Par un jugement n° 1702518 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'article 3 de l'arrêté du préfet de l'Isère en tant qu'il précise que les pays autres que celui dont Mme B...possède la nationalité, où elle sera légalement admissible, doivent ne pas être membres de l'Union européenne ou ne pas être des pays avec lesquels l'acquis de Schengen s'applique et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 2 août 2017, Mme B...épouseE..., représentée par MeF..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2017 du tribunal administratif de Grenoble;
2°) d'annuler du préfet de l'Isère du 2 mars 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou à défaut de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de
2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour celui-ci de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'erreurs de fait dès lors que son époux ne s'est pas établi en Italie et que le préfet n'a pas contesté les attaches familiales et personnelles de ce dernier en France ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant en compétence liée ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues.
Par une décision du 5 septembre 2017, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme B...épouseE....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur,
1.Considérant que Mme B...épouseE..., ressortissante marocaine relève appel du jugement du 6 juillet 2017, par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après avoir annulé l'article 3 de l'arrêté du 2 mars 2017 du préfet de l'Isère en tant qu'il précise que les pays autres que celui dont Mme B...possède la nationalité, où elle sera légalement admissible, doivent ne pas être membres de l'Union européenne ou ne pas être des pays avec lesquels l'acquis de Schengen s'applique, a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de destination ;
2. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet de l'Isère ne s'est pas borné à se fonder sur la possibilité d'un regroupement familial à l'initiative de son époux pour refuser à Mme B...épouse E...un titre de séjour, mais a procédé à l'examen de l'ensemble de sa situation familiale et privée sans entacher son arrêté des erreurs de fait allégués ; que par suite, il y lieu d'écarter le moyen tiré de ce que le préfet se serait à tort cru en situation de compétence liée et celui tiré du défaut d'examen particulier de sa situation ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...). " ; qu'aux termes de l'article L.313-14 du même code dans sa rédaction applicable en l'espèce : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...épouse E...née en 1963, est entrée en France le 19 novembre 2014, sous couvert de son passeport et d'une carte de séjour longue durée CE italienne d'une durée illimitée ; que le 10 janvier 2015, elle a épousé à M. E..., ressortissant algérien vivant régulièrement en France ; que Mme B... épouseE..., qui déclare apporter une aide à son époux invalide, ne justifie pas être la seule personne à pouvoir lui apporter cette aide ; que si elle fait valoir que les ressources financières actuelles de son époux, à raison notamment de la perception par ce dernier de l'allocation aux adultes handicapés et d'une rente accident de travail, sont insuffisantes pour qu'une décision de regroupement familial puisse être prise en sa faveur, elle ne démontre toutefois pas qu'elle serait dans l'impossibilité de bénéficier de la procédure de regroupement familial, le préfet n'étant pas, en situation de compétence liée pour refuser une autorisation de regroupement familial au seul motif de l'insuffisance des ressources ; que dans ces conditions et compte-tenu de la courte durée de son séjour en France et de la communauté de vie entre les époux à la date de l'arrêté en litige, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Isère a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive au regard tant des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que des dispositions de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5.Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...épouse E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'il présente au bénéfice de son avocat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...épouse E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...épouse E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,
Mme D...C..., première conseilleère.
Lu en audience publique le 13 novembre 2018.
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N° 17LY02996