Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 10 février et le 27 septembre 2016, la commune de Montélimar, représentée par Me Schmidt, avocat (SCP Schmidt Vergnon Pélissier Thierry Eard Aminthas et Tissot), demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 décembre 2015 ;
2°) de rejeter la demande de Mmes A...et C...;
3°) de mettre à la charge de Mmes A...et C...une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont statué sur un moyen qui ne leur était pas soumis ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la demande est irrecevable ;
- le jugement a fondé l'annulation sur l'article L. 2121-12, relatif à l'obligation de communication d'une note de synthèse jointe lors de l'envoi de la convocation des élus du conseil municipal, alors que c'est l'article L. 2121-13 qui reconnaît le droit à l'information des élus ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le droit à l'information des élus avait été méconnu.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 30 mars 2018, lequel n'a pas été communiqué, Mme A...et MmeC..., représentées par Me Charlot, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Montélimar en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- le jugement n'est pas entaché d'irrégularité ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont jugé recevable leur demande de première instance ;
- c'est à bon droit qu'ils ont estimé que l'information donnée aux conseillers municipaux ne satisfaisait pas aux exigences des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, dès lors que les élus ne disposaient pas d'éléments financiers et techniques suffisants pour apprécier le risque pris par la collectivité ; le secret commercial ne faisait pas obstacle à la communication aux conseillers municipaux du bilan financier prévisionnel de l'opération.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
- et les observations de MeB..., représentant la commune de Montélimar.
1. Considérant que la commune de Montélimar a acquis en 2005 un immeuble appartenant à la Banque de France, situé au centre ville ; que ces locaux ont fait l'objet en 2013 d'une promesse de vente à la SCI des Halles de Montélimar en vue de leur rénovation et de leur transformation en halle alimentaire ; que le coût de cette transformation était notamment assuré par deux emprunts d'un montant respectif de 870 000 et de 850 000 euros, souscrits auprès du Crédit Lyonnais et de la banque Rhône-Alpes ; que, par délibérations n° 1.00 et 1.01 du 29 avril 2013, le conseil municipal de Montélimar a accordé à la SCI des Halles de Montélimar une garantie d'emprunt à hauteur de 50 % sur chacun de ces prêts et autorisé le maire à signer tous les documents afférents à ces garanties et à prendre toutes les dispositions nécessaires pour l'exécution de ces délibérations ; que la commune de Montélimar relève appel du jugement du 17 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, sur la demande de Mme D... A...et de Mme E...C..., conseillères municipales, annulé ces délibérations ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'il ressort sans ambiguïté des écritures de première instance et notamment du mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Grenoble le 30 janvier 2014, lequel indique, notamment, que " un bilan financier prévisionnel complet et sérieux ne nous a jamais été remis alors qu'il est bien évident que pour apprécier le risque pris par la ville cette information est indispensable ", que Mmes A...et C...ont invoqué, à l'appui du moyen tiré du non-respect du droit à l'information des conseillers municipaux, le fait que ces derniers avaient été privés de la possibilité de mesurer la probabilité de survenance du risque lié à la défaillance du débiteur principal ; que, dès lors, la commune de Montélimar n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient statué ultra petita ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
3. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter la fin de non-recevoir opposée en première instance par la commune de Montélimar et tirée de la tardiveté de la demande ;
En ce qui concerne la légalité des délibérations du 29 avril 2013 :
4. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. " ;
5. Considérant que, par les délibérations en litige, la commune de Montélimar a accordé sa garantie à un premier prêt d'un montant de 870 000 euros souscrit auprès du Crédit Lyonnais pour une durée de quinze ans au " taux initial fixe de 3,36 % (hors assurance) " ainsi qu'à un second prêt d'un montant de 850 000 euros souscrit auprès de la Banque Rhône-Alpes pour la même durée au taux fixe de 3,00 % l'an durant les trois premiers mois, puis révisable trimestriellement au taux interbancaire offert en euros (Euribor) à trois mois majoré de 2,787 points, plafonné à 4,00 % ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'avant la séance du conseil municipal du 29 avril 2013 et au cours de cette séance, Mmes A...et C...ont demandé la communication d'éléments d'information complémentaires, et notamment des tableaux prévisionnels d'amortissement des prêts, du taux de l'assurance pour le premier prêt et du bilan financier prévisionnel de l'opération ; que le maire a indiqué que le risque financier avait été évalué et qu'il disposait des chiffres mais qu'il ne pensait " pas utile de les rendre publics " ; que, si la commune soutient qu'elle ne pouvait, sans compromettre les négociations alors en cours avec les futurs locataires de la halle et violer le secret commercial, communiquer aux élus le bilan financier prévisionnel, il appartenait au maire de rechercher des modalités appropriées de communication de ces éléments aux intéressées, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elles avaient, en vain, proposé de se déplacer afin de les consulter ; que, compte tenu des montants en cause et de l'importance du projet, la seule communication, annexée à la convocation, de deux documents succincts intitulés " plan de financement " et " détail des travaux " n'étaient pas suffisants pour permettre aux conseillers municipaux, lesquels tiennent des dispositions précitées un droit à la communication des informations nécessaires pour qu'ils puissent, afin de délibérer utilement sur les affaires de la commune qui leur sont soumises, se prononcer en connaissance de cause, au regard, notamment, des risques financiers encourus par la commune ; qu'il suit de là que les délibérations en litige ont été adoptées en méconnaissance du droit d'information posé par les dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Montélimar n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les délibérations n° 1.00 et 1.01 du 29 avril 2013 du conseil municipal de Montélimar ;
Sur les frais liés au litige :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montélimar une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle, en revanche, à ce que soit mise à la charge de Mmes A...etC..., qui ne sont pas parties perdantes, la somme que demande la commune de Montélimar au titre des frais non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Montélimar est rejetée.
Article 2 : La commune de Montélimar versera à Mme A...et à Mme C...une somme globale de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié commune de Montélimar, à Mme D...A...et à Mme E...C....
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2018, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
M. Hervé Drouet, président-assesseur,
Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.
Lu en audience publique, le 26 avril 2018.
5
N° 16LY00501
sh