Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2014, Mme C... D...épouseA..., représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 juillet 2014 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 14 mars 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à verser à son avocat qui s'engage à renoncer dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen présenté en première instance à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour et tiré de l'absence d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle s'agissant de son état de santé ;
- le tribunal a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de titre de séjour ;
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle s'agissant de son état de santé ;
- le tribunal a méconnu l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en commettant une erreur de droit quant à la charge de la preuve sur la possibilité de prise en charge de sa pathologie dans son pays d'origine ;
- le refus méconnaît le 7) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de son état de santé, dès lors le préfet n'a pas utilement contredit l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et a estimé à tort que le traitement nécessaire à sa pathologie était disponible en Algérie ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 5) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, dès lors qu'elle réside régulièrement depuis plus de deux ans sur le territoire français après y avoir vécu huit ans également régulièrement durant son adolescence, que ses parents et ses frères et soeurs tous de nationalité française séjournent en France, qu'elle est divorcée et n'a plus de contacts avec ses enfants, à l'exception du plus jeune et que sa pathologie ne peut être soignée en Algérie ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine s'agissant de son état de santé, dès lors que le défaut de traitement peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
S'agissant de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que le défaut de traitement peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2015, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête ; il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 9 septembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Drouet, président-assesseur,
- et les observations de MeB..., pour Mme D....
1. Considérant que Mme D..., épouseA..., relève appel du jugement du 9 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 14 mars 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, le tribunal s'est expressément prononcé sur son moyen tiré de l'absence d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
3. Considérant, en second lieu, qu'en mentionnant les termes des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public et en relevant que la décision en litige vise les stipulations utiles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'accord francoalgérien du 27 décembre 1968 modifié, ainsi que les dispositions utiles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la décision mentionne de façon chronologique et suffisamment précise les conditions d'entrée et de séjour en France de Mme D... et que cette décision comporte ainsi les motifs de droit et de fait sur lesquels elle se fonde, le tribunal administratif de Lyon a suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus de titre de séjour ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
4. Considérant, en premier lieu, que Mme D... reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour, tirés de l'absence d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle et de l'insuffisance de motivation de la décision contestée ; qu'il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 7) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. / (...) " ;
6. Considérant qu'il résulte de ces stipulations qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations du 7) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans son pays d'origine ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause en Algérie ; que, si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut pas en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment au coût du traitement ou à l'absence de mode de prise en charge adapté, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
7. Considérant que, par un avis du 6 janvier 2014, le médecin de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes a estimé que l'état de santé de MmeD..., née le 1er juin 1969 et de nationalité algérienne, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que l'intéressée ne peut avoir accès dans son pays d'origine à un traitement approprié et que les soins doivent être poursuivis pendant douze mois ; que Mme D...produit trois certificats médicaux établis en Algérie les 22, 23 et 25 mars 2014 dont il ressort qu'elle a été victime d'un accident vasculaire cérébral, qu'elle souffre d'hypertension artérielle et que son état de santé nécessite durablement la prise des médicaments Cloptidogrel et Flexitine ; que deux documents non datés émanant de pharmacies algériennes mentionnent l'inexistence, dans la nomenclature de la Caisse nationale d'assurance sociale algérienne, de ces deux produits ; que la requérante produit deux autres certificats médicaux, l'un du 17 juillet 2013 qui indique qu'elle est régulièrement suivie pour dysthyroïdie nécessitant des soins spécialisés, l'autre du 31 mars 2014 qui fait état d'une pathologie complexe en cours d'investigation et qui nécessite une prise en charge thérapeutique pluridisciplinaire imposant la poursuite de son séjour en France ;
8. Considérant que le préfet, qui n'était pas lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, a fait référence dans sa décision en litige aux éléments fournis par le consulat général de France à Alger et à la déclaration du ministre de la santé algérien, citée dans le rapport du 3 novembre 2011 de l'Agence de gestion des frontières du ministère de l'intérieur britannique et a produit une liste des établissements de santé algériens au sein desquels est notamment exercée la spécialité de cardiologie ; qu'un certificat médical du 21 novembre 2012 produit par la requérante mentionne un traitement par Kardegic, dont il n'est ni établi, ni même allégué, qu'il ne serait pas disponible en Algérie ; que, dans ces conditions et alors que l'intéressée reconnaît que sa pathologie a été initialement prise en charge en Algérie, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans ce pays ; que, par suite, le préfet, en refusant la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas commis d'erreur de fait, ni méconnu les stipulations précitées du 7) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord francoalgérien du 27 décembre 1968 et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle, notamment sanitaire, de l'intéressée ; qu'il suit de là qu'en jugeant que Mme D... ne justifiait pas à la date de la décision contestée suivre un traitement régulier sur le territoire national depuis sa dernière entrée en France le 20 novembre 2011 et qu'elle n'établissait pas que la molécule, dont elle soutient qu'elle est indispensable à son traitement et n'existe pas en Algérie, existerait en France, ni que cette molécule serait vitale dans le cadre du traitement de sa pathologie, les premiers juges, qui n'ont pas inversé la charge de la preuve, n'ont, en tout état de cause, pas méconnu le droit à un procès équitable garanti par le premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant, en troisième lieu, que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) " ;
10. Considérant que MmeD..., née le 1er juin 1969 et de nationalité algérienne, fait valoir qu'elle réside régulièrement depuis plus de deux ans sur le territoire français après y avoir vécu huit ans également régulièrement durant son adolescence, que ses parents et ses frères et soeurs tous de nationalité française séjournent en France, qu'elle est divorcée et n'a plus de contacts avec ses enfants, à l'exception du plus jeune et que sa pathologie ne peut être soignée en Algérie ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il est constant que ses trois enfants, dont l'un est mineur, vivent en Algérie ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision en litige lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ne peut être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et ne méconnaît pas ainsi les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ou de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que, pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de la requérante ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours et de la décision fixant le pays de renvoi :
11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui est dit ci-dessus aux points 4 à 10 que Mme D... n'est pas fondée à exciper, à l'encontre de ces décisions, de l'illégalité de la décision rejetant sa demande de titre de séjour ;
12. Considérant, en deuxième lieu, que pour les motifs déjà exposés aux points 8 et 10 dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, la décision obligeant Mme D... à quitter le territoire français n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
13. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. " ;
14. Considérant que pour les motifs déjà exposés aux points 8 et 10 dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, le préfet n'a pas, en obligeant la requérante à quitter le territoire à destination de l'Algérie, méconnu ces stipulations ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions accessoires à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application au bénéfice de son avocat des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D..., épouseA..., et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre ;
M. Drouet, président-assesseur ;
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 février 2016.
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N° 14LY02876
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