Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 22 juillet 2016, M. B...A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1601822 du tribunal administratif de Grenoble du 23 juin 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de transférer le dossier au préfet de la Drôme afin que celui-ci réexamine la demande du requérant ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salariée " ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel et non compris dans les dépens.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement attaqué :
- le tribunal a dénaturé les pièces du dossier dès lors que M. A...n'a pas déposé une nouvelle demande de titre de séjour devant le préfet de la Drôme, mais a seulement informé ce dernier de son changement d'adresse afin que sa demande de titre soit transférée depuis la préfecture des Bouches-du-Rhône ;
- le principe du contradictoire a été méconnu dès lors que la décision du préfet lui a été notifiée dans les Bouches-du-Rhône alors qu'il avait signalé son changement d'adresse et que, par suite, sa requête n'était pas tardive ;
S'agissant du refus de titre de séjour :
- le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas compétent pour se prononcer sur sa demande de titre de séjour ;
- que le préfet a commis une erreur de droit en considérant ne pas être saisi d'une demande de titre de séjour portant la mention salariée en vertu de son pouvoir de régularisation ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) en raison de son entrée régulière en France depuis 2011 et de son insertion par le travail depuis le 9 septembre 2014 ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié relatif au séjour et au travail des personnes ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Deliancourt a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., ressortissant tunisien né 6 octobre 1989, a présenté une demande de titre de séjour auprès des services de la préfecture des Bouches-du-Rhône le 28 août 2015 ; que, par l'arrêté attaqué du 3 décembre 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que M. A...a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande par le jugement lu le 23 juin 2016 dont M. A...relève appel ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le titre de séjour est délivré par le préfet du département dans lequel l'étranger a sa résidence et, à Paris, par le préfet de police. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 321-8 du même code : " Tout étranger, séjournant en France et astreint à la possession d'une autorisation de séjour, est tenu, lorsqu'il transfère le lieu de sa résidence effective et permanente, même dans les limites d'une commune si celle-ci compte plus de dix mille habitants, d'en faire la déclaration, dans les huit jours de son arrivée, au commissariat de police ou, à défaut de commissariat, à la mairie en indiquant très exactement le lieu de son ancienne résidence ainsi que sa profession " ;
3. Considérant que M. A... conteste en cause d'appel la tardiveté de sa demande de première instance opposée par le tribunal administratif de Grenoble dans le jugement contesté ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a déposé sa demande de titre de séjour devant le préfet des Bouches-du-Rhône le 28 août 2015 en mentionnant son adresse postale à Marseille ; qu'à la suite de son changement de résidence dans le département de la Drôme, il a entrepris le 9 novembre 2015 des démarches auprès des services de la préfecture de ce dernier département, lesquelles ont abouti à la remise d'un récépissé au titre de sa " première demande de titre de séjour portant la mention vie privée et familiale " ; qu'ainsi, M. A..., en se présentant auprès des services de la préfecture de la Drôme, doit être regardé comme ayant accompli les diligences nécessaires pour que sa nouvelle adresse fût connue de l'administration ; qu'il ne peut dès lors lui être utilement opposé le fait que le préfet de la Drôme a omis d'informer le préfet des Bouches-du-Rhône de son changement de domicile ; que, dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement contesté, les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir opposée par le préfet des Bouches-du-Rhône tirée de ce que la demande présentée devant le tribunal administratif de Grenoble était tardive et ne pouvait être accueillie ; qu'ainsi, ledit jugement doit être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par M. A..., qu'à la date à laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M.A..., ce dernier résidait à Loriol, dans le département de la Drôme ; qu'en vertu des dispositions précitées de l'article R. 311-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Drôme était la seule autorité compétente pour se prononcer sur sa demande, sans que pût y faire obstacle le fait que si M. A...avait informé l'administration de son nouveau domicile, il ne l'avait pas fait dans les formes prescrites par les dispositions de l'article R. 321-8 du même code ; que, dès lors, le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas compétent pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par cette dernière ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autre moyens de légalité, l'arrêté contesté doit être annulé ;
6. Considérant qu'eu égard au motif de l'annulation prononcée par la cour, il ne peut être fait droit aux conclusions présentées par M. A...tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; qu'il n'y a pas lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de transmettre son dossier au préfet de la Drôme dès lors que ce dernier a déjà été saisi par M. A... ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A...doivent, par suite, être rejetées ;
7. Considérant qu'il y lieu de condamner l'Etat à verser à M. A... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui tant en première instance qu'en appel et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1601822 du 23 juin 2016 du tribunal administratif de Grenoble et l'arrêté contesté du préfet des Bouches-du-Rhône du 3 décembre 2015 sont annulés.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Drouet, président de la formation de jugement,
Mme Peuvrel, premier conseiller,
M. Deliancourt, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 décembre 2016.
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N° 16LY02554
mg