Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2017, M.B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 septembre 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 mai 2017 du préfet de l'Isère ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt de lui délivrer un certificat de résidence algérien " vie privée et familiale " et subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les deux jours suivant cette notification ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
-le préfet devait instruire sa demande autorisation de travail ou la transmettre à la Direccte pour instruction ;
- il méconnaît le 7°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droit de l'enfant ;
- qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Chevalier-Aubert, président assesseur ;
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., né en 1982, de nationalité tunisienne, relève appel du jugement du 26 septembre 2017 du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 23 mai 2017 du préfet de l'Isère portant refus de délivrance d'un titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur la légalité de l'arrêté du 23 mai 2017 :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
2. L'arrêté mentionne notamment les conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé, son mariage avec une ressortissante algérienne avec laquelle il a eu un enfant. Le préfet n'étant pas tenu de se prononcer sur l'ensemble des arguments présentés par le requérant, cet arrêté est suffisamment motivé au regard des exigences prévues par les articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
3. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. M. B...n'établit pas avoir présenté une demande de titre de séjour salarié. Il ne ressort pas termes de la décision portant refus de séjour que le préfet de l'Isère qui, n'a pas spécifiquement visé l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié aurait examiné d'office une demande de délivrance d'un titre de séjour salarié. Il ne peut par suite être reproché au préfet de ne pas avoir instruit sa demande sur un autre fondement que celui sollicité. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des énonciations de l'arrêté en cause, que le préfet aurait procédé à un examen insuffisant de la situation personnelle de M. B...avant de refuser de lui délivrer le titre de séjour sollicité.
4. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". " Enfin, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
5. M. B...soutient que le centre de ses intérêts privés se trouve désormais en France où il réside depuis l'année 2011, a suivi ses études, a travaillé, a épousé en avril 2017 une ressortissante algérienne avec lequel elle a eu un enfant, né en mars 2017. Toutefois, l'intéressé, qui est entré en France en qualité d'étudiant et n'avait donc pas vocation à s'y maintenir, a fait l'objet d'un précédent refus de titre de séjour par un arrêté du 17 juin 2016 dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 octobre 2016, confirmé par une ordonnance du président de la cour d'appel de Lyon du 19 décembre 2016. La circonstance que M. B...et son épouse, ressortissante algérienne séjournant régulièrement en France sous couvert d'une carte de résident valable dix ans sont de nationalité différente n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à la reconstitution de la cellule familiale hors du territoire français. Si le requérant soutient que l'insuffisance des ressources financières de son épouse fait obstacle à ce qu'il puisse bénéficier effectivement du regroupement familial, le préfet n'est en tout état de cause jamais tenu de rejeter sur ce motif une demande de regroupement familial. Il est constant que les parents et les huit frères et soeurs du requérant résident dans son pays d'origine, dans lequel lui-même a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. Dans ces conditions, et alors même que M. B...se prévaut de son intégration et de perspectives d'insertion professionnelle, le préfet de l'Isère n'a pas, en prenant la décision contestée, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a ainsi méconnu ni les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 7 quater de l'accord franco-tunisien de 1988, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les nationalités différentes de M. B...et de son épouse rendraient impossible toute vie commune, avec leur enfant, hors du territoire national. De même, la circonstance que M. B...serait temporairement séparé de son enfant, dans le cas où son épouse solliciterait à son profit le regroupement familial, n'est pas de nature à faire regarder cette décision comme étant prise en violation des stipulations précitées.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fins d'injonction comme celles tendant à ce que soient mis à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.
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N° 17LY03723