Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mars 2015, M.B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 16 février 2015 en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions ;
2°) d'annuler les décisions prises le 11 février 2015 par le préfet du Rhône l'obligeant à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et désignant un pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ledit conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un détournement de pouvoir, le préfet du Rhône ayant eu pour seul motif, en prononçant cette mesure, de faire obstacle à son mariage avec une ressortissante française ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le premier juge a insuffisamment motivé son jugement en ne précisant pas pour quel motif il estimait qu'il existait un risque de fuite ;
- la seule circonstance qu'il n'aurait pas exécuté une précédente mesure d'éloignement n'est pas de nature à caractériser un tel risque, dès lors que la soustraction volontaire à une mesure d'éloignement correspond à une qualification légale à l'origine d'une infraction pénale et recouvre l'hypothèse d'un refus d'embarquement pour une personne retenue ou pour une soustraction à une mesure d'assignation à résidence ;
- le premier juge n'a pas répondu à ce moyen ;
- le préfet du Rhône a commis une erreur de fait et une erreur de droit en estimant qu'il ne justifiait pas de ses moyens d'existence ; il dispose de garanties de représentation suffisante, étant en possession d'un passeport et d'un domicile stable ;
- en le privant d'un délai de départ volontaire au seul motif qu'il s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement, alors qu'il n'entre dans aucune des hypothèses prévues par le II de l'article L. 511-1 permettant de présumer un risque de fuite, le préfet du Rhône a commis une erreur de droit ; il n'a pas examiné les circonstances particulières propres à sa situation personnelle ;
- la décision désignant la Tunisie comme pays de renvoi est illégale en ce qu'elle a été prise sur le fondement de décisions elles-mêmes illégales.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., ressortissant tunisien né le 1er décembre 1980, est entré en France en décembre 2011, selon ses déclarations ; qu'à la suite du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 23 mai 2012, puis par la Cour nationale du droit d'asile par décision du 2 novembre 2012, le préfet du Rhône a, le 29 mai 2013, refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que, par décisions du 11 février 2015, le préfet du Rhône a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays où il serait légalement admissible et l'a placé en rétention administrative ; que, par jugement du 16 février 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé cette dernière décision et a rejeté le surplus des conclusions de M.B... ; que celui-ci relève appel de ce jugement dans cette mesure ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant, en premier lieu, que M. B...fait valoir qu'à la date de la décision contestée, le 11 février 2015, il était sur le point de contracter mariage avec une ressortissante française ; que M. B...a été interpellé le 11 février 2015 alors qu'il s'était rendu à une convocation de la gendarmerie dans le cadre d'une enquête ouverte, sur le fondement de l'article 175-2 du code civil, à la demande du procureur de la République ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'aucune date n'était fixée pour le mariage, le projet d'union, initialement fixé au 14 février 2015, ayant été reporté après que, par décision du 2 février 2015, le procureur de la République de Lyon a prononcé un sursis de trente jours dans l'attente des résultats de l'enquête qu'il avait diligentée ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la décision contestée, essentiellement fondée sur le risque que M. B...se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français, ne peut être regardée comme ayant revêtu un caractère précipité et eu pour motif déterminant de faire obstacle à son mariage ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet du Rhône aurait commis un détournement de pouvoir en obligeant M. B...à quitter le territoire français doit être écarté ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2 / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
4. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le premier juge, d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige porterait une atteinte disproportionnée au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale, tel qu'il est garanti par ces stipulations ;
En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :
5. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) " ;
6. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le risque de fuite est présumé établi en cas de soustraction à une précédente mesure d'éloignement ; qu'il est constant que M. B... a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français le 29 mai 2013, qu'il n'a pas mise à exécution ; que la circonstance qu'une telle inexécution serait constitutive d'une infraction pénale est sans incidence sur la caractérisation du risque de fuite, au sens du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ressort des termes de la décision attaquée et des pièces du dossier que le préfet du Rhône, qui a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M.B..., aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur le fait que ce dernier ne justifiait pas de moyens d'existence et de garanties de représentation suffisants ; que, par suite, c'est à bon droit que, par un jugement suffisamment motivé, le premier juge, qui n'était pas tenu de répondre à un moyen inopérant, a rejeté les conclusions de M. B...tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire ;
En ce qui concerne le pays de renvoi :
7. Considérant que M. B...n'ayant pas démontré l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé à s'en prévaloir par voie d'exception à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande concernant les décisions du 11 février 2015 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé, ni par suite, à demander, dans cette mesure l'annulation de ce jugement ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant que le présent arrêt, qui confirme le rejet des conclusions de M. B...dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français sans délai et la désignation du pays de renvoi, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme dont le requérant demande le versement à son avocat au titre des frais non compris dans les dépens en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2016, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre ;
M. Drouet, président-assesseur ;
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 juin 2016.
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N° 15LY00746