Procédure devant la Cour :
I) Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 14 septembre 2015 et le 3 décembre 2015, M.A..., représenté par la SCP Couderc-D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 14 août 2015 ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
Il soutient :
- que le refus de séjour sur la base duquel les décisions contestées ont été prises est illégal au regard de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 10.1 c) de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- que dès lors qu'il remplit les conditions requises pour la délivrance d'une carte de résident au titre de l'accord franco-tunisien, il était protégé contre une mesure d'éloignement ;
- que le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- qu'en ce qui concerne le maintien en rétention, le premier juge a considéré à tort qu'il ne justifiait pas d'une résidence effective et qu'il existait un risque de fuite permettant l'application du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de justice administrative.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 7 janvier 2016.
II) Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2015, M.A..., représenté par la SCP Couderc-D..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement des articles R. 811-17 et suivants du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 14 août 2015 ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans le délai d'une semaine à compter de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Boucher, président, a été entendu au cours de l'audience publique ;
1. Considérant que les deux requêtes susvisées de M. A...tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet du même arrêt ;
Sur la requête n° 15LY03092 :
2. Considérant que M.A..., entré en France en mars 2014 sous couvert d'un visa délivré pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, obtenu en qualité de conjoint d'une ressortissante française en application de l'article L. 211-2-1 et du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a demandé, en février 2015, le renouvellement de son titre de séjour en cette même qualité ; que, par arrêté du 4 juin 2015, le préfet de l'Isère lui a opposé un refus, assorti d'une obligation de quitter le territoire français et de la désignation du pays de renvoi ; que M. A...a ensuite été placé en rétention administrative par arrêté du préfet de l'Isère du 10 août 2015 ; que le requérant relève appel du jugement du 14 août 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 4 juin 2015 portant obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi et de l'arrêté préfectoral du 10 août 2015 portant placement en rétention administrative ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / (...) c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ; (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a épousé une ressortissante française le 18 septembre 2013 et qu'il est le père d'un enfant de nationalité française, né de cette union le 16 juin 2014, qui réside en France avec sa mère ; qu'en vertu de l'article 371-1 du code civil, il exerce conjointement l'autorité parentale sur cet enfant et pouvait ainsi, à la date des décisions en litige, prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations précitées de l'accord franco-tunisien ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Isère ne pouvait légalement l'obliger à quitter le territoire, ni le placer en rétention en vue de l'exécution d'office de cette mesure d'éloignement ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet de l'Isère des 4 juin et 10 août 2015 et à demander l'annulation de ces décisions ;
6. Considérant que les annulations prononcées par le présent arrêt impliquent seulement, en vertu de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet de l'Isère délivre à M. A...une autorisation de séjour jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur son cas ; qu'il y a lieu, en application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de prononcer une injonction en ce sens ;
Sur la requête n° 15LY03093 :
7. Considérant que, dès lors qu'il est statué par le présent arrêt sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué, il n'y a pas lieu de statuer sur celles tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
8. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement d'une somme de 800 euros à Me D..., sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 14 août 2015 est annulé.
Article 2 : Les décisions du préfet de l'Isère du 4 juin 2015 prononçant une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M. A...et désignant le pays de renvoi et l'arrêté du même préfet du 10 août 2015 portant placement en rétention de M.A..., sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer sans délai une autorisation de séjour à M. A..., jusqu'à ce que son cas ait fait l'objet d'un nouvel examen.
Article 4 : L'Etat versera à Me D...une somme de 800 euros au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 15LY03093 de M.A....
Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. A...est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur et à Me C...D....
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Boucher, président de chambre ;
- M. Drouet, président assesseur ;
- Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 juin 2016.
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N°s 15LY03092, 15LY03093