2°) d'annuler la décision du 27 mars 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a ordonné son placement en rétention administrative ;
3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 1502939 du 31 mars 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 27 mars 2015 du préfet de la Haute-Savoie en tant qu'il interdisait à M. B...de revenir sur le territoire français pendant une période de deux années et la décision du même jour ordonnant son placement en centre de rétention administrative, a rejeté le surplus des conclusions de la demande et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 18 mai 2015, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 31 mars 2015 en tant qu'il annule l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans faite à M. B...le 27 mars 2015 et la décision du même jour de le placer en rétention administrative et en tant qu'il fait application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande de M.B....
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, l'interdiction de retour sur le territoire français est suffisamment motivée ;
- c'est à tort que le premier juge a retenu que M. B...présentait des garanties de représentation suffisantes propres à prévenir le risque de fuite.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2015, M.B..., représenté par MeC..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 300 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la motivation de l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisante, dès lors que le préfet n'a ni repris les critères légaux, ni pris en compte sa situation particulière ;
- cette interdiction méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses effets sur sa situation personnelle ;
- la décision de le placer en rétention administrative est disproportionnée et dépourvue de nécessité ; il présente des garanties de représentation suffisantes, étant en possession d'un passeport et d'un permis de conduire et disposant d'une adresse stable au domicile de sa soeur, quand bien même il n'a pas exécuté deux précédentes mesures d'éloignement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Peuvrel,
- et les observations de Me C...de la SCP RobinC..., pour M.B....
1. Considérant que M.B..., ressortissant kosovar né le 4 janvier 1985, est entré en France, selon ses déclarations, en 2008 ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 8 juin 2010, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 8 novembre 2011 ; que, le préfet de la Haute-Savoie, par arrêté du 27 mars 2015, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et, par décision du même jour, l'a placé en rétention administrative ; que le préfet de la Haute-Savoie relève appel du jugement du 31 mars 2015 en tant que, par celui-ci, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans faite à M. B...le 27 mars 2015 et la décision du même jour de le placer en rétention administrative et a fait application des dispositions de l'article L. 761-1 en mettant à sa charge une somme de 600 euros ;
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
2. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté préfectoral : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. " ;
3. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère ;
4. Considérant qu'il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger ; qu'elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet ; qu'elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace ; qu'en revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément ;
5. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêté du 27 mars 2015 que le préfet de la Haute-Savoie a, pour justifier l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans faite à M.B..., retenu que ce dernier se maintenait sur le territoire français en situation irrégulière depuis sept ans et qu'il avait déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement, les 12 décembre 2011 et 7 novembre 2013 ; qu'il n'a pas pris en compte la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le premier juge a estimé que l'interdiction de retour sur le territoire français était insuffisamment motivée ;
Sur la décision de placement en rétention administrative :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date de la décision susmentionnée : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...). " ;
7. Considérant que M. B...a produit de nombreuses pièces mentionnant qu'il résidait chez sa soeur et son beau-frère, à une adresse inchangée depuis son entrée en France, et qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a spontanément déclaré habiter à cette adresse lorsqu'il a été interpellé, et demandé que son beau-frère soit prévenu de son placement en rétention ; que, toutefois, le préfet de la Haute-Savoie produit, pour la première fois en appel, le procès verbal de l'audition, par les services de police, le 14 avril 2014, dans le cadre d'une enquête à fin de vérification de l'exécution par M. B...de la mesure d'éloignement prononcée contre lui le 7 novembre 2013, de son beau-frère, dont il ressort que ce dernier a déclaré que M. B...ne résidait plus chez lui depuis environ deux ans, qu'il ne le voyait qu'épisodiquement, lorsqu'il venait chercher son courrier, et qu'il n'utilisait son adresse qu'à titre de domiciliation postale ; que, dans ces conditions, et nonobstant le fait que M. B...détient un passeport, au demeurant périmé, et un permis de conduire, le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 27 mars 2015 par laquelle il a placé M. B...en rétention administrative ;
8. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les moyens soulevés par M. B...devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon et en appel ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement, prises les 12 décembre 2011 et 7 novembre 2013, qu'il n'a pas exécutées ; que l'intéressé a déclaré, lors de son audition par les services de la gendarmerie nationale, le 27 mars 2015, qu'il ne pouvait pas retourner au Kosovo ; que, dans ces conditions et alors que, comme il a été dit précédemment, il ne peut être regardé comme justifiant d'une adresse stable sur le territoire français, iM. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision par laquelle le préfet de la Haute-Savoie l'a placé en rétention administrative serait dépourvue de nécessité ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à demander l'annulation du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 31 mars 2015 en tant qu'il a annulé la décision du 27 mars 2015 par laquelle il a placé M. B...en rétention administrative ; que le surplus des conclusions de sa requête doit, en revanche, être rejeté ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande M. B...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du 31 mars 2015 est annulé en tant qu'il annule la décision du 27 mars 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a placé M. B...en rétention administrative.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet de la Haute-Savoie est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de M. B...tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- M. Drouet, président-assesseur,
- Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2016.
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N° 15LY01641