Par une ordonnance du 30 mars 2015, prise en application de l'article R. 322-3 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13 mars 2015, 31 mars, 21 et 26 avril 2016, ces deux derniers n'ayant pas été communiqués, M. et Mme H..., M.A..., MmeD..., M. Z..., MmeG..., M. et MmeT..., M. et MmeK..., M. et Mme O..., M. et MmeV..., M. et MmeC..., Mme Q...et M. U...demandent à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance de la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 15 janvier 2015 ;
2°) à titre principal, de les renvoyer devant le tribunal administratif de Marseille ou, subsidiairement, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Barbentane et de la SCCV La Tour le paiement, chacune, d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'intérêt à agir pouvant faire l'objet d'une régularisation, leur demande ne relevait pas du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; la demande de régularisation était ambigüe et imprécise ; ils y ont répondu en justifiant de leur intérêt à agir ; leur demande n'était pas manifestement irrecevable ; ils sont dans le voisinage proche du projet d'habitat collectif, d'une ampleur importante ; ils occupent des maisons individuelles ; l'utilisation de leurs propriétés respectives est affectée par le projet ; il en sera visible et dénaturera le quartier, comportant notamment des nuisances visuelles, sonores, pour la circulation ou le stationnement ainsi que des risques de fragilisation des constructions voisines ; seront spécialement affectés M. et Mme H..., M. et MmeV..., M. et MmeT..., M. et Mme C...et M. A...; ils ont donc intérêt à agir ;
- les articles R. 431-10 et R. 431-13 du code de l'urbanisme ont été méconnus ;
- l'arrêté n'est pas motivé ;
- le dossier est incomplet ;
- les prescriptions sont irréalisables ;
- les articles UA 6 ; UA 7, UA 10 et UA 11 du règlement du plan local d'urbanisme ont été violés ;
- il y a méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;
- le permis, qui ne peut être régularisé, ne peut être annulé que dans sa totalité.
Par un mémoire enregistré le 23 novembre 2015, la SCCV La Tour conclut, à titre principal, au rejet de la requête, subsidiairement, à l'application des articles L. 600-5, L. 600-5-1 et R. 600-4 du code de l'urbanisme, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme H...et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les requérants sont dépourvus d'intérêt à agir et n'en justifient pas ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
- aucune annulation totale du permis n'est justifiée et, le cas échéant, les vices éventuels l'entachant pourraient donner lieu à régularisation.
Par un mémoire enregistré le 1er avril 2016, la commune de Barbentane conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme H...et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les requérants sont sans intérêt à agir et n'en justifient pas ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 16 mars 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er avril 2016 et par une ordonnance du 5 avril 2016, la clôture de l'instruction a été reportée au 21 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Picard,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- les observations de Me Blanc, avocat de M. et MmeH..., M.A..., Mme D..., M. Z..., MmeG..., M. et MmeT..., M. et Mme K..., M. et MmeO..., M. et MmeV..., M. et MmeC..., Mme Q...et M.U....
1. Considérant que par un arrêté du 3 juillet 2014, le maire de Barbentane a accordé à la SCCV La Tour un permis pour la construction d'un immeuble de 20 logements en R+2, correspondant à une surface hors oeuvre nette de 1 865,50 m², sur un terrain situé 11 route de Frigolet ; que, par une ordonnance du 15 janvier 2015, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté la demande de M. et Mme H...et autres tendant à l'annulation de cet arrêté au motif que, malgré l'invitation adressée à leur conseil par un courrier du 26 novembre 2014, ils n'avaient pas justifié de leur intérêt à agir au regard des exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ; que les intéressés relèvent appel de cette ordonnance ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 3 du code de justice administrative : " Les jugements sont rendus en formation collégiale, sauf s'il en est autrement disposé par la loi " ; que l'article L. 222-1 du même code dispose que : " Les jugements des tribunaux administratifs (...) sont rendus par des formations collégiales, sous réserve des exceptions tenant à l'objet du litige ou à la nature des questions à juger " ; qu'aux termes de l'article R. 222-1 de ce code : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation " ; qu'aux termes de l'article L. 600-1-3 du même code : " Sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l'intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager s'apprécie à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. " ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dernières dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien ; qu'il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ; que le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci ; qu'eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction ;
5. Considérant que, devant la cour, M. et MmeH..., qui sont propriétaires d'une maison située à proximité immédiate du terrain d'assiette du projet contesté, face à celui-ci, de l'autre côté de la route de Frigolet, font valoir qu'ils subiraient nécessairement les conséquences de ce projet du fait, en particulier, de la vue directe et plongeante de ses occupants sur leur ensemble immobilier, des nuisances, notamment sonores, en résultant pour eux et, en particulier, des risques de dommages pour les murs et les fondations de leur maison ; qu'il ressort également des éléments produits par M. et Mme C...devant la cour que les travaux de construction de l'immeuble litigieux sont susceptibles d'affecter la stabilité du terrain d'assiette de leur maison, dont rien ne permet de dire qu'ils n'en seraient pas les occupants légitimes, qui est située en surplomb direct du projet ; que même si la caserne de sapeurs-pompiers jusqu'alors présente sur le site d'implantation du projet était source d'inconvénients et de nuisances d'ordres divers pour les voisins, l'atteinte aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien invoquée par les M. et Mme H...et M. et Mme C...paraît établie ; qu'ils justifient ainsi, à la date d'affichage en mairie de la demande de permis présentée par la SCCV La Tour, d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté contesté ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin de rechercher si les autres demandeurs avaient intérêt pour agir, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille ne pouvait pas, sans commettre d'irrégularité, regarder comme manifestement irrecevable au sens du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative la demande d'annulation de l'arrêté du maire de Barbentane du 3 juillet 2014 dont M. et Mme H...et autres avaient saisi ce tribunal et la rejeter pour ce motif ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme H...et autres sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Barbentane et de la SCCV La Tour le paiement, chacune, à M. et Mme H... et autres d'une somme globale de 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que M. et Mme H...et autres, qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, versent une somme à la commune de Barbentane et à la SCCV La Tour au titre des frais exposés par elles à l'occasion du litige ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 351-8 du code de justice administrative : " Lorsque des considérations de bonne administration de la justice l'imposent, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, de sa propre initiative ou sur la demande d'un président de tribunal administratif ou de cour administrative d'appel, attribue, par une ordonnance motivée qui n'est pas susceptible de recours, le jugement d'une ou plusieurs affaires à la juridiction qu'il désigne. " ; que MmeQ..., qui est au nombre des demandeurs de première instance, est actuellement affectée au tribunal administratif de Marseille, auquel l'affaire doit être renvoyée ; que, dès lors, il y a lieu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de transmettre le dossier de l'affaire au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, afin qu'il désigne la juridiction de renvoi ;
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance de la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 15 janvier 2015 est annulée.
Article 2 : M. et Mme H...et autres sont renvoyés, pour qu'il soit statué sur leur demande, devant le tribunal administratif qui sera désigné par le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à qui le dossier de l'affaire est transmis.
Article 3 : La commune de Barbentane versera à M. et Mme H...et autres une somme globale de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La SCCV La Tour versera à M. et Mme H...et autres une somme globale de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Barbentane et de la SCCV La Tour tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y...H...et Mme R...H..., à M. F... A..., à Mme S...D..., à M. X... Z..., à Mme M...G..., à M. B...T...et Mme R...T..., à M. et Mme E...K..., à M. P...O...et Mme L...O..., à M. et Mme J...V..., à M. et Mme I...C..., à Mme W...Q..., à M. N... U..., à la commune de Barbentane et à la SCCV La Tour.
Il en sera adressé copie au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2016, à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Picard, président assesseur,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 juin 2016.
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N° 15LY01287
mg