus lourde dans l'échelle des sanctions.
7. Par suite, l'EHPAD de Bâgé-le-Châtel et Feillens n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué du 20 septembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 3 juin 2016.
Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mis à charge la Mme F... qui n'est pas la partie perdante une somme à ce titre, les conclusions de l'EHPAD de Bâgé-le-Châtel et Feillens en ce sens doivent être rejetées.
9. Mme F... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat, Me C... peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EHPAD de Bâgé-le-Châtel et Feillens la somme de 1 500 euros qui seront versés à Me C... sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'EHPAD de Bâgé-le-Châtel et Feillens est rejetée.
Article 2 : L'EHPAD de Bâgé-le-Châtel et Feillens versera une somme de 1 500 euros à Me C... en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EHPAD de Bâgé-le-Châtel et Feillens, à Mme E... F... et à Me C....
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme G... B..., présidente de chambre,
Mme I..., présidente-assesseure,
M. Pierre Thierry premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 novembre 2019.
No 17LY039912