Par un jugement n° 0701150 du 17 décembre 2010, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Par une ordonnance n° 11LY00400 du 22 février 2011, le président de la Cour a transmis au Conseil d'Etat le pourvoi présenté par MmeB....
Par une décision n° 347013 du 15 novembre 2012, le Conseil d'Etat a annulé le jugement du 17 décembre 2010 et renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Grenoble.
Par un jugement n° 1301308 du 16 juillet 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de MmeB....
Par une ordonnance n° 384631 du 6 mars 2015, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a désigné la Cour pour statuer sur la requête de Mme B...dirigée contre ce jugement du 16 juillet 2014.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 30 octobre 2015, Mme C...B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 juillet 2014 ;
2°) d'annuler les décisions du 1er septembre 2006 de l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale de l'Isère et du 8 janvier 2007 du ministre de l'éducation nationale ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de prendre une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident survenu le 17 juin 1997, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens, ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que, dès lors qu'une pathologie a été contractée à l'occasion de l'exercice des fonctions, elle doit être regardée comme un accident de service, peu important que l'événement en cause n'ait pas de caractère soudain ou qu'aucun fait accidentel n'ait été constaté lors du travail effectué ; la matérialité de l'accident de service est établie, qu'il soit considéré comme tenant à l'opération de manipulation elle-même ou à une douleur ressentie au moment de cette opération ; le déménagement pratiqué est à l'origine directe des douleurs qui ont conduit à ses arrêts de travail ; le Conseil d'Etat a tacitement mais nécessairement fait référence à la présomption d'imputabilité de l'accident au service ; la tendinite dont elle souffre et qui est à l'origine de son placement en congé de maladie est apparue en juin 1997 et s'est aggravée en septembre de la même année ; la chronologie des faits, alors qu'elle ne souffrait d'aucune pathologie antérieure, établit le lien de causalité entre sa pathologie et le service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2015, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- le jugement est suffisamment motivé ;
- un accident est défini comme un événement soudain et violent, en lien direct avec le service ; il n'est pas établi que Mme B...ait été victime d'un accident, au sens de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, ni qu'il existe un lien direct entre la pathologie dont elle souffre et le service ; Mme B...n'a effectué aucune déclaration d'accident de service auprès de son supérieur hiérarchique au moment de la survenance des faits, comme elle devait en principe le faire pour obtenir la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident dont elle se prévaut ; s'il n'est pas contesté que les douleurs tendineuses de la requérante se sont pour la première fois manifestées au cours de la fin d'année scolaire 1996-1997, il n'est en revanche établi par aucune pièce du dossier qu'un événement soudain susceptible d'être qualifié d'accidentel se serait produit au cours de ce déménagement, qui serait à l'origine de la lésion invoquée ; aucune pièce ne permet d'établir avec certitude l'événement qui serait à l'origine de la pathologie ni, a fortiori, sa date de survenance ; la circonstance que la requérante aurait consulté pour la première fois son médecin traitant le 17 juin 1997 pour des douleurs au poignet ne suffit pas à démontrer que ces douleurs trouvent leur origine dans un événement précisément déterminé et daté, constitué par le déménagement des ouvrages de la bibliothèque de l'école ; aucun des rapports d'expertise produits n'indique avec certitude que la tendinite dont souffre la requérante serait en lien direct avec le déménagement des ouvrages de la bibliothèque de l'école.
Par ordonnance du 3 novembre 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Clément, rapporteur public.
1. Considérant que MmeB..., admise à faire valoir ses droits à la retraite en 2006, était institutrice depuis 1972 au sein de l'école primaire publique Germinal de Charnècles, dont elle est devenue directrice en 1985 ; qu'ayant été atteinte d'une tendinite pour laquelle elle a subi une intervention chirurgicale le 9 juin 1998, elle a été placée en congé de longue maladie pour la période du 9 juin 1998 au 8 juin 2001, puis a bénéficié l'année suivante d'un mitemps thérapeutique jusqu'au 8 juin 2002 ; qu'elle a sollicité, par courrier du 2 avril 1999, la reconnaissance de cette affection comme maladie professionnelle ; que le refus qui lui a été opposé ayant été annulé par le tribunal administratif par jugement du 6 mai 2004, elle a, par courrier du 28 décembre 2004, demandé que cette affection soit reconnue comme étant la conséquence d'un accident de service qu'elle aurait subi en procédant, en juin 1997, dans le cadre de la rénovation de l'école, au déménagement des ouvrages de la bibliothèque scolaire ; qu'après avis de la commission de réforme, réunie le 15 mars 2005, puis, après expertise, le 11 juillet 2006, l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale de l'Isère a, par décision du 1er septembre 2006, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre MmeB... ; que cette décision a été confirmée, sur recours hiérarchique de l'intéressée, le 8 janvier 2007 par le ministre de l'éducation nationale ; que, le 3 mai 2007, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a ordonné une expertise médicale, qu'il a confiée au docteur Parisot, lequel a remis son rapport le 30 juillet 2007 ; que Mme B...relève appel du jugement du 16 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation des décisions des 1er septembre 2006 et 8 janvier 2007 ;
Sur la légalité des décisions des 1er septembre 2006 et 8 janvier 2007 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, dans sa rédaction applicable à la date des décisions contestées : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que le déménagement des livres de la bibliothèque scolaire a été réalisé par Mme B...avec l'aide de Mme D...en juin 1997 ; qu'il n'est pas davantage contesté que Mme B...a consulté son médecin traitant le 17 juin 1997 pour des douleurs aux poignets, en particulier à gauche ; que, selon le témoignage de MmeD..., établi le 26 mars 1999, Mme B...s'est, au cours du déménagement, plainte à plusieurs reprises de douleurs au poignet gauche, témoignage corroboré notamment par celui d'une autre collègue de Mme B...indiquant qu'à la suite de ce déménagement, l'intéressée a souffert de douleurs au poignet gauche ; que le rapport d'expertise remis par le docteur Parisot le 30 juillet 2007 relève une "concordance de temps entre le déménagement invoqué de nombreux livres et la pathologie en cause, le plus souvent déclenchée par des gestes répétitifs" ;
4. Considérant, d'autre part, que, si l'arrêt de travail de Mme B...fait suite à l'opération chirurgicale qu'elle a subie le 9 juin 1998, au cours de laquelle la tendinite dont elle souffrait initialement a été compliquée d'une algodystrophie sévère, il est constant que cette opération est, ainsi que le souligne le rapport d'expertise du docteur Parisot, "en lien direct avec la tendinite du poignet gauche qui est d'ailleurs le motif de cette intervention" ; que l'existence de ce lien n'est pas remis en cause par les conclusions de deux expertises médicales antérieures effectuées par le docteur Genthon le 9 novembre 2004 et par le docteur Pillon le 1er juin 2006 écartant l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre Mme B...en se fondant, pour le premier, sur le fait que la pathologie dominante chronique étant l'algoneurodystrophie post-opératoire et non une tendinite, elle n'entre pas dans le champ du tableau des maladies professionnelles 57C, alors que ce tableau n'est pas applicable aux fonctionnaires de l'Etat, et, pour le second, sur l'absence d'élément reliant la pathologie actuelle à un fait accidentel survenu au cours du service, alors que les éléments versés au dossier sont de nature à établir que cette pathologie est apparue à l'occasion de travaux de déménagement de la bibliothèque de l'école, même si des complications sont survenues à la suite d'une intervention chirurgicale ; que, par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire applicable à la date des faits de l'espèce, ne fixait de délai s'imposant au fonctionnaire, à peine de forclusion, pour déclarer un accident de service ; que dans ces conditions et alors qu'aucune manifestation de la pathologie qui a justifié les congés de maladie accordés à l'intéressée n'avait été décelée antérieurement, cette pathologie doit être regardée comme imputable au service ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de la décision de l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale de l'Isère du 1er septembre 2006 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et de la décision du ministre de l'éducation nationale du 8 janvier 2007 rejetant son recours hiérarchique ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; que le présent arrêt implique que le ministre chargé de l'éducation nationale prenne une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie ayant justifié les congés de maladie dont Mme B... a bénéficié à compter de 1998 ; qu'il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au ministre de prendre une telle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 juillet 2014 est annulé.
Article 2 : La décision du 1er septembre 2006 de l'inspecteur d'académie-directeur des services départementaux de l'Isère et la décision du 8 janvier 2007 du ministre de l'éducation nationale, sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au ministre chargé de l'éducation nationale de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre ;
M. Drouet, président-assesseur ;
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 février 2016.
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N° 15LY00923
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