Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 8 juin 2017, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 mai 2017 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 24 octobre 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour d'une durée de trois années " compétences et talents " ou une carte de séjour " mention vie privée et familiale " ou salarié dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de
1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour celui-ci de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'absence d'examen réel et sérieux de sa demande ;
- le caractère irrégulier de son séjour ne pouvait lui être opposé comme condition de recevabilité ou de bien-fondé de sa demande de titre de séjour ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle avant de rejeter sa demande de titre de séjour " compétences et talents " ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste dans l'application des stipulations de l'article 2.3.2 du protocole du 28 avril 2008 eu égard à ses performances sportives;
- le préfet a également commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du même code, en lui refusant un titre de séjour, dès lors qu'il justifie de motifs exceptionnels de régularisation ;
- compte tenu de ce qui a été dit précédemment, il est fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;
- cette obligation est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et est disproportionnée au regard des objectifs poursuivis par la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le préfet a entaché la décision fixant le délai de départ volontaire d'erreur manifeste en ne tenant pas compte de sa situation particulière pour lui accorder un délai supérieur à trente jours pour quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une décision du 3 juillet 2017, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M.B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relatives aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le
28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- et les observations de Me C..., représentant M.B... ;
1. Considérant que M.B..., ressortissant tunisien, né en 1984, est entré en France le 19 octobre 2015, sous couvert d'un visa de court séjour, pour participer à une compétition internationale de boule lyonnaise ; qu'il s'est maintenu sur le territoire français et a sollicité en juillet 2016 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 315-1 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 24 octobre 2016, le préfet du Rhône a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que M. B...relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 10 mai 2017 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 24 octobre 2016 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le tribunal qui a visé le moyen tiré de l'absence d'examen particulier de sa situation personnelle a jugé qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône n'aurait pas procédé à un examen suffisant des circonstances de l'espèce avant de refuser de délivrer un titre de séjour à M.B... ; que, par suite, le moyen tiré de l'omission à répondre du tribunal doit être écarté ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 2.3.2. du protocole du 28 avril 2008 susvisé : " Un titre de séjour " compétences et talents " peut être accordé au ressortissant tunisien susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement économique ou au rayonnement, notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la France et, directement ou indirectement, de la Tunisie. Il est accordé pour une durée de trois ans, renouvelable une fois. Le titulaire de ce titre est dispensé de la signature du contrat d'accueil et d'intégration. / (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 11 de l'accord du 17 mars 1988 susvisé : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. " ; qu'aux termes des dispositions alors applicables de l'article L. 315-3 du même code : " (...) Lorsque l'étranger souhaitant bénéficier d'une carte " compétences et talents " réside régulièrement en France, il présente sa demande auprès du représentant de l'Etat dans le département. Lorsque l'étranger réside hors de France, il présente sa demande auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises territorialement compétentes. / (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces stipulations et dispositions que la demande de délivrance d'une carte de séjour " compétences et talents " est notamment subordonnée, quand le demandeur réside en France, à la condition d'un séjour régulier ;
4. Considérant qu'après avoir opéré la substitution de base légale entre les dispositions de l'article L. 315-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations précitées du protocole franco-tunisien du 28 avril 2008, les premiers juges ont considéré que le préfet du Rhône n'avait pas entaché sa décision d'une erreur de droit en opposant à l'intéressé le motif tiré de son séjour irrégulier sur le territoire français lors de sa demande de délivrance d'une carte de séjour " compétences et talents "; qu'il est constant que M. B...ne résidait pas régulièrement en France à la date à laquelle il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour " compétence et talents " ; qu'ainsi, M. B...ne remplissait pas, comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges, la condition de séjour régulier fixée par les dispositions précitées de l'article L. 315-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant, qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers et des motifs de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation personnelle de M. B...;
6. Considérant que les premiers juges ont écarté à bon droit les moyens tirés par M. B... de l'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des stipulations de l'article 2.3.2 du protocole à l'accord cadre du 28 avril 2008 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter ces mêmes moyens, repris en appel, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité la décision portant refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;
8. Considérant que le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français litigieuse qui, contrairement à ce que soutient M.B..., ne le prive pas de la possibilité de solliciter, lors de son retour dans son pays d'origine, un visa de long séjour, serait disproportionnée " au regard des objectifs poursuivis par la Directive 2008/115/CE " n'est pas assorti des précisions permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
9. Considérant qu'aux termes des dispositions alors applicables du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / (...) " ;
10. Considérant que la seule circonstance que M. B...aurait fait preuve d'un "investissement sportif" n'est pas de nature à établir que le préfet du Rhône, en lui accordant le délai de droit commun de trente jours pour quitter volontairement le territoire français, aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'il présente au bénéfice de son avocat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,
Mme E...D..., première conseillère.
Lu en audience publique le 13 novembre 2018.
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N° 17LY02296