Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2016, Mme B...D..., représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 octobre 2015 ;
2°) d'annuler cet arrêté du préfet de l'Isère du 19 juin 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas statué sur la totalité des moyens présentés à l'encontre du refus de titre de séjour et tirés de l'insuffisance de motivation de cette décision, de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation, ni sur la totalité des moyens présentés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et tirés de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du même code et de l'article 8 de ladite convention ;
S'agissant du refus de titre de séjour :
- il est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que, selon l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et deux certificats médicaux des 14 novembre 2014 et 26 juin 2015 des praticiens qui la soignent, sa pathologie psychotique ne peut être correctement traitée dans son pays d'origine ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle a été contrainte de fuir son pays à deux reprises, que ses quatre enfants vivent avec elle et leur père en France où les trois plus jeunes, qui sont mineurs, sont scolarisés, que sa pathologie psychotique ne peut être correctement traitée dans son pays d'origine, qu'elle était enceinte à la date de la décision litigieuse et que sa fille Dragna, âgée de quatorze ans et qui a fait une tentative de suicide, a besoin de stabilité ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle ne peut retourner vivre dans son pays d'origine avec son compagnon et leurs enfants.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 décembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Drouet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur la régularité du jugement attaqué :
1. Considérant, d'une part, qu'il ressort du dossier de première instance que Mme D... n'a pas soulevé, à l'appui des conclusions de sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier faute d'avoir répondu à un tel moyen ;
2. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Grenoble a expressément et suffisamment répondu aux moyens présentés à l'encontre du refus de titre de séjour et tirés de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation, ainsi qu'aux moyens présentés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et tirés de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait, à cet égard, entaché d'irrégularité ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, que le refus de titre de séjour contesté énonce les considérations de droit et les éléments de fait propres à la situation personnelle de l'intéressée qui en constituent le fondement ; qu'il satisfait ainsi à l'obligation de motivation résultant des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;
5. Considérant que les certificats médicaux produits par Mme D... font état d'un déficit intellectuel et de troubles psychotiques d'expression schizophrénique accompagnés de cauchemars et d'hallucinations personnalisées de violence ; que le médecin de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes a estimé, par un avis émis le 22 juin 2015, que son état de santé nécessite une prise en charge médicale pour une durée de douze mois dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et pour laquelle il n'existe pas de traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressée ; que, toutefois, il appartenait au préfet de l'Isère, qui n'était pas lié par cet avis, d'apprécier, au vu de l'ensemble des informations dont il dispose, tels que la nationalité du requérant et la situation générale du système de santé dans son pays d'origine, s'il existait ou non en Serbie des possibilités de traitement approprié de l'affection dont Mme D... est atteinte ; que le préfet produit en première instance un courrier du médecin-conseil de l'ambassade de France à Belgrade du 16 septembre 2009, confirmé par un autre courrier du 22 juillet 2013 émanant de la même ambassade, aux termes desquels existe en Serbie la possibilité de soins adaptés à tous types de pathologies et particulièrement à celle de la requérante ; que, dans ces conditions, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à Mme D...le titre de séjour sollicité ;
6. Considérant, en troisième et dernier lieu, que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que selon le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;
7. Considérant que Mme D..., née le 9 août 1980 et de nationalité serbe, fait valoir qu'elle a été contrainte de fuir son pays à deux reprises, que ses quatre enfants vivent avec elle et leur père en France les trois plus jeunes qui sont mineurs, sont scolarisés, que sa pathologie psychotique ne peut être correctement traitée dans son pays d'origine, qu'elle était enceinte à la date de la décision litigieuse et que sa fille Dragna, âgée de quatorze ans et qui a fait une tentative de suicide, a besoin de stabilité ; que, toutefois, il est constant que la requérante est entrée irrégulièrement en France le 26 octobre 2013 et s'est soustraite à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 26 juin 2014 ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, il existe un traitement approprié à la pathologie de l'intéressée dans son pays d'origine ; que Mme D... et son compagnon faisant chacun l'objet d'une obligation de quitter le territoire français à destination de la Serbie, il n'est pas établi d'obstacle au maintien de la cellule familiale et à la scolarisation de leurs trois enfants mineurs en Serbie, où résident également les parents et la soeur de la requérante ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le refus de titre de séjour opposé à Mme D... ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs ni, par suite, comme méconnaissant les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ; que, pour les mêmes motifs, ce refus n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de la requérante ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; / (...) " ;
9. Considérant que pour les motifs déjà exposés au point 5 dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour, la décision obligeant Mme D... à quitter le territoire français ne méconnaît pas ces dispositions ;
10. Considérant, en second lieu, que pour les motifs déjà exposés au point 7, la décision obligeant Mme D... à quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
11. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. " ;
12. Considérant qu'en se bornant à rappeler les conditions dans lesquelles elle a quitté son pays d'origine, la Serbie, alors que sa demande d'asile a été rejetée le 14 mars 2014 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis, le 7 novembre 2014, par la Cour nationale du droit d'asile, et à indiquer que son compagnon et elle ne peuvent retourner vivre dans leur pays d'origine avec leurs enfants, la requérante ne produit aucun élément de nature à établir la réalité des risques qu'elle allègue encourir en cas de retour en Serbie ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions accessoires à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à ce qu'une somme soit versée à son avocat au titre des frais non compris dans les dépens en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D..., à Me C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Boucher, président de chambre ;
- M. Drouet, président-assesseur ;
- Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 juin 2016.
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N° 16LY00316