Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2016, la commune de Brié et Angonnes, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 juin 2016 ;
2°) de mettre à la charge de M. F... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. F... n'établit pas que sa pathologie est imputable à un nouvel accident de service survenu le 23 septembre 2013 ou à une rechute de l'accident de service subi en 2002 ;
- le comité médical et la commission de réforme ont été saisis conformément à la procédure.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2016, M. F..., représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, que la commune de Brié et Angonnes lui verse une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-53 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Virginie Chevalier-Aubert, rapporteur,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant M.F... ;
1. Considérant que par sa requête susvisée, la commune de Brié et Angonnes relève appel du jugement du 28 juin 2016, par lequel le tribunal administratif de Grenoble, d'une part, a annulé les arrêtés successifs des 16 janvier, 20 février, 9 avril, 22 avril et 28 août 2014 par lesquels son maire a placé M. F..., adjoint administratif de 2ème classe, en congé de maladie ordinaire tout en fixant ses droits à rémunération et, d'autre part, enjoint au maire de reconnaître l'imputabilité au service de l'affection dont M. F...est atteint et d'en tirer toutes les conséquences de droit dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. (...) " ;
3. Considérant que M. F..., qui affirme avoir subi un nouvel accident de service en déplaçant des meubles sur son lieu de travail le 23 septembre 2013, évoque également une rechute de l'accident de service dont il a été victime le 13 décembre 2002, soit onze ans plus tôt ;
4. Considérant toutefois que le médecin expert, saisi par la commune, estime qu'il n'y a pas de lien avec l'accident initial et " pas d'autre fait plus récent répondant à la définition d'un accident de travail " pour conclure que la prise en charge relève de la maladie ordinaire ; que le 25 novembre 2014, la commission de réforme a donné un avis défavorable à la demande d'imputabilité de la rechute en raison de l'absence de lien direct et certain avec le service ; que l'intéressé, qui se borne à produire les certificats d'accident de service ainsi que l'attestation de deux personnes indiquant qu'il était à son poste de travail le 23 septembre 2013 et qu'il avait déplacé une table dans le bureau, n'a produit ni certificats médicaux circonstanciés ou bilans médicaux, ni aucun autre élément susceptible d'établir que, comme il l'affirme, il aurait été victime d'un accident de service le 20 septembre 2013 ou qu'il existerait un lien direct et certain entre les troubles nouveaux dont il est atteint et une aggravation de son état à la suite de l'accident de service du 13 décembre 2002 ; que, dans ces conditions, la commune de Brié et Angonnes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif a retenu l'imputabilité au service de l'accident évoqué par M. F... pour annuler les arrêtés de son maire des 16 janvier 2014, 20 février 2014, 9 avril 2014, 22 avril 2014 et 28 août 2014, ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux ;
5. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F...;
6. Considérant que l'article 16 du décret du 30 juillet 1987, pris pour l'application de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dispose, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, la commission de réforme (...) est obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 57 (2°, 2e alinéa) de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. (...)// Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. // La commission de réforme n'est pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration. La commission de réforme peut, en tant que de besoin, demander à l'administration de lui communiquer les décisions reconnaissant l'imputabilité. " ; qu'en vertu de ces dispositions, le maire de Brié et Angonnes devait obligatoirement consulter la commission de réforme avant de prendre une décision sur la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie dont l'avait saisi M. F... ;
7. Considérant qu'il résulte des dispositions citées au point 2 ci-dessus que le fonctionnaire en activité a droit à des congés de maladie à plein traitement, pendant une durée de trois mois, en cas de maladie dûment constatée le mettant dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions ; qu'au-delà de cette période, il a droit à des congés de maladie à demi-traitement, pendant une durée de neuf mois, s'il lui est toujours impossible d'exercer ses fonctions ; que toutefois, si la maladie est imputable au service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ; que la commission de réforme étant obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions du 2ème alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, l'administration dispose, à compter de la demande présentée à cette fin par le fonctionnaire, d'un délai de deux mois pour se prononcer sur cette demande ;
8. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que quand bien même il ne revêt qu'un caractère consultatif, l'avis de la commission de réforme contribue à garantir que la décision prise sur une demande de reconnaissance de l'imputabilité d'un accident ou d'une pathologie au service le sera de façon éclairée ;
9. Considérant que, eu égard à la circonstance que le certificat médical d'arrêt de travail qu'il a adressé le 11 décembre 2013 à son employeur mentionnait une " rechute de l'accident de travail du 13 décembre 2002 ", M. F... doit être regardé comme ayant demandé à bénéficier d'un congé de maladie à plein traitement dès le 11 décembre 2013 ; qu'il s'ensuit que l'arrêté du maire de Brié et Angonnes du 16 janvier 2014 doit, en ce qu'il place M. F...en congé mi-traitement à compter du 11 février 2014, être regardé comme révélant une décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ; que le délai de deux mois dont disposait le maire de Brié et Angonnes pour répondre à la demande de M. F... s'étant achevé le 11 février 2014, l'administration ne pouvait à compter de cette date, ni légalement maintenir l'intéressé en congé de maladie ordinaire à demi-traitement, ni rejeter sa demande d'imputabilité au service de sa pathologie en l'absence d'avis de la commission de réforme, sauf à établir qu'elle ne pouvait recueillir l'avis de cette commission pour des raisons indépendantes de sa volonté ;
Sur les arrêtés des 20 février, 9 avril, 22 avril et 28 août 2014 :
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme, saisie le 28 août 2014, a rendu un avis le 4 septembre 2014, soit postérieurement aux arrêtés des 20 février, 9 avril, 22 avril et 28 août 2014 par lesquels le maire de Brié et Angonnes a, implicitement ou explicitement, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont est atteint M. F..., sans que l'administration établisse, ni même n'allègue, qu'elle se serait trouvée dans l'impossibilité de recueillir l'avis de cette commission dans le délai prescrit ; qu'ainsi, et alors même que ces arrêtés ont été pris au vu des conclusions d'un médecin expert mandaté par la commune et que la commission de réforme a, ultérieurement, rendu un avis défavorable à sa demande, M. F... est fondé à soutenir que les arrêtés en cause, confirmés sur son recours gracieux ont été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence d'une consultation préalable de la commission de réforme qui, en l'espèce, a été de nature à le priver d'une garantie ;
Sur l'arrêté du 16 janvier 2014 :
11. Considérant que, comme il a été dit au considérant 9 ci-dessus, le délai de deux mois dont disposait l'administration pour répondre à la demande de M. F...s'achevait le 11 février 2014 ; que l'arrêté du 16 janvier 2014 porte placement en congé maladie ordinaire avec demi-traitement à compter du 18 décembre 2013 au 18 février 2014 ; que la période du 18 décembre 2013 au 11 février 2014 se situe à l'intérieur du délai de deux mois suivant la demande de M. F...de bénéficier du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 ; que par suite l'administration pouvait pour cette période du 18 décembre 2013 au 11 février 2014, refuser à M .F... l'octroi d'un congé à plein traitement sans attendre l'avis de la commission de réforme ; que cet arrêté ne doit, dès lors, être annulé qu'en tant seulement qu'il place M. F... en congé maladie à demi-traitement du 11 au 18 février 2014 ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens relatifs à la procédure invoqués par M. F... à l'encontre de l'arrêté du 28 août 2014, que la commune de Brié et Angonnes est seulement fondée à se plaindre de ce que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 16 janvier 2014 en tant qu'il place M. F... en congé maladie à demi-traitement du 18 décembre 2013 au 11 février 2014 ;
13. Considérant en outre que, dès lors que la cour substitue au motif de fond retenu par les premiers juges, un motif fondé sur un vice de légalité externe, il y a également lieu d'annuler l'article 2 du jugement attaqué en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de Grenoble a enjoint au maire de Brié et Angonnes de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de M. F...et d'en tirer toutes les conséquences de droit ;
Sur les frais liés au litige :
14. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1403771-1406425 du 28 juin 2016 du tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il annule l'arrêté du maire de Brié et Angonnes du 16 janvier 2014 en ce que cet arrêté place M. F... en congé maladie à demi-traitement du 18 décembre 2013 au 11 février 2014.
Article 2 : L'article 2 de ce même jugement est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Brié et Angonnes et les conclusions de M. F... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Brié et Angonnes et à M. A... F....
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,
Mme E... C..., première conseillère.
Lu en audience publique le 13 novembre 2018.
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N° 16LY02567