Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 mai 2016 et un mémoire enregistré le 8 février 2017, M. B..., représenté par Me Guérault, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1508102 du tribunal administratif de Lyon du 5 février 2016 ;
2°) d'annuler les décisions du 1er septembre 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant mention "vie privée et familiale" dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier car il n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet ;
- les décisions du préfet ne sont pas suffisamment motivées en droit dès lors qu'elles ne visent aucun article précis, et notamment pas l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elles n'articulent aucune circonstance de fait, ni aucun motif de nature à justifier que l'administration a pris en compte l'intérêt supérieur de l'enfant ;
- les décisions contestées méconnaissent les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien dès lors que la circonstance que M. B...relève de la procédure de regroupement familial ne saurait par elle-même intervenir dans l'appréciation de la gravité de l'atteinte à sa situation ;
- toute la famille de son épouse avec laquelle il est marié depuis trois ans réside régulièrement en France, qu'il a un enfant et que son épouse est enceinte de leur deuxième enfant ;
- leurs ressources ne leur permettent pas de prétendre au bénéfice du regroupement familial.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 février 2017, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B...à lui verser une somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 30 mars 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Samuel Deliancourt, premier conseiller,
- et les observations de Me Guerault, avocat, pour M.B... ;
1. Considérant que M.B..., ressortissant tunisien né le 7 novembre 1981, relève appel du jugement du 5 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 1er septembre 2015 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a l'obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination ;
Sur la régularité du jugement contesté :
2. Considérant que, si M. B...soutient que le jugement contesté serait irrégulier au motif que le tribunal administratif de Lyon n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet du Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne son droit au respect de sa vie privée et familiale, les premiers juges y ont toutefois implicitement mais nécessairement répondu en écartant le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et reposant sur les mêmes arguments ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté contesté précise les éléments de fait relatifs à sa situation en France et vise les dispositions légales et conventionnelles dont il a été, en l'espèce, fait application ; que cet arrêté est ainsi suffisamment motivé au regard des exigences de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;
4. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêté litigieux, qui vise notamment la convention de New York relative aux droits de l'enfant, que le préfet a examiné la situation d'ensemble de M.B..., sans ignorer la présence de sa fille née le 29 juin 2015 ;
5. Considérant que M.B..., qui entre dans la catégorie des étrangers relevant du regroupement familial, ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet du Rhône, s'il a relevé à juste titre que M. B...entrait dans l'une des catégories ouvrant droit au regroupement familial, ne s'est pas, contrairement à ce qui est soutenu, estimé tenu de refuser de lui délivrer un titre de séjour sans apprécier sa situation au regard de son droit à mener une vie privée et familiale normale ;
7. Considérant que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent être interprétées comme permettant aux ressortissants étrangers de choisir librement le lieu de leur établissement ; qu'il est constant que M.B..., qui a passé l'essentiel de son existence en Tunisie où il a épousé, le 13 juillet 2012, une de ses compatriotes, Mme C...B...née le 21 juillet 1979, laquelle réside en France depuis 1991 sous couvert d'une carte de résident valable du 25 mars 2013 au 24 mars 2023, et avec laquelle il a eu une fille Cheïths née à Lyon le 29 juin 2015, et qui, comme il a été dit ci-dessus, relève des dispositions relatives au regroupement familial, n'est présent en France que depuis le 12 juillet 2015 ; qu'eu égard à la faible ancienneté de son séjour sur le territoire et à la circonstance qu'il a vécu séparé de son épouse depuis son mariage, il n'est pas fondé à soutenir que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire portent une atteinte excessive à son droit à mener une vie privée et familiale normale ni, pour les mêmes raisons, que le préfet a entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, si M. B...soutient que les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français auront nécessairement pour conséquence de séparer l'enfant de l'un de ses deux parents, la cellule familiale peut cependant se reconstituer hors de France, nonobstant la circonstance que son épouse réside régulièrement en France et la durée de présence de celle-ci, en l'absence de toute circonstance invoquée susceptible de faire légitimement obstacle à ce que son épouse et son enfant, qui possèdent la même nationalité que lui, s'établissent dans son pays d'origine ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles que présente son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions également présentées à ce titre par l'Etat ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à Me Guérault et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 21 février 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Régis Fraisse, président de la cour,
- M. Hervé Drouet, président assesseur,
- M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 mars 2017.
2
N° 16LY01543
al